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526115 février 2023 (18H30) – C’est vrai, on a fort peu suivi sur ce site, – c’est-à-dire pas du tout, – la “guerre des ballons” aux USA ; je ne sais, circonspection ; lassitude, assèchement du sarcasme et de la moquerie devant ce qu’il est trop facile de brocarder ; crainte de déclencher la colère d’un UFO aux yeux bridés... Tout de même, me suis-je repris, on ne peut ainsi laisser de côté la Grande République !
Il faut savoir que, pendant 15 jours, la susdite Grande république vécut sous la menace à la fois des Chinois déguisés en ballons et des OVNI déguisés en ballons chinois. Tous les arguments et hypothèses furent passés au microscope et à la moulinette, l’ensemble conduisant, chez les gens sérieux, à une alarme extrêmement ferme des intentions agressives des Chinois pour contester l’hégémonie des USA sur le reste du monde, et chez les gens très sérieux, à une interrogation sur des êtres venus d’ailleurs pour contester l’hégémonie des USA sur le reste du cosmos.
Ce furent donc quelques jours de folies pendant lesquels plusieurs trains déraillaient, dont l’un, en Ohio, déclenchant un gigantesque incendie et une intoxication chimique d’une zone entière qui laissa le ministre de la sécurité intérieure indifférent pendant deux semaines. Il faut dire que les catastrophes infrastructurelles et polluantes au milieu d’une lutte farouche et infrastructurelle contre la pollution, on connaît, aux USA. Pendant la même période, on eut également les quelques glous-glous médiatiques déclenchés par la presseSystème de surveillance pour étouffer l’enquête de Seymour Hersh sur le sabotage de NordStream ; la “guerre des ballons” y apporta sa contribution, jusqu’à créer un ensemble de dénégations qui finit par donner du crédit à l’article de Hersh qu’on voulait faire disparaître dans un trou noir.
(Une sorte de crédit instinctif : désormais, plus personne ne doute de la responsabilité des terroristes que tout le monde connaît bien ; on en est, – je parle des adversaires de Hersh, – à contester tel ou tel détail de sa démonstration, ce qui sous-entend qu’à part “tel ou tel détail”, l’évidence n’a plus besoin de la moindre démonstration.)
Timour Fomenko, de son côté, entendit montrer qu’une fois de plus le Pentagone faisait appel à la science-fiction pour faire augmenter ses budgets. (Je me demande s’il a besoin d’un seul argument ? Les budgets augmentent tout seuls, ils gonflent comme des ballons.) Fomenko expliqua qu’en même temps, en rejetant le soupçon des ballons sur les Chinois, on étouffait dans l’œuf les velléités des républicains de plus en plus nombreux qui s’opposent à des dépenses d’armement pour les Ukrainiens. Pas sûr, et peut-être même au contraire : les républicains dits “pacifistes” ne le sont pas vraiment. Ils sont contre les “guerres lointaines”, et donc contre l’envoi d’armes et de conteneurs de dollars aux zélenskistes, d’autant plus s’il faut s’armer face à d’éventuelles pressions chinoises. Vous voyez, tous les arguments contiennent leurs contraires dans cette Amérique complètement bouffe.
Puis vint aussitôt l’inévitable : les choses s’apaisèrent aussi vite qu’elles s’étaient déchaînées et l’on put faire un bilan de l’alerte extra-terrestre.
• Il y avait eu l’avis plein de sagesse d’Elon Musk, nous informant qu’il s’agissait d’« amis extraterrestres qui nous saluaient en passant ». Pourquoi pas ? Salut, Elon...
• Il y avait eu des précisions sur le F-16 de l’USAF attaquant un des OVNI qui volait pourtant de manière bien inoffensive, en ligne droite, et réussissant à le rater avec son premier missile ‘Sidewinder’ à $400 000 l’exemplaire, obligé d’en tirer un second qu’on imagine être à ses frais...
• D’ailleurs, pour résumer le tout, voici ce qu’on peut lire dans un article de RT.com qui reprend rapidement toute l’affaire, et l’on comprend qu’il s’agit bien d’un « Much Ado For Nothing » pour lequel de prodigieux porte-paroles, des ministres et des généraux, des plumitifs par hordes furieuses et nombreuses, des polémistes, des idéologues, des marchands de pizza des quatre saisons, des vieux hippies et des filles des rues, se sont déchaînés avec une hargne extraordinaire et semblant bouleverser le monde, – et tout cela, qu’un peu de sable efface, ou bien les paroles lénifiantes d’un porte-parole :
« Au début du mois, un engin identifié comme un ballon chinois à haute altitude a été abattu au-dessus de l'océan Atlantique après avoir traversé une grande partie de la zone continentale des États-Unis, ce qui a suscité des allégations d'espionnage de la part des responsables américains, qui ont affirmé que l'engin était équipé de technologies utilisées pour l'espionnage.
» Malgré les spéculations selon lesquelles les trois autres objets pourraient également être liés à l'espionnage étranger, le porte-parole du Conseil national de sécurité, l’amiral John Kirby, a laissé entendre qu'ils n'étaient pas d'origine chinoise et ne constituaient pas une menace pour la sécurité nationale des États-Unis.
» “Nous ne voyons rien qui indique pour l'instant qu'ils font partie du programme de ballons espions de la Chine”, a déclaré M. Kirby aux journalistes, ajoutant que les objets pourraient plutôt être “liés à un objectif commercial ou simplement d’amusement”.
» Bien que les autorités aient affirmé à plusieurs reprises que le ballon chinois qui a pénétré dans l'espace aérien américain avait été envoyé pour espionner des sites militaires et d'autres lieux sensibles, Pékin a nié ces allégations, affirmant que le dirigeable avait dévié de sa trajectoire par accident.
» Selon plusieurs responsables américains joints par le Washington Post, les analystes envisagent maintenant la possibilité que [ce premier] incident soit une erreur après tout, notant que l'engin a “rencontré des vents forts” qui semblent l'avoir poussé vers les États-Unis, hors de sa trajectoire initiale. »
Autrement dit, la représentation est finie ? Que nenni, rien n’est jamais fini. Il faut savoir mélanger tous les mystères, complots, chausse-trappes que l’on pose dans le chemin de nos dirigeants aussi bien que dans la vertu du bleu azuré des cieux de l’“Ouest collectif”.
Par exemple, cet article assez rigolard de Larry Johnson, qui évoque l’une ou l’autre hypothèse pour s’arrêter à celle, – la plus simple et la plus évidente, – que l’équipe Biden a simplement voulu faire une sorte de scénette à la Spielberg d’une situation où, selon Johnson,
« alors que nous vivions dans une époque où la vision d’OVNIs était assez rare, voilà qu’il semble maintenant y en avoir partout... »
Appréciez comme il se doit le ton léger de l’analyse qui a de plus en plus de mal à prendre au sérieux l’étrange cohorte de dirigeant de la Grande République, comme de “l’Ouest collectif” en général. Donc, Johnson envisage trois hypothèses pour “expliquer“ l’affaire des ballons, penche pour l’une, pour l’autre, puis...
« Mais ensuite j’ai contacté une source bien informée.... Le général Van Herck, qui commande le NORAD, signale désormais tout ce qui entre dans l'espace aérien américain et canadien et ordonne l'envoi de moyens pour l'abattre. Par le passé, le général Van Herck et son état-major n'ordonnaient pas de réaction de combat à moins d'avoir la preuve évidente que le ballon ou l'objet était hostile ou présentait une menace mortelle. C'est ce qui s'est passé avec le premier ballon : le NORAD a décidé que le ballon ne représentait pas une menace et n'a pas ordonné qu'il soit abattu.
» La décision du général Van Herck a ensuite été annulée lorsque la Maison Blanche de Biden a découvert qu’il existait une grosse cible qui pouvait être abattue du ciel et qu’ils pouvaient passer pour des durs. Van Herck s'est fait engueuler et a été averti qu'il ne fallait pas juger si rapidement quelque chose de non-hostile, même si c'était le cas. Van Herck, comme toute autre créature bureaucratique, vit pour servir le Maître. Un peu comme Gollum dans la trilogie du Seigneur des Anneaux. Malgré son changement de cap, je pense que les jours de Van Herck sont comptés. Il est impatient de passer plus de temps avec sa famille. Van Herck sera bientôt remplacé par un sychophante baveux qui sera plus enclin à tirer d'abord et à poser des questions ensuite. Je suis sûr que les Russes et les Chinois trouveront cela très cool.
» Nous nous retrouvons donc dans une situation où nous dépensons des dizaines de millions de dollars en moyens aériens juste pour chasser des déchets flottants que nous ignorions auparavant. Ah ouais. J’en ai presque oublié un autre but. Utiliser l'inconnu pour foutre la trouille au public américain. Rien ne fait plus peur aux gens que de laisser échapper que certains de ces objets sur lesquels nous tirons pourraient être un extraterrestre malveillant ou une arme chinoise super secrète. Et encore, peut-être que cela ne les impressionne pas. »
... C’est-à-dire : “Et encore, peut-être tout le monde s’en fout-il et personne ne croit plus personne, et plus rien ne fout vraiment la trouille à personne”... Même impression avec l’article de Hersh qui démonte l’opération de sabotage de NordStream, et pour cette raison l’on peut rapprocher les deux affaires autrement qu’en les opposant, l’une pour étouffer l’autre.
L’article de Sy Hersh est passé à la moulinette par des plumes dissidentes fameuses, d’habitude complètement du côté de Hersh ; d’ailleurs, peut-être le sont-elles là aussi, mais en faisant quelques ronds dans l’eau autour de certains aspects du texte, montrant que la dissidence peut répondre au désordre du Système par un désordre plus conséquent encore, et aux complexités de ses directions éparpillées par ses propres complexités. Je cite deux des contestataires :
• John Helmer, de son ‘DanceWith the Bears’ à Moscou, nous donne une critique en règle du texte de Hersh, extrêmement précise, argumenté, etc. Helmer n’est pas contre l’hypothèse du sabotage anglo-saxon, bien au contraire, puisqu’il publie le lendemain un texte où il met complètement en cause une équipe anglo-ukrainienne, avec la photo désormais bien connue (je crois) du visage triomphant de la météorique Liz Truss annonçant à Blinken : « It’s done »
• Pépé Escobar reprend un peu du John Helmer :
« Le correspondant étranger de la vieille école basé à Moscou, John Helmer, est allé encore plus loin, et ce qu’il a découvert pourrait être aussi incandescent que le récit de Sy Hersh lui-même... »
Avant de se lancer dans une analyse extrêmement précise, terriblement complexe, etc., de la préparation de l’attaque dont nul, je pense, ne ressort indemne... Mais bref, devant tant de détails et d’appréciations, les perroquets qui nous coassent comme des canards que “c’est la faute des Russes” commencent vraiment à dater. Ils feraient bien mieux de changer de feuille de route et d’admettre que dans cet infernal tourbillon, il est bien difficile d’être assuré de se trouver dans le Camp du Bien en ânonnant la complainte venue du “Château” dont « le prince est un enfant »...
Quant à moi, eh eh...
Eh bien, je termine par la chute idéale, qui est en vérité une montée vers des instances divines, qui vient d’un commentaire d’un lecteur accompagnant un texte qui nous dit que toutes ces choses (je reviens aux ballons) pourraient bien avoir des allures extraterrestres. Je laisse de côté la thèse et en viens à mon lecteur (“Nidzo”), qui nous livre ceci :
« Je me souviens d’un document que j’ai lu il y a quelques années concernant le contrôle des populations par les manipulations médiatiques. En gros, cela disait qu’après le terrorisme il utiliseront le narratif des ovnis.
» Au sujet des ovnis, il est intéressant de savoir que deux chercheurs passionnés par ce phénomène et qui en ont fait leurs sacerdoce (un français et un américain) et de renommé internationale, sont arrivés a une conclusion inattendue.
» Au vu de la violation des lois physiques considérée comme impossibles, la seule explication restante est que les ovnis sont de nature spirituelle.
Et notre lecteur de conclure, plein de sagesse et de prudence à la fois, ce constat que je pourrais faire mien :
« A chacun de se faire sa propre opinion sur ces mystères. »
Si fait, mon prince. Tant il est vrai que dans cette colossale tragédie-bouffe que nous vivons, il devient impossible de distinguer ce qui est tragédie et ce qui est bouffe ; même Hercule ne serait pas parvenu au terme de l’énigme, malgré son habitude des “Travaux” du même nom. La sagesse, d’ailleurs, plutôt que “se faire sa propre opinion” sur ceci et sur cela, comme sur les cailloux du Petit Poucet, est bien de dédaigner l’opinion sur ces faits accessoires, de n’en point avoir pourvu que l’on suive sa ligne de crête, – la sagesse est de pratiquer l’Inconnaissance comme je l’entends.
Si l’on peut s’interroger sur la nature des OVNIs comme fait “Nidzo”, je suis assez sûr par contre que l’Inconnaissance ainsi majusculée et utilisée avec tant d’habileté (elle vous permet de consacrer toute votre attention à la “ligne de crête”) est absolument « de nature spirituelle ».