L’américanisation par le “oui”

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La campagne du référendum en France est à direction unique, comme une autoroute à deux voies de 25 bandes chacune, qui serait ouverte dans un seul sens. Le “oui” va de soi, vertu pure, absolue manifestation de la symphonie du conformisme; le “non” est une option étrange, absurde ou infâmante, une option pathologique, un colifichet de nègre (oh pardon ! de black) dont il faut bien supporter la promotion, du bout des ondes et avec un masque protecteur (gare à la contagion). Le monde français de la communication, avec le monde politique et artistique dans sa besace, et les copains européens qui pullulent et descendent dans les beaux hôtels parisiens, montrent un fonctionnement équivalent au monde washingtonien. Ils valent bien GW. Seul le sujet change, — ici les ADM de Saddam qui n’existaient pas, là le “non” des Français qui prétendaient exister.

Une réaction vient de certains journalistes qui se sont regroupés en une pétition ouverte, accessible sur un site ouvert à cet effet. Ce matin, 113 noms sont répertoriés. Le texte des journalistes pétitionnaires rappelle qu’au 31 mars 2005, un décompte effectué pour l’émission Arrêt sur image du 10 avril 2005 indiquait « que toutes chaînes confondues, le nombre d'intervenants à la télévision sur le traité constitutionnel européen entre le 1er janvier et le 31 mars 2005 était : 29% favorables au “non”, 71% favorables au “oui” ». On comprend que, depuis, les choses se sont améliorées. Notre hypothèse-sondage particulier est que les interventions en faveur du “oui”, depuis, doivent se situer entre 125% et 140%. Dans cet univers psychologiquement perverti jusqu’à la nausée, pourquoi s’attarder à s’expliquer sérieusement?

Cette situation est celle du monde virtualiste où évolue et s'évalue l’establishment occidentalisé. Lorsque l’un ou l’autre homme politique plein d’avenir de notre avenir européen, — un VGE par exemple, le plus sérieusement satisfait de lui-même parmi tous ceux qui sont contents, — nous affirme que la Constitution établira une Europe qui saura s’affirmer face à l’Amérique, il fait office de caricature superbement illustrative de la situation, — et il a quelques métros de retard. Il est préférable, dans les conditions actuelles et pour maintenir le “oui” la tête hors de l’eau, non plus de mentir, mais de s’ébrouer complètement dans ce monde virtualiste qui est le leur. L’Europe “constitutionnalisée” n’aura pas besoin de s’affirmer face à l’Amérique, dans ce domaine de la représentation virtualiste d’elle-même, puisque la campagne nous confirme qu’elle est complètement américanisée; elle l’est complètement, c’est-à-dire par sa corruption psychologique enfantant ce refus du sens du monde et de la force de l’histoire que suscite l’aveuglement décidé sur soi-même.

Effectivement, par l’odeur, par l’aspect faisandé, par le replâtrage de l’aspect et du maquillage, par la peur extraordinaire de faillir au conformisme, par la trouille caractérisant les mœurs et le désordre des psychologies, cette Europe de demain que représente le référendum français pour le “oui” et rien d’autre ressemble à la fois au dépenaillement et à l’irresponsabilité de la France de 1788, et à la terreur psychologique de la France de 1792.

Ce référendum est une leçon de morale, politique et autre.


Mis en ligne le 5 mai 2004 à 07H00