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1829Qui a écrit que Barack Obama ne parlait pas “substance” et s’employait essentiellement à un “tour” de promotion et de relations publiques dans les terres extérieures? Parmi d’autres, dedefensa.org a fait cela. Il est temps de songer à son mea culpa. Hier, Barack a parlé “substance”, et comment, et combien précisément! Il suffit de lire ces remarques, reproduites par CNN.News hier, à partir d’une interview donnée par Obama à CNN:
«Barack Obama said Friday that persuading NATO allies to contribute more troops to Afghanistan could lead to U.S. troop cuts and help improve the U.S. economy, with reduced military expenditure being diverted into tax cuts to help middle class families.
»“Part of getting that right is having the Europeans engaged and involved in this same battle that we're involved with,” the Democratic presidential contender told CNN's Candy Crowley in Berlin, Germany, where he had addressed an estimated crowd of 200,000 a day earlier.
(…)
»Asked what message his traveling abroad three months before the election sent to Americans, Obama said getting commitments from the United States' partners would help address some of the domestic issues Americans are facing.
»“If we have more NATO troops in Afghanistan, then that's potentially fewer American troops over the long term, which means we're spending fewer billions of dollars, which means we can invest those billions of dollars in making sure we're providing tax cuts to middle class families who are struggling with higher gas prices that will have an impact on our economy.”»
Obama a donné des détails sur la perspective idyllique qu’il entrevoyait ainsi: moins de troupes US en Afghanistan, c’est moins d’argent pour le Pentagone, c’est plus d’argent pour aider les pauvres durement touchés par la crise et ainsi de suite. La trouvaille est à la fois sympathique pour l'intention, pathétique pour la perspective quand on connaît les habitudes du Pentagone.
(Charmante mélodie pour le candidat qui entend renforcer de façon significative l’engagement US en Afghanistan; mais il a dit qu’il prendrait des troupes d’Irak pour faire cela; ce qui suppose effectivement un retrait d’Irak, ce qui fera plaisir à Maliki et moins à ceux qui prônent le maintien d'un engagement US massif dans la région; tout cela devrait permettre, dit encore Obama, de réduire le budget du Pentagone au profit des budgets sociaux… Pour conclure ces remarques en passant: Obama s’engage dans le cercle infernal, parce que vicieux, des nécessités sociales face aux nécessités militaires. Il n’en est pas encore sorti parce que c'est justement la crise fondamentale des USA, entre une politique extérieure soi disant impériale qui demande tant de moyens et des moyens en chute catastrophique.)
Donc, Obama a effectivement parlé “substance”, comme s’il avait des idées en fait de politique extérieure. Mais il s’agit d’un autre sujet. On est aussitôt amené à observer, avec ces diverses interventions ci-dessus, que ces remarques ont finalement comme argument principal la politique intérieure et, singulièrement, les questions sociales qui forment l’un des axes centraux de la candidature Obama. Par conséquent, l’exemple cité n’a pas grand’chose à voir avec le voyage d’Obama et sa volonté de “paraître présidentiel” en matière extérieure, – à moins que l’on s’en tienne au “paraître”, effectivement; mais tout à voir, plutôt, avec les échos d’un certain mécontentement US que nous signale The Independent de ce jour, avec cette question: «Will Obama's rock-star moment in Berlin backfire?», – puis cette introduction, qui philosophe sur les difficultés d’être un futur président des USA : «Don't say “Mission Accomplished” because it's risky in American politics. But at least in one respect, it will surely be what Barack Obama is feeling as he lands back on native soil this evening. He has got some first-rate foreign affairs footage in the can for the remainder of his campaign until November.»
Après avoir détaillé tous les motifs de succès et de satisfaction de sa tournée dans ROW (the Rest Of the World), David Usborne, le journaliste de The Independent qui a préféré rester à New York, dans la province qu’a abandonnée Obama, enchaîne sur les inconvénients qui surgissent:
And yet what are the dividends for Mr Obama from this trip? New polls – admittedly done before the bravura of Berlin – carry worrying trends for his campaign. Is he pulling away from the white-haired grouch? No. There are signs of a fresh backlash against him in the media.
»The word from the “fly-over states” – otherwise known as the heartland – meanwhile, was “What about us?” “What about our economy?” Or as one Pennsylvania voter put it, it's great if the Germans love him but they ain't voting in November.
»Thus yesterday, Mr Obama found himself defending spending so much time abroad. He has used it to lobby for more European troops in Afghanistan, he told CNN. That will mean fewer American troops there, “which means we are spending fewer billions of dollars and we can invest those billions of dollars in making sure that we providing tax cuts to middle-class families struggling with gas prices”.
»It's a connection they may have a tough time making in factory towns of Michigan or the farming communities of Colorado. But he pressed on yesterday: “I also wouldn't underestimate the degree to which the people in Ohio or people in Michigan or people in Missouri recognise that our long-term safety and our long-term security is going to depend on how we are going to interact with our key allies.” Even his allies worry that that kind of logic will be lost on voters.
»“At a time in which Americans are turning inward, fearful of a weak economy and wary of foreign engagements, Obama's message is a tough sell at home,” commented Nancy Soderberg, a former senior foreign policy aide to Bill Clinton.
»What does Mr Obama underestimate? The risks of hubris?…»
Autrement dit, Obama se trouve placé devant un dilemme courant lorsqu’il s’agit des USA, une sorte de logique en cercle vicieux: vous êtes un candidat adulé des foules aux USA; mais l’on vous rappelle, et le système lui-même est exigeant là-dessus, que vous n’avez pas de stature présidentielle pour la politique extérieure; vous vous précipitez pour un tour extérieur (ROW) où l’on vous acclame triomphalement, type “Obamamania”; l’on (les électeurs, via les sondages) vous rappelle que l’important, c’est les USA et non ROW, et que les USA sont dans une situation pathétique, tous ces pauvres gens de l’Ohio, du Michigan ou du Missouri. Et c’est ainsi qu’Obama a un problème.
Les USA sont et restent les USA, ce phare de la liberté dans le monde, cette terre d’accueil si ouverte sur ROW que ROW ne cesse de chanter ses louanges, et pourtant cette terre si complètement isolée et isolationniste de mentalité, si complètement refermée sur elle-même qu’elle ne supporte pas une seconde qu’un candidat aspirant à être son président consacre une semaine à aller se faire applaudir par ROW. Les USA, terre du rythme, du changement et du progrès, les USA qui applaudissent Obama et son slogan à-la-Sarkozy (“change”), les USA ne changent guère. Il est bon (c’est-à-dire efficace, disons) d’user de tous les artifices de la relation publique et du virtualisme; il est risqué de trop y croire.
Si tous ces constats déplorables se confirment, y compris l’incapacité où se trouve Obama de distancer McCain dans les sondages, Obama va très vite se trouver confronté au dilemme que nous signalions hier: ou bien ramer désespérément pour distancer McCain, avec le risque d’électeurs lui reprochant à haute voix ses promesses populistes non tenues (et à voix basse la couleur de sa peau…); ou bien en revenir à sa posture populiste où il excelle, qu’on lui vit déployer avec vigueur et succès surtout au début de la campagne des primaires.
(Pourquoi tous ces problèmes, – car Obama y a une responsabilité? A côté de toutes ses qualités incontestables, Obama a néanmoins montré par bien des aspects, détails, décisions, etc., qu’il se trouve confronté à un travers classique dans cette sorte d’aventure: l’arrogance que donne la certitude trop vite acceptée de la victoire, – vous savez, cette chose que l’on désigne en langage court et trivial, mais imagé : “la grosse tête”. Ce pourquoi nous avons isolé la fin de l’extrait ci-dessus: «What does Mr Obama underestimate? The risks of hubris?…» Obama se trouve désormais confronté à ses propres démons. En ce sens, oui, il “looks presidential”.)
Mis en ligne le 26 juillet 2008 à 05H57