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21 septembre 2002 — Le 20 septembre, le président Bush a présenté la nouvelle doctrine stratégique américaine. Plus qu'une “révolution” de la pensée stratégique, il s'agit de l'achèvement doctrinal et théorique d'une tendance grandissante des USA depuis la fin de la Guerre froide, dont les signes étaient manifestes durant la Guerre froide, dont les racines existent dans les conceptions mêmes des USA, mais selon une perspective stratégique renversée. La doctrine d'attaque préventive, reposant sur le seul jugement américain, implique une Amérique évoluant seule et appréciant seule la situation du monde. Cette doctrine a ses racines dans la position géopolitique et la conformation psychologique de l'isolationnisme ; ce qui compte en effet dans l'isolationnisme, c'est la notion politique et psychologique de la “solitude” et nullement la position géographique (qui peut varier).
Associated Press présente de cette façon l'annonce et la présentation du nouveau document :
« President Bush declared in an aggressive new national security strategy Friday that the United States will stop any adversary challenging America's military superiority and adopt a strike-first policy against terrorist threats “before they're fully formed.”
» The 35-page document, titled “The National Security Strategy of the United States of America,” marks the end to the deterrent military strategy that dominated the Cold War and officially shifts the country to a pre-emptive policy that Bush first outlined at West Point in June.
» “Given the goals of rogue states and terrorists, the United States can no longer solely rely on a reactive posture as we have in the past. ... We cannot let our enemies strike first,” Bush wrote in the document submitted to Congress as required annually by law. “As a matter of common sense and self-defense, America will act against such emerging threats before they are fully formed,” he added. »
Bien entendu, ce que nous présentons comme une variante de l'isolationnisme est également une variante dégénérée de l'isolationnisme. Si l'isolationnisme n'interdit enrien des interventions extérieures, il considère par contre comme complètement aberrantes des interventions extérieures qui accroissent la charge pour les USA et risquent de grandir le danger qu'elle court du fait s'attitudes extérieures hostiles ou d'instabilités régionales.
Parmi les réactions négatives aux États-Unis devant l'établissement de cette nouvelle doctrine, on notera celle du Cato Institute, qui est de tendance libertarienne et libre-échangiste et qui se rapproche dans ses conceptions des isolationnistes. Cato soutenait jusqu'alors la “guerre contre la Terreur” (principalement l'Afghanistan) ; sur ce point de l'Irak, le point de vue est différent :
«
L'établissement officiel de cette doctrine est un acte important dans la mesure où il rend officiel un changement fondamental de la politique étrangère des États-Unis. C'est ce que souligne le Times de Londres aujourd'hui. Le Times explique que c'est un changement radical par rapport à une doctrine établie il y a un demi-siècle.
« The Bush Administration’s new strategy of pre-emption is a watershed in US foreign policy. It reverses the fundamental principles that have guided successive Presidents for more than 50 years: containment and deterrence.
» Based on a speech by Harry Truman to Congress on March 12, 1947, the doctrine was focused on the prevention of Communist expansion. It became the keystone of American foreign policy until the end of the Cold War and remained its moral compass until the September 11 terrorist attacks last year. »
L'appréciation du Times s'attache surtout aux causes des stratégies dans sa rapide présentation. L'important est moins que la stratégie abandonnée ait été justifiée par le communisme, que le fait qu'elle s'insérait dans une appréciation générale des relations internationales basée sur le refus de l'“attaque non provoquée”, qui est la description même de la “guerre d'agression”. La nouvelle stratégie abandonne cette vision.
L'Amérique ne s'estime désormais plus comptable des lois internationales essentielles, sauf lorsque leur respect rencontre ses intérêts. Le tournant est fondamental et il est désormais inscrit dans les textes stratégiques officiels. La séparation des États-Unis du reste du monde, au niveau de la conception des relations internationales, est complète. Désormais, le cadre est prêt dans le reste du monde pour une évolution radicale des jugements sur les États-Unis, cette fois au niveau des analystes de politique (cette évolution étant déjà largement entamée au niveau des opinions publiques). Reste à voir combien de temps il va être possible de poursuivre des politiques de coopération, notamment entre l'Europe et les USA, basées sur une “vision commune”, des “valeurs communes” et ainsi de suite, alors que l'inspiration stratégique diverge désormais radicalement en se référant à des valeurs si opposées.