L’Angleterre, à son tour…

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Il faut signaler, ce jour dans The Independent, une enquête importante sur le climat qui règne aux Communes, dans la majorité, par rapport à l’actuelle coalition (The Independent serait plutôt proche des démocrates-libéraux, et fort peu des conservateurs).

Un article de ce 31 décembre 2010 indique que le climat est le plus révolté et le plus agité qu’ait connu un Parlement britannique depuis 1945, et de la part de la majorité elle-même... «Government MPs are rebelling against their parties' policies on a scale not seen since 1945, new research for The Independent has revealed. During the Coalition's first seven months, dozens of Conservative and Liberal Democrat MPs – including many elected for the first time in May – have repeatedly defied House of Commons whips to vote against the Government.»

Dans l’éditorial qui accompagne (31 décembre 2010) cette enquête, les réflexions du journal sont à la fois radicales et sans réelles perspectives de bouleversement, sinon celles d’agitations poursuivies et amplifiées : «A year of political revolution. And it's only just begun…»

Ainsi, l’éditorial commence par la description d’une certaine, d’une réelle stabilité… «This has been a year in which, politically, everything has changed. At the end of 2009 Gordon Brown was in Downing Street, propped up by Peter Mandelson. The Prime Minister's authority was about to be challenged in a coup attempt by two former ministers. An end-of-era feel haunted the Government. Twelve months on, David Cameron resides in Downing Street, supported by Nick Clegg. Despite some backbench grumbling, there is little expectation of a direct challenge to the Government's authority. A new political era has begun.»

…Il se poursuit, l’éditorial, par la description de la situation politique agitée, voire révolutionnaire, que l’article principal expose, et se termine par une conclusion qui expose à nouveau cette paradoxale stabilité du gouvernement, voire ce qui serait une certaine popularité… Et, au-delà, pour 2011, la promesse de la poursuite et de l’accélération de la “révolution politique” que connaît le Royaume-Uni, – mais quelle “révolution politique” ? «Whatever view one takes of the Coalition's policies (and this newspaper has been trenchantly critical of its approach to the deficit) it is difficult to argue that it has delivered weak government. That in itself is a powerful argument for the kind of electoral reform that would further erode the two-party bias in our politics. For both good and ill, this has been a revolutionary year in British politics. And 2011 promises more violent turns of the wheel.»

Notre commentaire

@PAYANT Ce qui est remarquable dans la description que fait The Independent de la situation politique, c’est d’une part et d’abord le contraste entre un système parcouru de formidables tensions de protestation et de quasi “révolte” (au niveau parlementaire) et la stabilité affirmée du gouvernement. C’est d’autre part, et d’une façon beaucoup plus ambiguë qu’il pourrait paraître (qu’il a dû paraître au rédacteur de l’éditorial), l’affirmation que le Royaume-Uni est entré dans une ère révolutionnaire en 2010, et que cette période va se poursuivre et s’accélérer en 2011. Au fond, nous sommes d’accord avec ce deuxième constat, mais nous nous interrogeons : de quelle révolution s’agit-il ?

Le Royaume-Uni est, dans nos analyses, un pays important parce qu’il constitue, avec les USA, l’axe central du Système, soit de l’économie hyper-libérale, mais, au-delà, du système du technologisme complété par le système de la communication, ce phénomène métahistorique qui a pris son essor avec le “déchaînement de la matière” au début du XIXème siècle. Et, naturellement, le Royaume-Uni est, avec les USA, le pays qui tient à lui seul l’essentiel du Système, qui a été la cause essentielle de la mise en route de son effondrement, et qui, certainement, est un des pays (certainement avec les USA) qui souffre le plus des conséquences de cet effondrement en cours (logique, cela, pour une fois, – sinon Justice divine). Par conséquent, le sort du Royaume-Uni, comme celui des USA, est un sort qui reflète l’évolution actuelle du Système, qui en est l’illustration.

Or, il y a une frappante similitude dans la situation politique des deux pays, le malaise du corps politique intermédiaire, entre le gouvernement (l’exécutif) et les représentations parlementaires. The Independent présente cela presque comme une opportunité, pour poursuivre “une révolution” qui affecterait, selon un vœu qui transparaît entre les lignes, un système politique archaïque et à bout de souffle, et qui aurait commencé à être réformé avec l’actuelle coalition dans ce pays habitué aux gouvernements constitués par un seul parti. Nous y verrions, nous, autre chose. Le journal ne s’attarde guère, sinon pas du tout, à l’agitation sociale qui a démarré au Royaume-Uni sur la fin de l’automne 2010, après l’apathie qui a suivi la crise de 2008-2009 et qui a été brusquement dispersée, – et en bonne partie, à notre estime, à l’exemple de la situation d’agitation née dans d’autres pays européens, et notamment en France. Si l’on tient compte de cet élément, on peut avancer l’hypothèse que l’agitation parlementaire extraordinaire qui caractérise les Communes aujourd’hui reflète évidemment cette insatisfaction populaire d’abord potentielle puis effective, et cette proximité de la révolte. Pourtant, le gouvernement ne tombe pas. Pourtant, cette agitation parlementaire n’aboutit à rien, tout comme l’agitation populaire d’ailleurs. Cela rapproche effectivement la situation britannique de la situation US où le mécontentement populaire est immense, où le malaise du même corps politique intermédiaire est très grand comme on l’a vu en 2010 et comme on va le voir encore plus en 2011 avec le nouveau Congrès et la présence des activistes de Tea Party. Mais au Royaume-Uni comme aux USA (et comme ailleurs), pour l’instant tout cela n’aboutit à rien de décisif dans l’apparent équilibre des pouvoirs parce que, en réalité, comme tout le monde devrait le savoir, nous sommes dans ce Système-là qui s’est construit sur l’emprisonnement du principe de TINA (There Is No Alternative). Alors, toute cette agitation est pour l’instant sans but spécifique sinon quelques principes furieux et difficiles à satisfaire, comme dans des mouvements type Tea Party, – donc, agitation spécifiquement nihiliste qui entretient un formidable climat d’instabilité et participe au travaille de déstructuration du Système, – donc agitation nihiliste fort utile contre le Système lui-même nihiliste…

On comprend alors qu'il nous est difficile de partager l’espèce d’optimisme paradoxal de The Independent, reflétant sa vision libérale-progressiste… Cet “optimisme paradoxal”, c’est qu’une “révolution” est en train de se faire, mais dans les normes du Système et pour réformer “en douceur” ce Système. Cet “optimisme paradoxal” nous paraît complètement dérisoire, sinon désespéré (le désespoir de la raison humaine tentant d’imposer ses vues aux événements, malgré que les événements soient la démonstration permanente de l’échec de son action de plusieurs siècles, en génitrice, complice et auxiliaire du Système). Notre analyse est exactement contraire. Il n’y a pas de “révolution” en cours, il y a une agitation nécessairement nihiliste puisque rien ne peut être fait hors du système et que ce système est en cours d’effondrement. Il y a la recherche d’une “révolution” impossible à faire dans le cadre du système, qui ne peut se faire dans le cadre du Système, dont la potentialité et les caractères se révéleront lors de l’effondrement achevé du Système, qui est en cours (l’effondrement), – et l’on verra que le mot lui-même, “révolution”, est dépassé... C’est l’hypothèse avancée dans le “DIALOGUES-18” du 27 décembre 2010:

«Quant à chercher quelque chose à mettre à la place du Système-en-soi qui est tout, c’est non seulement une tâche impossible mais une tâche illogique. Le Système étant tout et ayant la puissance qu’on sait, tout ce que vous pourriez imaginer ne ferait qu’emprunter des éléments fondamentaux du Système, donc repartir sur une voie faussaire qui ne ferait que nous faire retomber sur une autre version du même Système. Il faut attendre que le Système parvienne à un état de délabrement et d’autodestruction telle qu’il accélère son effondrement par l’un ou l’autre événement décisif (bien entendu, je ne saurais dire lequel) qui, soudain, ménagerait une ouverture hors de son emprise. C’est lui, le Système-en-soi, qui, en s’effondrant, nous donnera la solution de l’énigme.»

C’est dire si nous sommes en désaccord avec l’analyse implicite fondamentale de The Independent, qui représente, quoi qu’il en veuille et écrive parfois, l’aile réformiste du Système. Ce que l’analyse du quotidien nous dit de tout de même intéressant, c’est bien la confirmation du processus d’effondrement du Système, avec les structures politiques du deuxième pays phare du Système secouées aussi profondément sur ce point que le sont celles des USA. (Certes, un processus similaire est partout en cours, mais c’est bien les USA et UK qui, en l’occurrence, mènent la danse. C’est bien le cœur du Système qui est concerné.) Quant à espérer que l’on s’achemine vers une réforme “révolutionnaire” parce que le gouvernement Cameron-Clegg tient toujours en place, c’est vraiment juger d’un événement fondamentalement métahistorique (l’effondrement du Système) en dissertant à propos de l’âge du capitaine (du Titanic).


Mis en ligne le 31 décembre 2010 à 07H15

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