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12 janvier 2005 — L’Histoire va vite. En deux années bien remplies, elle a infligé le plus catégorique des démentis possibles à l’affirmation impériale de l’Amérique. L’américanisme, — pour être plus précis et plus juste en cette occurrence, — est sans doute la force la plus anti-impériale qui ait jamais existé, dans le sens où ce mouvement et son expression de puissance sont une force dispensatrice de chaos alors qu’on attend d’un projet impérial qu’il installe un ordre (ordre nouveau, ordre impérial, etc, qu’importe la désignation dans ce cas, pourvu qu’il y ait un ordre).
L’américanisme est une force de désordre, de destruction, de rupture, sans rien à proposer en échange que le chaos ainsi créé. C’est la conclusion (ou la confirmation) à laquelle on est conduit à la lecture d’un très long article sur atimes.com, de Michael Schwartz, professeur de sociologie à l’Université de l’État de New York.
Schwartz est publié sur quelques sites fameux et de bonne réputation (TomDispatch, ZNet, Asian Times), il est l’auteur de Radical Politics and Social Structure, The Power Structure of American Business (avec Beth Mintz), Social Policy and the Conservative Agenda (avec Clarence Lo). Il a étudié attentivement, en sociologue, les structures sociales et politiques qui se sont mises en place ces deux dernières années en Irak, dans divers bastions de la résistance. Son attention s’est essentiellement portée sur “Sadr City”, le bastion du jeune chef religieux chiite dans un faubourg de Bagdad : « Sadr City — the overcrowded, under-serviced 3 million-person Baghdad slum that has been the site of some of the fiercest fighting in Iraq — is the linchpin of the war »
Ayant lu cet article et ayant noté quelques passages mêlant “chaos” et “Amérique”, nous nous sommes attachés à rechercher le mot “chaos” dans le texte pour constater qu’à chacune de ses apparitions, effectivement, il est lié aux mots “Amérique” ou “Américains” et répète le constat que l’américanisme est, en Irak, la principale force de désordre. La conclusion implicite, et même explicite de Schwartz va de soi : le départ des Américains n’entraînerait certainement pas le chaos ou la guerre civile, il permettrait au contraire à un certain ordre de s’établir. (« US success in defeating the guerrillas would result in chaos, whereas a guerrilla victory would bring greater stability (and perhaps too strict an order) to the Iraqi cities. »)
Il s’agit sans aucun doute d’un phénomène complètement différent de ce qui a été expérimenté jusqu’ici. La poussée américaniste n’est certainement pas néo-impérialiste ou néo-hégémoniste, même si elle inclut certains caractères et méthodes de ces mouvements. Elle n’est certainement pas le renouvellement postmoderne des anciens empires coloniaux, essentiellement britanniques et français. Les similitudes portent sur des aspects formels ou des aspects tactiques. Sur le fond, la différence est si fondamentale qu’on peut parler de contradiction. Tant que la critique anti-américaine ou, plus généralement, anti-libérale et anti-capitaliste, voire même la critique souverainiste, n’auront pas compris cette profonde originalité du mouvement américaniste grimé en impérialisme et sa fonction fondamentale de destruction, elles n’embrasseront pas le caractère exceptionnel du temps historique que nous vivons. Il s’agit sans aucun doute d’une bataille entre une colossale force déstructurante et les structures existantes (toutes les structures existantes, les unes après les autres). Effectivement, et rencontrant ainsi de façon paradoxale les partisans chrétiens intégristes de GW, cette bataille-là a quelque chose d’une “bataille finale”.
Nous restituons ci-après les passages mariant effectivement, chaque fois avec un lien de cause à effet, la notion de “chaos” et “l’Amérique” ou “les Américains”.
« The existence of these dual governments in many cities rebuts American claims that US withdrawal would result in chaos. Ironically, just the reverse is true; US success in defeating the guerrillas would result in chaos, whereas a guerrilla victory would bring greater stability (and perhaps too strict an order) to the Iraqi cities
(…)
» Ironically, the American attacks in the fall of 2004 underscore the larger contradictions in American policy in Iraq: that the chaos American leaders keep saying they are preventing will, in fact, occur only if US military forces succeed in destroying these nascent city-states.
(…)
» In the Shi'ite areas of the country, the US maintains a form of technical control, but most troops are stationed outside the cites and do not pacify or disrupt daily lives. There is no evidence to suggest that the American presence has reduced violence or prevented chaos. In fact, accepted wisdom has been that American entry into the cities would be a disruptive, not a pacifying, force.
(…)
» The final irony is that US success against the guerrillas would almost certainly guarantee long-term chaos in Iraqi society. The evacuation and destruction of Fallujah certainly suggests this, but the chaos there is so monumental that it is probably not typical. The situations in Samarra — successfully reconquered by the US just before Fallujah — and Mosul — the main battleground after Fallujah — are more representative. In each city, the fall and early winter of 2004 were marked by the ongoing guerrilla war, the constant disruption of city life, an absence of any orderly law enforcement, and degenerating economic and social conditions.
» The US effort to destroy the insurgency can only succeed if it also destroys the ability of Iraqis to govern their own communities. Since the local clerics and tribal leaders have — from the very beginning — been instrumental in the resistance, defeating the guerrillas involves detaining or killing the leaders who form the backbone of local civil society. This became apparent in the fall of 2004, before the demolition of Fallujah, when the US failed to convince ''moderates'' in key cities to negotiate truce agreements that delivered militant leaders to the Americans for arrest and punishment. The failure of these negotiations left the US with the choice of conceding rule to the insurgents or attempting to reconquer the cities and removing the local leadership. In Fallujah, the US military leadership decided that they could only accomplish this by demolishing much of the city and converting the vast majority of residents into refugees.
» Contrary to the almost universally accepted mantra, the US is not preventing chaos in Iraq, it is creating it. »