L’“antiSystème” McCain et le cauchemar-Système d’Eisenhower

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L’“antiSystème” McCain et le cauchemar-Système d’Eisenhower

Le sénateur John McCain est un personnage à la fois erratique et inconsistant. Ses conceptions de politique extérieure sont une sorte de bouillie pour les chats où se mêlent les plus grotesques influences du “parti de la guerre” (neocons et le reste, consistant d’une machinerie du Système orientée vers la guerre) et les complets déséquilibres psychologiques que nourrissent les traits d’inculpabilité et d’indéfectibilité typiques de la psychologie de l’américanisme.

A la différence de nombre de ses collègues qui se trouvent aussi bien que lui sous l’empire du Système et s’en arrangent sans autre forme de procès, McCain entend souvent mettre dans ses formes d’interventionnisme, surtout verbales, des marques d’originalité de ton. On l’a vu récemment, après les élections législatives et les manifestations en Russie, où il posta sur Tweeter ce message pour Poutine : «Dear Vlad, the Arab Spring is coming to a neighborhood near you.» Cela lui valut une sévère réplique de Poutine, qui expliqua d’une part assez justement que McCain avait du sang de civils vietnamiens sur les mains pour avoir fait partie de l’offensive aérienne US contre le Nord Vietnam, d’autre part assez cruellement que le séjour passé dans une prison nord-vietnamienne de dimensions très réduites (après avoir été abattu et fait prisonnier en 1967) l’avait notablement dérangé : «Mr. McCain is known to have fought in Vietnam. I believe he has enough civilian blood on his hands. Is it that he can’t live without such horrible disgusting scenes as the butchering of Gaddafi? […] Mr. McCain was taken prisoner in Vietnam and was put, not just in jail, but in a pit! He sat there for several years. Any person would go nuts from that!» (Voir deux références sur cet “échange”, le 15 décembre 2011 sur le Daily Mail et le même 15 décembre 2011 sur Russia Today.)

Ainsi McCain est-il un détestable personnage, robot et marionnette inconsciente du Système, comme ils le sont tous à un degré plus ou moins haut dans ces directions politiques, et qui fait en plus du zèle publicitaire dans la tentative d’originalité du propos. (Si nous insistons sur le qualificatif d’“inconscient”, c’est parce que notre conviction est plus forte que jamais qu’il n’y a aucun calcul élaboré là-dedans, aucun “complot”, mais bien l’entraînement d’une machinerie qui les dépasse tous, cette machinerie du Système qui emporte tout, précisément dans ces milieux, où l’un ou l’autre résiste parfois, d’où l’un ou l’autre émerge parfois, mais Système qui poursuit sa folle poussée, – de la surpuissance à l’autodestruction d’ailleurs, ce qui doit nous conforter dans notre position tactique.)

Au reste, et pour changer de sujet tout en restant exactement dans le même, pour renforcer la parenthèse ci-dessus également, il se trouve que nous avons également décerné à McCain, in illo tempore pas si lointains, le titre convoité de “système antiSystème”, à cause de son opposition au JSF. De ce point de vue, en effet, il se trouve que McCain devient un allié de circonstance parce que le JSF est un ennemi fondamental de notre point de vue, et que McCain le fantasque a décidé de se porter contre ce même JSF. Vous n’avez pas trop à vous préoccuper de cohérence dans la situation actuelle, qui est absolument incohérente, mais à bien choisir vos “alliées du jour” en oubliant temporairement le reste (c’est aussi cela, la très utile inconnaissance, qui peut-être à géométrie variable, et qui est toujours volontaire), – quitte à y revenir demain, lorsque l’“allié du jour” se redécouvre votre adversaire. Dans tous les cas, il n’y a aucune crainte à exposer ici les deux facettes d’une attitude de dialectique tactique, en apparence contradictoires et inconséquentes, en réalité répondant à une logique supérieure dont l’essentiel est qu’elle désigne le Système comme la seule cible. Ici, donc, l’on frappe (c’est une image de communication) sur John McCain ; là, on le présente à son avantage et on le félicite.

…Ce qui est le cas (“à son avantage”), avec sa dernière intervention, suivant les derniers constats sur la catastrophe qu'est le programme JSF. McCain prend alors une dimension mystique en passant du JSF au système qui l’a enfanté ; il en appelle aux glorieux ancêtres, pour dénoncer le “complexe militaro industriel” dans des termes solennels. C’est une intervention intéressante, puisqu’elle contribue à faire entrer dans l’état d’esprit général l’idée du “complexe militaro-industriel” devenu totalement hors de contrôle, réalisant ainsi les pires craintes de Eisenhower, lui-même dans sa phase ultime de système antiSystème occasionnel à l'occasion de son discours du 17 janvier 1961. Bien sûr, peu nous importe que McCain propose des solutions qui ne marcheront jamais, comme lui-même d’ailleurs le laisse craindre («And, given how tightly woven the military-industrial-congressional complex is into the fabric of our society and economy, this is all we can really hope for»). Au contraire, d’ailleurs, il importe que McCain ne trouve pas de solutions et laisse entendre haut et fort que le problème est insoluble, car il aura ainsi contribué à renforcer dans nos psychologies, à la fois l’aspect cauchemardesque de l’état du Système, et son aspect irréductible, – les deux choses menant à la conclusion que seule la destruction du Système est la solution, – ce que McCain ne dira pas, parce que l’esprit embrumé du sénateur ne va pas tout de même pas jusque là, même en phase antiSystème.

DoDBuzz.com présente et commente ce 15 décembre 2011, l’intervention de John McCain, intitulé “le cauchemar d’Eisenhower”… Seul nous importe que John McCain, avant de partir en vacances en Arizona (il en est le sénateur), accompagné de sa folie ordinaire, ait fait son travail récurrent et inconscient de “système antiSystème”. La conclusion de DoDBuzz.com nous convient parfaitement : “Ce qui laisse McCain dans la même position que tant d’apprenti-réformateurs avant lui, – attendre et voir si le ‘military-industrial-congressional complex’ peut commencer à se réformer lui-même”. Bonne chance les gars, à ce sujet ; pour le reste, l’exposition publique, une fois de plus et très solennellement, alors que la chose (le complexe) est au bord du gouffre, est une bonne action, – involontaire, inconsciente et sans intention de nuire…, – qui renforce la détermination des psychologies

«Arizona Sen. John McCain on Thursday unleashed a blistering attack against the “military-industrial-congressional complex,” leaving no service and almost no major program out of a broadside that excoriated today’s acquisitions environment.

»The top Republican on the Senate Armed Services Committee called the F-35 “a mess” — having already called it “a scandal” and “a national tragedy;” he lamented “significant problems” with the Marines’ late Expeditionary Fighting Vehicle; he regretted the “great expectations and enormous costs” of the V-22 Osprey; and declared that “military space procurement programs are among the most notorious for chronically performing poorly.” […]

»The culprit in all of this, McCain declared, is President Eisenhower’s “military-industrial complex” — though McCain said it has become much more powerful than it was in Ike’s day and ensnared Congress. This would not have surprised Ike — there’s even an apocryphal story he originally wanted the phrase to include “congressional,” but deleted it to placate the Congress of the day. So what’s the answer? Here was McCain’s prescription: […]

»“…With the right leadership, such approaches may help overcome the negative, pernicious effects of the military-industrial-congressional complex on how we buy major weapon systems. And, given how tightly woven the military-industrial-congressional complex is into the fabric of our society and economy, this is all we can really hope for.”»

»If that. Despite McCain’s often mordant description of the problem, his ideas for solving it are deeply familiar to everyone in his hated Iron Triangle. Service officials already have pledged to follow many of them. The Air Force has said ruthless requirements control is what’s going to keep its new bomber costs reasonable and the Marines have a “war room” for squeezing out as much as possible from their new amphibious vehicle.

»Which places McCain in the same position as so many other would-be defense reformers over the years — with no choice but to wait and see if the military-industrial-congressional complex can start to get it right going forward.»

 

Mis en ligne le 19 décembre 2011 à 05H28