L’apocalypse contre la montre, de Fannie Mae à Freddie Mac

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Le sort de Fannie Mae et de Freddie Mac ajoute quelque sel à la chronique de l’apocalypse financière du monde. D’abord, observons que “Fannie Mae”, c’est plus charmant et phonétiquement assez correspondant à FNMA (The Federal National Mortgage Association); pour “Freddie Mac”, c’est plus tiré par les cheveux (FHLMC, pour Federal Home Loan Mortgage Corporation). A part quoi, il reste de quoi sourire jaunâtre quand on sait que les jumeaux ont bien des soucis et qu’ils représentent, selon la définition officielle, – «As of 2008, Fannie Mae and Freddie Mac own or guarantee about half of the $12,000,000,000,000 (twelve trillion dollars) mortgage market of the United States».

Bref, nous voici dans une nouvelle étape de l’apocalypse. La presse britannique est particulièrement crépusculaire dans ses commentaires de la situation US, comme si elle goûtait, de l’intérieur, en bon britannique fasciné par son propre destin catastrophique, au sort funeste de l’ambition financière et anglo-saxonne de sculpter le monde à son image. Le Financial Times observe, en conclusion de son analyse du 11 juillet.

«The woes of Fannie and Freddie are important in themselves. But they are far more important for what they tell us about the ongoing crisis: it is still spreading. US house prices continue to fall, likely losses in the overall financial system continue to rise, credit continues to be tight, the US economy continues to be weak, household consumption is under growing pressure and oil prices are going still higher.

»Meanwhile, the US Treasury and central bank are improvising desperately. The equity markets have, at last, noticed how difficult things are. Only the most optimistic would believe that the worst will soon be over. The crisis worsens, instead.»

Patrick Hosking, du Times, ce 12 juillet, nous la fait dans l’ironie amère, dans le ricanement faussement naïf, sur l’air de “ça ira mieux demain, tu verras”. C’est la catégorie des “lendemains qui chantent” pour les derniers croyants du système. C’est comme un poème dont le titre serait : “One day”…

«This will pass. One day, the world's financial system will be back on a sure footing. One day, banks will regain the confidence to lend to one another. One day, when bankers tell us the extent of their losses, we will be inclined to believe them.

»One day, the lurking fear that permeates the financial world and worries banks every time they put a signature to a new commitment will be gone. One day, the world's central bankers will sleep easily again.

»This will all pass, but not yet. The latest tremor is seismic.»

Dans The Independent, Jeremy Warners est plus sérieux. Il s’intéresse à la calamité en enquêteur minutieux, en Sherlock Holmes du Grand Soir: alors, c’est cette fois ou pas? Le Big Bang, le Grand Chaos? Ces interrogations dans sa chronique de The Independeht du 12 juillet également.

«Could this be the big one? All market firestorms require a defining, cataclysmic event to mark the bottom and establish a floor from which confidence can rebuild. Northern Rock, in international terms a smallish, regional mortgage bank, was never likely to be it. Personally I thought Bear Stearns might be, but that too has proved insufficient an explosion to put out the flames.

»Now Freddie Mac and Fannie Mae, which together account for more than half of all domestic mortgage finance in the US, are teetering on the brink, forcing the White House to consider ''conservatorship'', or to use the British expression, nationalisation, to prevent complete meltdown in the US housing market.

(…)

»Mr Paulson will likewise be desperate to avoid the blow to reputation and confidence involved in taking these two companies into national ownership. Yet, in the end, he may have no option, for however embarrassing conservatorship might be, it won't be half as bad as the damage that would be done if these two linchpins of the US mortgage market were allowed to go to the wall. Deprived of its biggest source of mortgage finance, the US housing market would collapse, economic confidence would evaporate, and the losses currently being sustained on mortgage-backed securities would be multiplied many times over.

»Ironically, Fannie Mae was born out of the Great Depression, when it formed part of President Roosevelt's New Deal. Its demise might very well plunge the country back into it again. It therefore cannot be allowed to fail.»

Notons aussi, pour encore plus encore rendre plus respirable l’atmosphère emplies de senteurs paradisiaques, que le secrétaire au trésor Hank Paulson, un ancien de Jeffrey Sachs, a précisé dans un discours au début de la semaine qu’il y avait eu 1,5 million de maisons saisies aux USA, qu’il y en aurait autour de 2,5 millions en 2008 et qu’il ne voyait aucune raison, mais vraiment aucune, pour venir en aide à ces sans-abris “new age”; que, d’autre part, le président de la commission des services financiers de la Chambre des Représentants du Congrès US, le démocrate de tendance libérale (“progressiste”, oups) Barney Franks a salué deux de ses témoins, Paulson et le président de la Fed Bernanke, avec ces exclamations: «I congratulate the officials of this administration for doing such a good job. […] We don’t want to do anything that would interfere with our wonderful financial system. Done right, regulatory authority […] is pro-market.» (Franks, démocrate progressiste, a reçu $1,2 million de donation cette année, essentiellement de grands groupes financiers et bancaires.)

L’apocalypse de leur wonderful système financier est tout de même plus passionnant que le Tour de France. Elle se fait, comme lui, étape par étape, avec une alacrité de bon aloi. Elle nous laisse reprendre notre souffle, histoire de se remettre en selle et d’entendre Mr. Strauss-Kahn nous dire que «le gros de la crise financière est derrière nous», avant de replonger à nouveau, histoire d’entendre Mr. Barnanke nous dire que, cette fois, il va vraiment donner un coup de main sérieux à Wall Street («such a good job», apprécie Mr. Franks, fin connaisseur).

Quant à la France, il est temps, en effet, qu’elle s’adapte au modèle anglo-saxon, vite, vite, avant qu’il ne s’évanouisse en poussières, le modèle, et qu’il n’en reste plus rien. Car, en vérité, sur quoi prendre modèle si le modèle n’existe plus?


Mis en ligne le 12 juillet 2008 à 16H45