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60324 mai 2003 — Il est à la fois significatif de lire les déclarations du sénateur Lugar et de voir ces déclarations relayées, notamment par le Times de Londres, d’une façon si abrupte, — notamment par ce titre de l’article du 23 mai cité ici : « Bush “is on brink of catastrophe” ». L’article publié par Lugar dans le Washington Post du 22 mai est sans aucun doute le premier avertissement très sérieux adressé par le monde politique à l’administration, — et d’autant plus significatif, bien sûr, que Lugar est républicain.
« The most senior Republican authority on foreign relations in Congress has warned President Bush that the United States is on the brink of catastrophe in Iraq.
Richard Lugar, chairman of the Senate Foreign Relations Committee, said that Washington was in danger of creating “an incubator for terrorist cells and activity” unless it increased the scope and cost of its reconstruction efforts. He said that more troops, billions more dollars and a longer commitment were needed if the US were not to throw away the peace.
» Mr Lugar’s warning came as it emerged that the CIA has launched a review of its pre-war intelligence on Iraq to check if the US exaggerated the threats posed by Saddam Hussein’s weapons of mass destruction. The review is intended to determine if the Pentagon manipulated the assessment of intelligence material for political ends.
» Democrats have begun to say that the US is in danger of jeopardising the success of the military action in Iraq, but Mr Lugar is by far the most senior Republican to break ranks with the White House over the issue. Mr Lugar, a moderate who expressed initial reservations about the war, said that the Government’s planning for post-war Iraq had clearly been inadequate. »
Il est également significatif de voir le Washington Post, si complètement va-t-en-guerre avant et pendant le conflit, devenir de plus en plus critique de l’attitude de l’administration, y compris dans la façon dont des épisodes passés sont rapportés. C’est le cas de la façon dont la nomination de Bremer, au début du mois, est décrite.
Dans son article du 22 mai, Lugar s’attaque notamment à la question du coût global de l’affaire irakienne pour les USA, coût budgétaire et en moyens, forces nécessaires déployées sur place, etc. Lugar est un républicain modéré, et ses prises de position très publiques semblent refléter un malaise qui touche le parti républicain lui-même. Cela signifie qu’on peut raisonnablement avancer que la crise de l’après-guerre a fait son entrée dans la situation politique intérieure US et qu’elle pourrait devenir un enjeu de la prochaine campagne électorale si la situation ne s’améliore pas.
[Les perspectives à cet égard sont peu optimistes, même chez les instigateurs de la guerre, comme on l’a vu avec les déclarations de Wolfowitz devant le Congrès. Le fait significatif de ces déclarations est que Wolfowitz affirme d’une part que la situation s’est améliorée, d’autre part qu’elle va “sembler” s’aggraver encore dans la période qui vient, — attitude intellectuelle très spécifique d’un idéologue qui refuse que les faits viennent interférer de façon trop significative dans sa vision idéologique, les faits constituant l’apparence (la situation qui “semble” s’aggraver) et les prescriptions de l’idéologie (la situation s’est améliorée) étant la réalité : « Wolfowitz said the situation in Iraq had improved and was better than it was before the war. But, in his written testimony, he said, “If the situation in Iraq is somewhat messy now, it's likely to seem even messier as Iraqis sort out their political process.” »]
La place de la crise de l’après-guerre en Irak dans la situation intérieure américaine, et par conséquent dans la campagne présidentielle qui commence, est un enjeu important. Si elle s’y inscrit effectivement, c’est la prépondérance politique et idéologique de l’administration qui est très gravement menacée. Au-delà, c’est toute l’architecture de la “guerre contre la terreur” comme instrument de domination de la politique intérieure américaine qui est elle-même menacée. C’est-à-dire que l’évolution de la situation américaine s’ouvrirait à nouveau, et, par conséquent, que la réélection de GW Bush ne serait plus une affaire faite, comme on l'estimait généralement jusqu'alors.