L’archevêque qui allait à l’essentiel

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L’archevêque de Canterbury, le Right Reverend Rowan Williams, est connu pour ses prises de position radicales en matière de politique. Il a fait sentir une ferme et rude opposition à l’engagement blairiste et éventuellement britannique en Irak. Aujourd’hui, il sermonne à propos de la crise. Ses propos ne sont nullement inintéressants et ils peuvent être entendus pour ce qu'ils sont, sans qu'on se sente engagé par tous ses choix.

Dans son sermon d’hier, comme le rapporte le Guardian du 9 mars, l’archevêque engage vivement à abandonner la démarche courante du bouc émissaire pour aller au cœur des choses; ne pas s’en tenir à l’attaque contre le système bancaire et les banquiers corrompus et considérer la crise dans sa globalité. Le système en général, dit Rowan, la globalisation, la dérégulation, l’anarchie installée du profit et de la cupidité, sont évidemment la cause et la responsabilité générales de la crise. Bref, la crise est la crise et non pas seulement la crise des banques, la crise du système financier et de ceux qui en ont profité.

«Blaming the greed of individual bankers for the financial crisis was too easy and people should instead be asking profound questions about how poorly regulated economies obsessed with ever-growing consumer choice have skewed the judgments of entire countries, the Archbishop of Canterbury has said.

»The Right Rev Rowan Williams used a lecture in Cardiff at the weekend to deliver a wide-ranging attack on a globalised economic system which had been “spectacularly successful in generating purchasing power” but which had also led us to “the most radical insecurity imaginable”.

»As economists struggle to find technical solutions to the recession, which has brought interests rates to their lowest level in 300 years and forced the government to cut VAT in an effort to get shoppers back into the high street, he said ordinary people had to ask themselves difficult questions about their own lives. “To use one of the more obvious examples, it has become clear that lifestyles dependent on high levels of fossil fuel consumption reduce the long-term opportunities of basic human flourishing for many people because of their environmental cost - not to mention the various political traps associated with the production and marketing of oil in some parts of the world, with the consequent risks to peace and regional stability.”

»Dr Williams criticised the unthinking pursuit of growth, which had led to an "unhealthily hyperactive" economy. He said: “If it is essential to invest in certain kinds of productive ventures, how does this relate to the broader and longer-term imperative of securing the funding of social care future by way of sustainable shared resources, accumulated wealth?”»

L’archevêque dit ce que nous savons, ou devrions savoir d’intuition ferme et d'expérience assurée. Il est bon qu’il le dise et la répète parce qu’il est si courant de céder à la tentation de s’en tenir à quelques-unes des conséquences de l’essentiel pour se dissimuler l’essentiel. La cupidité et le nihilisme des banquiers ne sont qu’une conséquence extrême du système en général. La limite du jugement à leur encontre, dont la sévérité est évidemment fondée, est qu’ils ont agi selon les règles, ou l’absence de règles du système. Ils ont suivi sa logique jusqu’au terme, – ou bien disons qu’ils ont “profité” de cette logique jusqu’au terme, – mais ce n’est nullement la trahir, au contraire c’est s’y conformer. Par conséquent, la responsabilité essentielle revient au système général.

Par conséquent, l’archevêque nous rappelle aux responsabilités de nos jugements en même temps qu’il rappelle l’ampleur extraordinaire de la crise. Il rappelle opportunément la formidable responsabilité du système économique dans la dégradation de l’environnement et, par conséquent, dans la crise climatique. Cela permet effectivement d’installer la crise que nous subissons dans son véritable cadre: crise systémique mais aussi crise eschatologique.

Il faut noter que l’archevêque reste pratique et britannique. Il met en garde contre la tentation du protectionnisme parmi les remèdes recherchés mais il réclame des régulations et des réglementations qui reviendraient finalement à porter une sévère attaque contre le libre-échangisme tel qu’il est pratiqué. («Learning how to use governmental antitrust legislation to break up the virtually monopolistic powers of large multinationals that have become cuckoos in the nest of a national economy would also be an essential part of a strategy designed to stop the slide from opportunistic outsourcing towards protectionism and monitoring or policing the chaotic flow of capital across boundaries.») Si l’on a l’esprit les connexions d’influence de la haute hiérarchie religieuse britannique et des milieux dirigeants, on peut avancer l’observation que cette idée pourrait représenter une évolution possible à venir des dirigeants anglo-saxons/britanniques devant l’ampleur sans cesse accrue de la crise. Il s'agirait de continuer à repousser l’idée du protectionnisme mais de resserrer de plus en plus le contrôle des échanges selon une orientation de plus en plus “protectrice”; en un sens, faire de plus en plus de protectionnisme sélectif sans le dire.


Mis en ligne le 9 mars 2009 à 06H45

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