L'arrogante apothicairerie sécuritaire, pauvre parade pour la dette occidentale

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L'arrogante apothicairerie sécuritaire, pauvre parade pour la dette occidentale

En apposant sa signature au bas du « National Defense Authorization Act » pour l’année fiscale 2012, document complexe de 500 pages qui établissent le budget annuel pour la Défense, B.H. Obama le 44ième Potus en a approuvé ce 31 décembre les sections 1021 à 1029. Elles figurent un dispositif législatif qui permet à l’armée étasunienne de détenir indéfiniment et sans procès, tout citoyen étasunien suspecté de terrorisme. Elles sont le prolongement des Patriot Acts nés du 11 9 2001, grâce auxquels ce type de traitement était réservé à une catégorie d’étrangers dénommés pour le besoin ennemis combattants. De les détenir en dehors du sol étasunien, dans la baie de Guantanamo à Cuba, fausse extraterritorialité perverse, a dans un premier temps fait accepter l’emprisonnement à vie sans accusation, sans assistance d’un avocat, sans jugement comme une situation d’exception.

En cette matière, les sionistes ont fait école.

Le régime de Tel Aviv pratique la détention administrative, legs juridique hérité du mandat britannique exercé contre la Palestine en 1929, à l’encontre des Palestiniens, femmes et enfants inclus, sans que ne s’en soient jamais émus les droitsdelhommistes patentés.

La dénaturation des principes démocratiques expérimentée par le greffon occidental dans l’Orient arabe contamine d’abord l’allié et le protecteur américain avant d’être étendue comme norme ailleurs.

Ce 9 janvier 2012, la Knesset a adopté une loi qui permet de détenir sans formulation de charge ni procès tout migrant ou demandeur d’asile pendant trois ans. Si l’infiltré, terme autrefois réservé au soldat étranger, est originaire d’un pays identifié comme ennemi, sa détention peut être illimitée.

La désertification gagne des zones géographiques de plus en plus importantes, les conflits d’intensité faible ou non se multiplient, les ravages écologiques comme en Somalie ou au Nigeria réduisent l’accès aux ressources traditionnelles de populations entières. De plus, la précarisation alimentaire induite par une mondialisation prédatrice alimentera les flux migratoires de millions d’humains qui subissent une déstabilisation de leurs sociétés jusque là autosuffisantes. Les contrées opulentes sécrètent d’ores et déjà par l’entremise de leur organe israélien, bras avancé de la barbarie impériale, l’antidote juridique qui les protègeront du choc en retour qu’elles ont elles-mêmes induit.

Sans embarras, les liquidations extrajudiciaires, assassinats commis pas des États, sont devenues un mode d’intervention, revendiqué et soumis à applaudissement enthousiaste des affidés, de la diplomatie des Us(a).

L’attentat à la voiture piégée qui a tué le physicien nucléaire iranien cette semaine porte l’empreinte de la doctrine de Golda Meir. Elle avait proclamé la promesse de poursuivre et de tuer où qu’ils soient les participants et les organisateurs de la prise d’otages des athlètes sionistes aux jeux olympiques de Munich en 1972. Elle revendiquait ainsi la filiation politique du régime de Tel Aviv avec les groupes terroristes Stern ou Lehi et Palmach, embryons de la future l’armée sioniste, lesquels s’étaient illustrés en consacrant cette pratique d’assassinat avant 1948. Lord Moyne, beau-frère de Churchill et légèrement récalcitrant à la future partition de la Palestine souhaitée par les sionistes a été puni et exécuté le 6 novembre 1944 au Caire.

Quand Obama a décidé que le temps était venu d’évacuer le thème du terrorisme islamique comme le vecteur majeur de la matrice étasunienne, le dégagement de la scène d’Oussama Ben Laden s’est naturellement fait par un assassinat revendiqué.

Israël donne le ton dans ce théâtre comme dans d’autres.

Le mot de M. de Talleyrand « les manières sont tout » n’est qu’une transposition élégante de cet aphorisme élevé en règle de composition «la forme emporte le fond » ou encore, le style c’est l’homme.

L’Occident se définit donc comme une apothicairerie de défense sécuritaire contre des ennemis à la présentation éminemment variable, combattant étranger, migrant puis suspect endogène de terrorisme. La pharmacopée est uniforme, détention illimitée et/ou disparition pure et simple, jusqu’à l’assassinat triomphalement revendiqué.

La radiation de l’homme-médecine Oussama Ben Laden, poison distillé à doses mithridatiques, feuilleton de ‘ses’ enregistrements diffusés de bonne grâce par l’émetteur Al Jazeera, signale dès mai 2011 la polarisation des Us(a) selon un déploiement préférentiel extrême-oriental. La machinerie étasunienne est solidement charpentée autour d’un précepte fondamental, sans cesse rappelé dans les lois successives de la Défense.

Interdiction est faite de laisser émerger une puissance économique susceptible de rivaliser avec la mère du capitalisme mondialisé et de son dollar. Lors de sa tournée en Asie fin 2011, Obama a clairement argumenté le nouvel arrimage en Australie comme un poste de ‘surveillance’ de la Chine.

Le reflux étasunien de l’Orient arabe laisse des résidus bien solidifiés comme la fameuse ambassade de plusieurs km2 à Baghdad et ses cortèges de milices privées. Il se concrétise cependant par l’engagement de pourparlers officiels avec les Talibans, honnis il y a une décennie, soit une éternité dans l’échelle de l’information mise en scène.

Mieux.

Il est visible dans la participation étasunienne réduite à la portion congrue lors de l’intervention otanesque en Libye où la part prise fut belle pour la France, l’Italie et très secondairement le Royaume encore Uni.

Il l’est encore dans les vociférations médiatiques droitsdelhommistes contre le régime autocratique et sanguinaire de la dynastie Assad en Syrie. Les imprécations les plus en pointe sont le fait de la France par la voix aboyante méconnaissable d’un Juppé peut-être candidat aux prochaines élections en cas de désaveu sondagier trop patent de l’actuel Président de l’exécutif français.

Si la carte de l’irakisation, voire de la somalisation, de la Syrie devait être jouée par l’Otan, ce seront encore une fois les forces supplétives françaises qui feront le sale boulot.

La Syrie ne figure donc pas comme une priorité dans l’agenda étasunien, l’hémorragie est à contenir de toute urgence du côté de l’affaissement financier de l’empire étasunien dont le détricotage de la zone euro n’est qu’un signe annonciateur majeur. Les agences de notations ont d’abord tenté de dégrader le mastodonte Us(a) cet été, rendant ‘perceptible’ aux spéculateurs l’aléatoire solidité sinon la précarité certifiée de la dette souveraine étasunienne.

L’implantation militaire française aux Émirats Arabes unis dès 2009 répond à la mise en actes de l’implication jugée désormais insuffisante des Us(a) par les petits roitelets du pétrole.

La bascule de l’influence directe des Us(a) en Afrique du Nord et dans l’Orient arabe se mesure aussi sur la scène tunisienne. Un an après la fuite du dictateur Benali, au cours de laquelle les capitales occidentales étaient restées figées dans leur sidération, le Président Marzouki reçoit en grandes pompes l’émir du Qatar. Le FMI ne peut plus faire la loi, son financement par les emprunts des états développés sur le marché mondial est devenu bien coûteux voire périlleux. Les fonds souverains arabes prennent directement en charge, mais à quelles conditionnalités, les besoins financiers du premier État arabe libéré de son autocrate.

Aujourd’hui, la question brûlante est celle de la Syrie.

L’enjeu est de taille.

L’unité de ce peuple arabe soudé dans sa mosaïque confessionnelle et ethnique, sa souveraineté sont en cause. Le voisin sioniste perché sur le Golan illégalement annexé et assez mollement revendiqué par les Assad ces dernières décennies a depuis toujours dans ses cartons le plan de l’éclatement syrien. Une myriade de petites entités pures ethniquement, à son image, guerroyant entre elles et s’en remettant à lui pour arbitrage est la version transposée depuis l’Irak. La fragilisation du Hezbollah couronnerait sa guerre incessante contre le Liban. La percée sur l’Iran n’en serait que plus aisée.

Un grand désordre et des armées antisionistes (islamistes fous pour l’occasion) incontrôlables à ses portes retardent la prise de décision de mettre en branle une résolution ad hoc de l’ONU. Certains militaires piaffent et parce que la conquête est possible, ils pensent devoir la faire. Parmi eux certains mieux rémunérés s’ils sont sous bannière de l’OTAN le souhaitent pour ce simple avantage pécuniaire. Les opposants syriens sont loin d’être sûrs quand ils sont pris comme partenaires par le bloc occidental que le régime dynastique assadien n’est pas en négociations secrètes avancées avec lui. Le père Assad n’avait-il pas acheté en 1991 une trêve en se rangeant derrière les Ibn Séoud et Bush père pour la première destruction de l’Irak ?

L’équation gagne en complexité à mesure de l’augmentation du nombre d’intervenants dans les mouvements de contestation sociale arabe. En premier lieu, la très apparente pluralité céphalique de la prise de décision étasunienne. Le chef de la majorité républicaine de la Chambre, le sioniste de droite extrême Eric Cantor gourmande vertement et ouvertement l’administration d’Obama de ne pas rassurer assez les pays voisins de l’Iran, ceux qui comptent, les producteurs de pétrole, allant jusqu’à lui imputer le succès électoral des islamistes égyptiens. Mais fait nouveau, des entités arabes, simples réservoirs d’énergie fossile jouant leur argent de poche dans les casinos, s’autorisent de muter en force militaire et économique faisant et défaisant des régimes. Le Qatar, défini d’abord comme station de télévision ayant un petit territoire national, prétend s’ingérer dans la problématique des lieux de bannissement en France. Il ne répugne pas à armer les « rebelles de l’Otan » en Libye puis de les transvaser depuis la Jordanie et le Liban en Syrie. Sa capacité d’influence assurée par la chaîne télévisuelle est démultipliée par son assistance en argent frais et vrai.

Une si longue incubation de la révolte arabe, près de deux siècles de domination et d’arbitraire, verra germer mille et un printemps et pollinisera mille et une places Tahrir. Elle a mis au premier plan de ses revendications la dignité « Al Karama », ce qui ne va pas sans remettre dans un arrangement différent l’ordre économique actuel qui s’annonce et s’impose comme cadre objectif à la communauté des humains.

Badia Benjelloun