L’article du Daily Telegraph, les amis et “l’option Venezuela”

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L’article du Daily Telegraph, les amis et “l’option Venezuela”


16 février 2006 — Le Daily Telegraph est aux neocons américains ce que Blair est à Bush lorsqu’il s’agit d’attaquer l’Irak. Un article publié par le quotidien de Londres le 12 février, a retenu beaucoup l’attention. Il annonce que le Pentagone planifie très sérieusement une attaque contre l’Iran en cas de nécessité (« This is more than just the standard military contingency assessment », nous dit une source du Pentagone cité par le Telegraph). Cet article est en général considéré comme une “fuite tactique”, voulue et manipulée par la Maison-Blanche. Washington entend signifier et faire comprendre à tout le monde que les menaces militaires contre Téhéran sont sérieuses, qu’elles sont autre chose que de la rhétorique de circonstance.

Les détails donnés par le Daily Telegraph vont sans aucun doute dans ce sens : « Strategists at the Pentagon are drawing up plans for devastating bombing raids backed by submarine-launched ballistic missile attacks against Iran's nuclear sites as a “last resort” to block Teheran's efforts to develop an atomic bomb. Central Command and Strategic Command planners are identifying targets, assessing weapon-loads and working on logistics for an operation, the Sunday Telegraph has learnt.

[…]

»  “This is more than just the standard military contingency assessment,” said a senior Pentagon adviser. “This has taken on much greater urgency in recent months.” […] The most likely strategy would involve aerial bombardment by long-distance B2 bombers, each armed with up to 40,000lb of precision weapons, including the latest bunker-busting devices. They would fly from bases in Missouri with mid-air refuelling. »

“Faire comprendre à tout le monde…”? En fait, poursuit la théorie, il s’agit de “faire comprendre” plus précisément à certains ; plus précisément aux amis, pour parler net. Nous trouvons les précisions qu’il faut dans un texte de WSWS.org, du 14 février (la citation de Rice rappelée dans l’extrait ci-dessous est celle-ci : « The President never takes any of his options off the table... But there is a diplomatic solution. Now we are in the [UN] Security Council, there are many steps that the Security Council can take... to help enforce IAEA [International Atomic Energy Agency] requirements on Iran. »)

L’extrait du texte de WSWS.org dit ceci: « But as Rice’s comments indicate, the purpose of the Sunday Telegraph article is as much to put pressure on the other permanent members of the UN Security Council — Britain, France, Russia and China — as on Iran. The none-too-subtle message is: if the UN Security Council fails to take tough measures against Tehran, Washington is prepared to attack Iran, unilaterally if necessary.

» Washington’s aggressive stance is not primarily motivated by concerns about Iran’s nuclear programs, but is aimed at asserting US predominance in the resource-rich region against its European and Asian rivals. Economic sanctions or a military strike against Tehran would not directly impact on US interests as Washington has maintained an economic blockade since the fall of Shah Reza Pahlavi in 1979. But the EU, Russia, China and Japan, which have developed significant economic relations with Iran, would all be seriously affected.  »

D’autres indications sur ce scénario d’attaque disent que le montage américaniste, qui s’accompagne d’hypothèses sur l’attaque terrestre des régions pétrolières de l’Iran, impliquerait la possibilité d’un blocage ou d’un empêchement des livraisons de pétrole iranien, ne serait-ce qu’à cause des combats qui interrompraient le pompage et/ou l’acheminement du pétrole. Il s’agit là aussi d’une menace de pressions économiques notamment sur les pays européens et sur la Chine, les USA ne recevant pas de pétrole iranien.

Ces précisions, après d’autres concernant la possibilité de l’ouverture d’une “euro-Bourse” à Téhéran, montrent combien l’affaire iranienne est complexe, — beaucoup plus complexe que la crise irakienne.

Il y a d’autres hypothèses que celles que nous avons déjà mentionnées, et qui les complètent d’une façon inattendue et antagoniste sur les faits envisagés. Des sources européennes indiquent que si l’hypothèse impliquant une volonté de pression des Américains sur leurs alliés à travers les menaces de l’élimination temporaire de l’Iran comme acteur économique était réalisée, des développements en forme de riposte pourraient être envisagés.

• Le plus intéressant concerne une possibilité de réaction indirecte à une telle manœuvre des Américains, — l’“option Venezuela”. L’hypothèse s’appuie sur le chiffre de livraison du pétrole vénézuélien aux USA (le Venezuela assure 15% de l’alimentation pétrolière des USA). Elle avance l’idée que les livraisons de pétrole vénézuélien pourraient être réorientées vers l’Europe et la Chine, et d’autres victimes de la défaillance forcée de l’Iran. (Il faut noter que l’hypothèse plus générale, où s’inscrit celle-ci, d’un Chavez réorientant ses livraisons aux USA vers d’autres pays est déjà évoquée, notamment par Mick Whitney sur le site OnLine Journal du 13 février : «  Equally worrisome [for Bush administration], is Chavez’s threat to divert vital oil supplies going to the United States to foreign tenders if Washington continues meddling in Venezuelan politics. (Venezuela currently provides 15% of US oil imports.) »)

• L’hypothèse est envisagée dans le cadre d’un bouleversement considérable de la situation internationale qu’impliquerait une attaque contre l’Iran. Dans ce cadre, des décisions politiques inattendues ou improbables pourraient être prises, — car, bien sûr, le scénario décrit ci-dessus est politique, pas économique, et les décisions envisagées doivent être considérées comme telles. Sans crainte devant certains actes défiant les USA, en général résolu dans son action (plutôt que “fantasque”, qualificatif qu’on lui attribue en général pour le discréditer), le président vénézuélien Chavez peut parfaitement prendre une telle décision en la présentant comme spécifiquement politique. Il la prendrait d’ailleurs en ne se cachant pas, pour la définir, de sa volonté de “punir” Washington aussi bien que d’aider les pays privés de pétrole.

• L’hypothèse mentionne également l’attitude de la Russie, dont l’attitude serait intéressante à suivre puisque ce pays est également exportateur d’énergie.

Dans ces circonstances, enfin, le constat serait fait que les USA, sans être producteur d’énergie, s’emploient néanmoins à manipuler les événements pour faire indirectement de l’énergie une arme politique, — ce qui est exactement le reproche fait à la Russie, d’ailleurs d’une façon outrancière, lors de la crise avec l’Ukraine. La “crise de l’énergie” entrerait alors dans une phase agressive active, avec des affrontements à envisager en fonction de partenariats et engagements politiques entre producteurs et consommateurs, autant sinon plus que de la seule problématique de la sécurité des approvisionnements.