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387Il est de bon ton de s’enflammer sur les insurrections qui surgissent ça et là. Cette passion est à rattacher avec l’idolâtrie pour le terme “révolution”. L’étymologie de celui-ci renvoie à une idéologie évolutionniste qui désormais est moins exhibée, car l’affirmation d’un progrès de l’humanité est plus compliquée après quarante années de crises ininterrompues. Généralement, la r-évolution renvoie à l’aspiration au changement, producteur de rêves. Cette mythologie révolutionnaire coupée du concret ne prend pas en compte la totalité (ou la réalité) des événements, mais uniquement son imaginaire, comme l’a très bien démontré Raymond Aron dans L’opium des intellectuels. Par contre, elle s’accorde parfaitement à la conception virtualiste en vogue dans les média. Le spectateur se retrouve alors transporté dans un monde idyllique où les potentialités sont “infinies”.
À l’époque de ce livre, la croyance en une révolution salvatrice était plus importante qu’aujourd’hui. Ce terme n’était pas cette coquille vide, car il était porté par des idéologies (socialiste, anarchiste, …), et non par des concepts flous (démocratie et liberté). Ainsi, les révoltes actuelles ne peuvent guère être conçues que comme a-idéologiques. N’étudiant plus les mouvements idéologiques, l’interprétation mainstream devient plus simple – voire simpliste – pour former un ensemble intemporel stable. Malgré l’attrait médiatique pour l’événementiel et le changement, la révulsion pour l’incertain et le complexe pousse à concevoir une révolte similaire pour tous les pays, ou pour les plus pointilleux pour tout un pays ou toute une région. Ces descriptions médiatiques entrent donc en contradiction avec les précédentes révolutions qui ont vu le règne de l’éphémère. Par un hasard fortuit, l’explication donnée a été celle d’une aspiration à la démocratie, suivant le modèle occidental (dû à sa “supériorité” d’après le dogme évolutionnisme inconscient), c’est-à-dire à l’électoralisme parlementaire.
Dans L’absurdité de la politique, Georges Paraf-Javal considère que ce système politique est par nature contre-révolutionnaire, car son objectif serait d’endormir l’activité humaine en redonnant le pouvoir à une minorité. Faisant fi de l’assentiment populaire, le chef de l’État et le gouvernement sont élus par une minorité. La vraie majorité étant composée de ceux qui ne votent pas pour le vainqueur, que ce soit par impossibilité (diverses entraves au droit de vote), par rejet électif (abstention ou votes blancs et nuls) ou par opposition parlementaire (les voix de ceux qui votent pour un non-élu ou une personne minoritaire à la chambre ne comptent pas !). De surcroît, une fois au pouvoir, ils n’ont pas à tenir compte de leurs propres suffragants pour gouverner (les négociations, les rapports de force et le temps poussent à s’affranchir d’un programme initial qui par ailleurs ne plait jamais intégralement). Grâce à cette flatterie accordée (la possibilité de «nommer son maître» dixit cet auteur libertaire), la stabilité revient dans le pays. Ainsi, à l’instar de ce qui se passe en astronomie, la révolution aboutit à un quasi-retour au point de départ.
Le souhait d’une mise en place rapide d’élection montre que malgré la description des “révolutions” actuelles avec empathie, sa répulsion inconsciente (pour ce qu’elles sont réellement) pousse à les vouloir courtes et aboutissant à une stabilité suivant les critères du système occidentaliste. Nous pouvons parler d’un attrait médiatique pour des “révolutions” qui sont paradoxalement conservatrices. Le terme “conservatrices” est employé ici dans son acception politique (qui ne souhaitent pas de modification radicale de la société, quitte à conserver de mauvais principes) et non en son sens principiel (conserver et transmettre la Tradition primordiale).
Ismaël Malamati