L’avion syrien saisi par la Turquie : l’hypothèse de la provocation

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L’avion syrien saisi par la Turquie : l’hypothèse de la provocation

Le journal arabe de Londres Al-Quds al-Arabi (voir sa description sur Wikipédia) a publié, le 12 octobre 2012 un éditorial de son rédacteur-en-chef Abdel-Beri Atwan, où est présentée et développée une thèse selon laquelle l’affaire de l’avion de Syrian Air intercepté et forcé de se poser sur l’aéroport d’Ankara pour une durée de neuf heures est un montage et une provocation syriennes, – dans ce cas remarquablement réussie. (A noter que Al-Quds al-Arabi, journal panarabe indépendant fondé par un Palestinien expatrié et édité à Londres, n’est pas particulièrement favorable à Assad.)

Selon Abdel-Beri Atwan, il s’agissait pour la Syrie, qui n’a pas grand’chose à perdre dans cette sorte d’opérations si l’on considère la position extrême où les évènements l’ont placée, d’impliquer la Russie d’une façon plus marquée en faveur de sa cause, en activant un antagonisme entre la Turquie et la Russie. Cela aurait été le cas, notamment à cause de la nervosité et de la maladresse de la Turquie, qui a de toutes les façons immédiatement épousé complètement la thèse d’un transport illicite d’armements russes, semble-t-il sans aucune certitude à cet égard, provoquant une très violente réaction russe. Effectivement, l’effet est un refroidissement très remarquable des relations entre la Turquie et la Russie, ce dont la Turquie n’a certainement pas besoin dans les circonstances actuelles, et qui représente un très grand embarras diplomatique pour elle.

Abdel-Beri Atwan affirme que les “informations” qui ont conduit les Turcs à intercepter l’avion syrien, qui seraient évidemment fausses quant à l’importance ou même à la présence de systèmes ou parties de systèmes d’armes dans l’avion, auraient été passées à la Turquie par les Syriens, par des canaux détournés pour assurer leur crédibilité. Les Turcs auraient accepté l’information et réagi avec nervosité et précipitation, en prenant la mesure extrême qu’on a vue et en assurant des conditions difficiles pour les passagers. Tout cela a profondément irrité les Russes qui ont réagi violemment. Il est également remarquable que cette affaire ait été dirigée en personne par Erdogan et son ministre des affaires étrangères ; cela montre chez les deux hommes une grande nervosité, cet élément pouvant avoir également constitué un facteur important pour ceux qui auraient développé et exécuté une telle l’opération.

Une thèse initiale, que contredit complètement Abdel-Beri Atwan, est que l’information sur le vol syrien venait des services US. Par ailleurs, il est également possible que les deux thèses s’accordent, et que les Syriens aient réussi à intoxiquer les services US et à faire transiter par eux et vers les dirigeants turcs cette information, la “blanchissant” du même coup. Il faut aussi noter que le département d’État, poursuivant sa politique aveugle et maximaliste courante, a soutenu directement et d’une façon sonore les Turcs dans cette affaire, les félicitant de l’interception. Cela a contribué à aggraver encore la tension avec la Russie. Pour l’instant, on ne sait rien de public sur les matières et marchandises saisies ou non par les Turcs après le séjour forcé de l’avion à Ankara, sinon les dénégations furieuses et circonstanciées des Russes, assorties de demandes pressantes d’explication des autorités turques (voir le 13 octobre 2012, l’intervention de Lavrov).

Voici des parties importantes, et essentielles pour l’exposé de la thèse, de l’éditorial de Abdel-Beri Atwan (traduction de l’arabe en anglais)…

«Nowadays, no one wants to be in the shoes of Turkish Prime Minister Recep Tayyip Erdogan, after the flames of the Syrian crisis reached the edge of his robe, threatening to erode the economic miracle he secured during his ten-year term. The Syrian cunningness, or what is left of it, placed the Turkish prime minister before a dangerous predicament. Indeed, the Kurdistan Workers Party’s attacks in the southeastern part of the country have escalated, the border with Syria is ablaze due to the exchanged bombings and the Turkish opposition led by the People’s Party has strongly returned to the forefront of the events after it perceived the Syrian crisis as being the ammunition it lacked throughout the past years to efficiently strike the Justice and Development Party.

»President Bashar al-Assad, the friend who became a fierce enemy for Mr. Erdogan, has managed – even if temporarily – to provoke the Turkish fox and cause it to react in a way going against its usual collectedness and wisdom. This was seen when the Turkish warplanes forced a Syrian civilian aircraft coming from Moscow to land at the Ankara’s airport, under the pretext it was carrying prohibited military material. We do not think that the reason behind the “hijacking” of the Syrian civilian plane was its illegitimate cargo… This step aimed at retaliating against the Syrian regime and responding to its provocations which started with the downing of a Turkish reconnaissance aircraft over the Mediterranean Sea in May, and ended with the bombardment of a Turkish village on the border, leading to the death of a woman and her four children who were paradoxically of Arab Syrian origins…

»The plane could not have been carrying nuclear bombs or chemical weapons, considering that the latter are present in Syria and the first are carried by missiles and not civilian aircraft. Moreover, there is a direct air line between Moscow and Damascus, and we do not think that the Turkish authority, no matter how powerful its army may be, would repeat this operation had the targeted plane been Russian. The Turkish government has placed itself in a dual predicament, one of which is old with Syria, while the second is with Moscow which had an angry reaction, featuring Vladimir Putin’s annulment of a visit to Ankara this month and the Russian government’s call on Turkey to issue urgent and convincing clarifications for forcing the plan to land and threatening the lives of 17 Russian passengers who were on board…

»By forcing a Syrian civilian plane to land at the Ankara Airport, Mr. Erdogan alleviated the pressures on Damascus’ ruler, who might have been the one who leaked the reports about the existence of an illegal freight on the abovementioned plane to lead Erdogan into this trap and implicate him in hostility with Moscow, with which he signed a commercial agreement for several hundred billion dollars ten days ago… We have said it before and we will say it again… The Syrian regime has nothing to lose, but Mr. Erdogan could lose a lot. This is why we advise him to show self-restraint because he will come out as the biggest loser even if he were to win the war on Syria. Waging war and achieving victory are sometimes easy, but the real problem resides in the post-victory stage, and he should ask his American allies who have an experienced answer about that.»


Mis en ligne le 15 octobre 2012 à 06H28