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374S’il est un signe convaincant de la décrépitude du système/bloc américaniste-occidentaliste, c’est bien l’attitude de plus en plus combattive des Brésiliens et des Turcs face au rejet par le bloc de leur initiative iranienne, rejet inconditionnel, rejet non argumenté sinon par des sornettes, en général rejet méprisant, voire aussi grossier et horripilant qu’un Kouchner. On peut même avancer que Turcs et Brésiliens commencent à s’énerver tandis que l’Ouest pontifie. (Laissons pour l’instant Russes et Chinois de côté, avec toutes leurs ambiguïtés.)
Spacewar.com reprend, le 27 mai 2010, divers textes AFP sur le sujet.
• Sur le climat général, on note ceci : «Turkey accused critics of a deal brokered with Iran last week for a nuclear fuel swap of being “envious” of the “diplomatic success” it represented – in an implicit swipe at the United States. US Secretary of State Hillary Clinton acknowledged “very serious disagreements” with Brazil over its insistence that the deal it helped to draw up be considered before a US push for new UN sanctions against Iran is decided.
»The row threatens to split the UN Security Council, on which the United States sits as a permanent, veto-wielding member alongside temporary members Brazil and Turkey. It also highlighted the growing assertiveness of Brazil, Latin America's biggest economy, and NATO member Turkey in carving out their own diplomatic tracks independently of the United States. […]
»Turkish Prime Minister Recep Tayyip Erdogan, speaking in a joint media conference in Brasilia with Brazilian President Luiz Inacio Lula da Silva, slammed detractors of the May 17 deal they worked out with Tehran. “The countries criticizing this accord are envious. Because Brazil and Turkey brokered and pulled off a diplomatic success that other countries had been negotiating without result for many years,” he said. He stated that Brazil and Turkey had “assumed the responsibility” that went with their seats on the UN Security Council.»
• Pendant ce temps, à Ankara, le porte-parole du ministère des affaires étrangères donne, devant quelques journalistes, une leçon de logique et d’équilibre politiques au bloc américaniste-occidentaliste.
«The swap deal, brokered by Turkey and Brazil last week, does not amount to a thorough solution of the Iran nuclear standoff "but it is a step forward on resolving the swap issue, which is one of the important elements of the nuclear file," foreign ministry spokesman Burak Ozugergin told reporters. “It is true that the glass is half empty... but we say that further action should be now taken to fill itm,” he added. “It is unreasonable to reject the deal saying the glass is half empty.”
»The spokesman criticised the stance of the United States, which submitted a draft resolution at the UN Security Council for tough new sanctions on Tehran, shortly after Iran, Brazil and Turkey announced the deal. “Submitting the paper a day after the agreement was reached means that you prefer to turn a blind eye to certain developments... This leads to an absurd situation,” Ozugergin said.»
• Pendant ce temps (suite), un nouvel acteur apparaît pour jeter un plus d’huile sur le feu, cette fois dans ses relations avec la Turquie. Il s’agit d’Israël qui menace d’employer la force pour bloquer une flottille turque apportant de l’aide humanitaire à Gaza. (AFP par Spacewar.com, le 27 mai 2010… «Israel has warned that its naval forces will prevent a Turkish-led flotilla of eight blockade-running ships carrying 10,000 tons of aid for the besieged Gaza Strip, a confrontation that could deliver the death blow to the crumbling alliance between Israel and Turkey.»)
@PAYANT Allons-nous partir en guerre contre Brasilia et Ankara (“…bombarder Brasilia et Ankara”) ? Ce serait une bonne occasion de montrer que “nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts”, non ? Dans tous les cas, Israël est là pour nous prêter main forte, cela est assuré, car plus on est de fous…
L’affaire est en train de tourner au vinaigre, ou vraiment proche de le faire. Contrairement aux oracles des augures divers et variés de nos riches instituts stratégiques, la Turquie et le Brésil ne lâchent pas prise. Du côté de la civilisation, malgré toutes les fables dites à ce propos, nous ne donnerions pas cher du soutien russe et chinois à la belle et bonne alliance américaniste-occidentaliste si le temps se gâte. Il est possible que l’affaire onusienne des sanctions se transforme peu à peu, quoiqu’assez rapidement, en une mêlée confuse qui aurait le mérite de montrer jusqu’à quelles extrémités de désordre et d’iniquité l’ordre américaniste-occidentaliste peut conduire les relations internationales. Il est possible, également, que Britanniques, Français et Allemands finissent par se demander si la sujétion aveugle au système dont le cœur est à Washington pourrait ne commence pas à leur coûter trop cher.
…C’est-à-dire que l’impression se renforce que beaucoup de choses sont possibles dans cette affaire dont bien peu prévoyaient qu’elle se développerait comme elle le fait. Une source diplomatique européenne observe que «les Américains sont stupéfaits de la résistance brésilienne et turque, qui prend même la forme d’une contre-attaque. La bureaucratie du département d’Etat était absolument persuadée que les deux pays rentreraient immédiatement dans les rangs après la rebuffade sévère d’Hillary Clinton, le lendemain de l’accord de Téhéran.» Il y en a même certains, dans les milieux industriels bruxellois où prolifèrent les lobbies des diverses industries d’armement, pour se demander si le jeu n’est pas un peu trop risqué : «La Turquie est un gros client de l’industrie d’armement US, le Brésil est un client potentiel, – dans tous les cas, l’industrie d’armement l’estime de cette façon. Risquer un clash de cette force, c’est risquer de les voir se détourner de ces sources d’approvisionnement… Au profit des Russes?» Inutile de dire qu’en France, certains pensent au Rafale et à sa vente au Brésil.
Ces diverses considérations peuvent paraître sordides, mais ainsi raisonne-t-on dans le bloc américaniste-occidentaliste. Si l’on commence à faire cette sorte de remarques, c’est justement une mesure de la brusque inquiétude, ou dans tous les cas de la sérieuse perplexité qui s’empare des milieux dirigeants de nos pays civilisés. L’air de rien, l’annexe avec une possible querelle assortie d’incidents graves entre la Turquie et Israël ajoute à l’inquiétude générale. «Dans le contexte actuel, voilà qui pourrait élargir la mésentente brûlante entre l’axe Turquie-Brésil et l’Ouest, et même faire entrer certains pays arabes modérés dans la danse, en soutien de la Turquie.»
Depuis deux ou trois jours, notamment depuis la lettre iranienne à l’IAEA actant officiellement l’accord avec le Brésil et la Turquie, l’affaire a pris une vilaine tournure. Brésiliens et Turcs se sentent maintenant implantés dans la légalité internationale avec leur accord avec Téhéran, et ils sont prêts à aller de l’avant, à résister, voire à contre-attaquer, – ainsi, dans tous les cas, les Occidentaux commencent-ils à les percevoir. Dans une telle circonstance, ces mêmes Occidentaux commencent à ne plus être sûrs de rien, et notamment du soutien de la Russie et de la Chine. Certains vont même jusqu’à élaborer des thèses farfelues, comme celle qui consisterait à imaginer que Russes et Chinois ne sont montés à bord du bateau des sanctions, tout en suivant les efforts de l’axe Brésil-Turquie, que pour pouvoir mieux conforter les Occidentaux et pousser la situation vers ce qui pourrait être une confrontation avec les Brésiliens et les Turcs, – quitte à paralyser le navire au moment opporrtun, ou à l'abandonner au dernier moment.
Bref des spéculations, on s’en doute. Il reste que, si la “résistance” du Brésil et de la Turquie continue, on pourrait risquer de voir l’Ouest brusquement déstabilisé dans sa certitude presque touchante de suffisance de représenter l’ordre international. Le problème que pourraient éventuellement avoir les Occidentaux est de taille, du point de vue du système de la communication dont la tâche est de “représenter” et de justifier leur politique. Si l’affaire continue à se développer de la sorte, l’“ennemi” est de moins en moins directement l’Iran et de plus en plus, indirectement et insensiblement, l’axe Brésil-Turquie. Or, ni le Brésil, ni la Turquie (membre de l’OTAN !) ne peuvent être assimilés au statut infamant standard modèle courant (“axe du mal”, “rogue state”, etc.) dont la propagande occidentale a d’habitude besoin pour justifier le développement de sa diplomatie extrémiste et nihiliste.
Mis en ligne le 28 mai 2010 à 12H08