Le 5 novembre et la boîte de Pandore

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Le 5 novembre et la boîte de Pandore

29 octobre 2024 (17H15) – Je me rappelle fort bien qu’il y a précisément deux ans et demi, Larry S. Johnson, qui est devenu une référence de la dissidence avec son site ‘Sonar 21’, était encore un collaborateur assez régulier du site ‘Sic Semper Tyrannis’ [SST] du colonel Pat Lang (décédé depuis). Le site STT lui-même était d’ailleurs une de mes références, sans hésitation.

Puis soudain, en mars 2022, à l’occasion du début de la guerre en Ukraine, tout cela vola en éclat. J’écrivis ainsi, le 26 juin 2022 :

« Le cas de Pat Lang s’éloigne complètement, dans le constat critique que nous en donnons, de la question de l’IVG, mais reste dans l’affrontement suprême structuration-vs-déstructuration que je choisis ici comme référence. Depuis le début mars 2022, Lang a pris une position radicale pro-ukrainienne qui a constitué une rupture étonnante dans son évolution, alors qu’il était jusqu’alors assez favorable aux Russes d’une façon qu’on pouvait interpréter comme répondant selon une méthodologie que je favorise dans la bataille structuration-vs-déstructuration (je me réfère ici à l’aspect traditionnaliste des Russes, qui constitue sans aucun doute un pan essentiel de la politique du gouvernement russe). La position de Lang est notamment la cause du départ de son site de Larry Johnson, qui s’est placé en position indépendante avec son excellent site ‘Sonar21.com’ (pour ‘Son of the New American Republic Revolution, 21 century’)... Johnson est ainsi devenu une référence pour le dissidence dans Ukrisis, tandis que Lang me semble un peu flotter dans des eaux incertaines. »

Destin de Larry Johnson

Aujourd’hui, Johnson est devenu une vedette incontournable de la dissidence indépendante, avec un certain nombre d’autres noms que vous connaissez et qu’il m’arrive souvent de citer (Mercouris-Christoforou, Ritter, Alastair Crooke, colonel McGregor, Ray McGovern, Andrei Martyanov, John Mearsheimer, Giraldi, Glenn Diesen, colonel Wilkerson, etc., avec les sites qui leur correspondent et les animateurs de ces sites...). Il a publié aujourd’hui un article auquel ce texte va beaucoup se référer, qu’il termine en donnant un résumé de sa journée d’hier :

« J’ai eu une journée bien remplie – j’ai été interviewé par le juge Napolitano (470 000 abonnés), Danny Davis (91 000 abonnés) et Nima (213 000 abonnés). Nous avons parlé de l’Ukraine et d’Israël d’une manière qui n’est plus autorisée dans les médias traditionnels. J’essaie simplement de faire ma part pour montrer qu’il existe une autre version de l’histoire que le gouvernement américain promeut. »

A la louche, je dirais que Johnson doit avoir autour de dix-douze interventions hebdomadaires dans des tables rondes, des interviews, etc., qui tournent partout sur la toile, avec désormais des traductions françaises de certaines de ces interventions qui donnent la meilleure plage d’information pour les crises, – ou plutôt les “subcrises” (Ukraine, Israël, USA notamment) composant la GrandeCrise. Sa vie et sa notoriété ont été bouleversées en un peu plus de deux ans, en même temps que le système de la communication dans le cadre duquel il évolue a été complètement transmuté.

“Révolution dans la révolution”

Je choisi le laps de temps de ces deux années et demi parce que là se trouve, je pense, comme le montre le parcours de Johnson, le paroxysme de cette “révolution dans la révolution”, – car c’est dans un paysage de la communication déjà bouleversé depuis 1995-2000 qu’est intervenue cette seconde révolution sous forme paroxystique...

Johnson, dans l’article cité, en fait un résumé plus général, en introduisant des stades de nuance qui sont certainement acceptables parce qu’elles préparent le paroxysme. Il part de 2015-2016, et là je suis tout à fait d’accord avec lui puisque ces deux années et l’entrée de Trump dans la danse marquent pour nous, à ‘dde.org’, le début de la marche inéluctable et triomphale à la fois vers le paroxysme (un autre paroxysme) de la GrandeCrise (guerre en Ukraine comme date-butoir)  

« En 2015 et 2016, Donald Trump a remporté une victoire surprise, en partie grâce à son utilisation astucieuse des médias traditionnels et des chaînes câblées. Je ne pense pas qu’il ait jamais refusé une demande d’interview et les médias l’ont engloutie parce qu’ils ne s’attendaient pas à ce qu’il gagne.

» En 2020, Trump a dû faire face à une sérieuse opposition de la part des médias traditionnels, qui ont fait tout leur possible pour ignorer ses meetings. Il existe un consensus croissant selon lequel Biden a remporté 2020 grâce à une variété de fraudes électorales douteuses, notamment l’arrêt du décompte dans des États clés afin que les démocrates puissent déterminer combien de bulletins devaient être introduits dans le système pour produire les votes dont Biden avait besoin pour gagner. Il a recueilli plus de voix que le décompte de Barack Obama en 2008 et celui d’Hillary Clinton en 2016. À l’époque, l’establishment refusait d’accepter l’argument raisonnable selon lequel il n’y avait aucune chance que Biden soit plus charismatique ou inspirant que Barack Obama.

» Nous sommes en 2024 et le paysage médiatique a changé. Les podcasts n’étaient pas très populaires en 2020. Joe Rogan commençait tout juste à émerger. Tucker Carlson travaillait dur sur Fox News. Aujourd’hui, Rogan et Carlson accumulent tous deux des chiffres d’audience énormes sur Internet et les habitudes de visionnage de la plupart des Américains, en particulier ceux de moins de 40 ans, ont radicalement changé. La grande majorité des Américains ne regardent pas les médias traditionnels ou les émissions d’information sur le câble. Pourtant, la majorité des consultants politiques sont coincés dans le passé et essaient toujours d’utiliser les anciennes méthodes. »

La leçon de Jeff Bezos

Nul ne sait qui l’emportera mardi prochain mais une chose est certaine : Trump, malgré son âge, ses erreurs, ses foucades, a bien plus qu’aucun autre compris ce qu’était cette “révolution dans la révolution”. Son entretien avec Joe Rogan, sur son postcad ‘The Joe Rogan Experience’, il y a deux jours, a été vu et entendu par 34 millions de personnes sur Youtube et les visionnages continuent à s’accumuler. Inutile d’ajouter que ce chiffre est largement supérieur au public réuni des gros bras de la TV, ou téléSystème, – CBS, NBC, ABC, CNN, MSNBC et FOX.

Là-dessus, Johnson cite et s’attarde assez longuement et justement à l’article que Jeff Bezos a fait passer lundi matin dans le Washington ‘Post’. Bezos explique à ses employés pourquoi il a décidé au dernier moment que le journal ne prendrait position pour aucun des candidats, c’est-à-dire comme prévu pour Kamala Harris. Mais ce n’est pas tant la justification de la neutralité, du refus de soutenir tel(le) ou tel(le), qui est intéressante, – alors que c’est cela qui nous avait arrêtés (puisqu’il n’y avait pas encore le texte de Bezos). C’est plutôt la leçon surprenante que Bezos, que l’on croyait de partie liée avec la marche du simulacre de la presseSystème, inflige aux petites mains de ce simulacre. On trouve partout des extraits de cette leçon “du Jeff”, et nous n’en prendrons qu’un extrait très significatif, de l’extrait plus large que Johnson lui-même publie :

« Dans les enquêtes publiques annuelles sur la confiance et la réputation, les journalistes et les médias sont régulièrement tombés tout en bas, souvent juste au-dessus du Congrès. Mais dans le sondage Gallup de cette année, nous avons réussi à tomber en dessous du Congrès. Notre profession est désormais la moins digne de confiance de toutes. Il est clair que quelque chose que nous faisons ne fonctionne pas.

» Permettez-moi de faire une analogie. Les machines à voter doivent répondre à deux exigences. Elles doivent compter les votes avec précision et les gens doivent croire qu’ils comptent les votes avec précision. La deuxième exigence est distincte de la première et tout aussi importante que la première.

» Il en va de même pour les journaux. Nous devons être précis et nous devons être considérés comme exacts. C’est une pilule amère à avaler, mais nous échouons sur la deuxième exigence. La plupart des gens pensent que les médias sont partiaux. Ceux qui ne le voient pas ne prêtent guère attention à la réalité, et ceux qui combattent la réalité perdent. La réalité est une championne invaincue. Il serait facile de blâmer les autres pour notre longue et continue chute de crédibilité (et, par conséquent, notre déclin d’impact), mais une mentalité de victime ne servira à rien. Se plaindre n’est pas une stratégie. Nous devons travailler plus dur pour contrôler ce que nous pouvons contrôler pour augmenter notre crédibilité. »

Bezos et la boîte de Pandore

Cette intervention de Bezos a plusieurs aspects inédits et inattendus. Nous mettons de côté, comme dit plus haut, le débat sur pour ou contre Kamala. On en vient à ceci, beaucoup plus percutant : somme toute, si l’on veut faire bref, on dira que c’est une attaque en règle contre les pratiques de la presseSystème que Bezos déchaîne avec ses remarques. En quelques lignes, il démolit tout l’édifice délicieusement gauchiste-Woke que le WaPo s’escrime à mettre en place depuis non pas des mois mais des années, si pas des décennies.

Note de PhG-bis : « D’ailleurs , on est autorisé à se demander à quoi pense l’investisseur qui, selon ce qu’on dit, avait donné suffisamment de liquide à Bezos pour racheter le WaPo, – la CIA et son contrat de 600 $millions ? Y appréciera-t-on cette mise au point concernant le devoir de véracité du journaliste-Lambda ? Je vous laisse avec ces interrogations qui nous confirment que nous vivons une époque vraiment très-très compliquée... »

Puisque le Grand-Patron, l’homme qui a toujours raison et qui est toujours à l’heure (songez à Amazon, que diable !), nous dit qu’on écrit du n’importe quoi, du grand et du petit dans le WaPo, parce que dans tous les cas les gens n'en croient rien et n'éprouvent plus aucun intérêt à cette lecture, alors la chasse est ouverte pour tirer à vue sur tout ce que nous dit le Washington ‘Post’ ? Cela laisse rêveur ; cette remarque-là de Jeff Bezos laisse rêveur quand on pense à tout ce que le WaPo nous raconte depuis tant et tant, sur l’Ukraine, sur Israël, sur Trump :

« ...et ceux qui combattent la réalité perdent. La réalité est une championne invaincue. »

Quoi qu’il en soit, Bezos, indirectement mais très douloureusement, nous fait savoir que toutes les sornettes imprimées sur le beau papier journal du Washington ‘Post’ pour descendre Trump en flammes ne valent rien comparées à l’interview de Trump par Joe Rogan sur son podcast ouvert à qui veut le regarder et l’écouter.

Je crois bien que Jeff Bezos a ouvert, à cette occasion, et du point de vue de la presseSystème, ce qu’on appelle une boîte de Pandore.

Post-Scriptum : et ‘dde.org’ ?

Il y a donc plusieurs problématiques fondamentales qui sont abordées par Larry Johnson et, ô surprise, par Jeff Bezos. De façon assez significative, – non, très significative, elles surgissent à propos d’une élection absolument vitale pour l’Amérique en tant que pays, pour le Système, pour la civilisation et sa GrandeCrise.

On observera qu’outre les remarques qui sont faites concernant la presseSystème, apparaît une situation où manifestement l’image, et l’image parlée, animée, l’emporte sur l’écrit ; et elle ne l’emporte pas comme abrutisseuse des humains qui l’observent et l’écoutent (voir Hollywood-bulldozer), mais comme éveilleuse puisque tous ces gens qui nous parlent sur les réseaux sociaux, hors-norme et hors-Système, sont ceux qui nous ont empêchés de tomber dans l’ornière du simulacre, et qui nous tiennent ferme hors de cet endormissement fatal.

Moi-même, j’ai pu sentir ces dernières années la force irrésistible qui nous amène à nous nourrir notamment et de plus en plus de ces réflexions et comptes-rendus parlés plutôt qu’en rester à l’écrit. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de trop s’en inquiéter ; même l’incertitude qu’entretient cette profusion d’images animées et parlantes, même cette incertitude est une éveilleuse car elle nous invite à constamment rechercher où se trouve une vérité-de-situation., tout en rejetant constamment le conte à dormir debout du simulacre qui finit même par agacer Jeff Bezos.

Bien nous en sommes là, mais encore... Ne reste-t-il pas un dernier mot à dire, au moins pour mentionner une situation ? Car ce triomphe de l’image animée et parlante ne convient guère à la formule de ‘dedefensa.org’. On s’en est aperçus, je m’en suis aperçu, combien après une envolée prodigieuse du lectorat avec la guerre en Ukraine, nous nous trouvons dans une dynamique de recul et de tassement que j’en suis arrivé à expliquer essentiellement par ce triomphe de l’animé-parlé, contre le texte écrit, et sans doute pas toujours facile.

Je sais qu’il y a dans cette situation, par rapport à des engagements, des convictions, etc., bien des contradictions. L’époque est compliquée, vous dis-je... Mais je ne dirai qu’une chose pour ma défense, et pour le reste à Dieu vat ! ‘dedefensa.org’ est la maison d’accueil du logocrate, et donc de l’écrit comme fondement ; voyez la présentation de cette fonction quasi-divine, ce caractère qui va à l’essence des choses, voyez aussi comment il procède...