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53367 juin 2019 – Je l’avoue, j’ai été surpris, non stupéfait par la couverture hallucinante de nos grands réseaux des fantastiques événements du 5 et 6 juin 2019. Tel(le) journaliste ouvrant un débat où les débatteurs soi-disant de bords adverses vont déverser des tonnes de guimauve synthétique mélangée à du sirop McDonald sur le “souvenir de nos grands alliés venus délivrer la France du joug nazi et à eux seuls remporter la deuxième Guerre Mondiale”, par cette proposition (je cite de mémoire bienpensante, c’est-à-dire transformée comme il convient) : “Alors, messieurs, croyez-vous que la célébration de ce grand et glorieux événement va rappeler aux alliés [de l’Occident américaniste un-et-indivisible] combien leur alliance est nécessaire à la civilisation, à la paix et aux droits de l’homme”... “Oui, oui, bien sûr”, furent leur unanime réponse.
J’ai été surpris et également écœuré. Rien d’inattendu pourtant, mais tout de même, la veulerie, l’inculture et le conformisme intégral continuent à me stupéfier ; et aussi, à me fasciner, tant la bassesse des esprits continuée à ce point devient un objet d’observation presque magique, tant l’emprise satanique sur les esprits est d’une force inégalée qui doit mobiliser votre attention jusqu’à une sorte de fascination critique (ne pas pouvoir détacher son regard de l’objet observé tout en accumulant les critiques que sa situation, sa complaisance pour lui-même, sa satisfaction d’être justifient mille fois, et vous voilà renforcé à mesure). Cela pour les quelques instants que je consacrai à la chose. Je zappais de l’un à l’autre écœurement avec l’une ou l’autre chaîne, l’une ou l’autre bassesse, avant de passer à des méditations plus saines, notamment l’excellente série TV de Frédéric Mitterrand sur “Les écrivains dans la guerre”, avec notamment un chapitre sur Simone Weil, cette jeune femme si brillante, juive en mal de catholicisme, qui considérait la mort comme le seul instant de la vie digne d’être vécu par les promesses qu’il ouvre, qui vécut et mourut comme une sainte, et qui mourut au nom de tous ceux qui se battaient... Comparez cela avec la commémoration des 5-6 juin 2019.
Pour moi qui me reporte toujours à ma grandiose jeunesse, le 6 juin est coincé entre deux productions cinématographiques de la même sorte, de 1962 et 1966, qui s’interpellent et se répondent en s’affrontant subrepticement : Le jour le plus long et Paris brûle-t-il ? C’était le temps où les Européens, c’est-à-dire les Français, répondaient aux agressions américanistes d’Hollywood avec relais britannique, dans le champ de la récupération des événements historiques.
Pas invité, Poutine n’est pas venu pour ce cru 2019 : qu’est-ce que les Russes ont à voir avec cet événement qu’est la victoire uniquement et seulement américaniste de la Deuxième Guerre mondiale ? Il est bon d’affirmer sa puissance comme on peut, avec l’élégance qu’on a, alors on n’invite pas...
Malgré l’insistance de ses ministres, de Gaulle, ripostant au Jour le plus long, n’avait pas assisté non plus à la commémoration de 1964, dans ces termes selon Alain Peyrefitte : « C’est Pompidou qui vous a demandé de revenir à la charge ? (Je ne cille pas).Eh bien, non ! Ma décision est prise ! La France a été traitée comme un paillasson ! Churchill m’a convoqué d’Alger à Londres, le 4 juin, il m’a fait venir dans un train où il avait établi son quartier général, comme un châtelain sonne son maître d’hôtel. Et il m’a annoncé le débarquement, sans qu’aucune unité française ait été prévue pour y participer. Nous nous sommes affrontés rudement. Je lui ai reproché de se mettre aux ordres de Roosevelt, au lieu de lui imposer une volonté européenne(il appuie).
» Il m’a crié de toute la force de ses poumons : “De Gaulle, dites-vous bien que quand j’aurai à choisir entre vous et Roosevelt, je préférerai toujours Roosevelt ! Quand nous aurons à choisir entre les Français et les Américains, nous préférerons toujours les Américains ! Quand nous aurons à choisir entre le continent et le grand large, nous choisirons toujours le grand large !” (Il me l’a déjà dit. Ce souvenir est indélébile.) »
(... “Souvenir indélébile” d’accord, mais qu’il s’agit tout de même de compléter pour être fair-play avec les British, d’après le rapport que de Gaulle lui-même en fit dans ses Mémoires de guerre : « ...Après cette sortie [de Churchill], Eden, hochant la tête, ne me paraît guère convaincu. Quant à Bevin, ministre travailliste du Travail [et vice-Premier ministre], il vient à moi et me déclare assez haut pour que chacun l’entende : “Le Premier ministre vous a dit que, dans tous les cas, il prendrait le parti du président des États-Unis. Sachez qu’il a parlé pour son compte et nullement au nom du cabinet britannique.” »)
De Gaulle dit encore à Peyrefitte, en quelques mots furieux, ce que signifiait exactement ce grand évènement du 6 juin, non pour la guerre elle-même qui était déjà gagnée depuis les victoires russes de 1943, de Stalingrad et de Koursk, mais pour l’après-guerre des nations du bloc-BAO, de “glorieux allié” à “glorieux allié” : « Le débarquement du 6 juin, ç’a été l’affaire des Anglo-Saxons, d’où la France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s’installer en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s’apprêtaient à le faire en Allemagne !
» Ils avaient préparé leur AMGOT qui devait gouverner souverainement la France à mesure de l’avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis.Et vous voudriez que j’aille commémorer leur débarquement, alors qu’il était le prélude à une seconde occupation du pays ? Non, non, ne comptez pas sur moi ! »
Ainsi est-on fondé à juger qu’ils ont célébré hier, une fois de plus, une “seconde occupation”, non seulement du pays mais de l’Europe, par ceux devant lesquels tous s’inclinent. Et encore, comme le laisse entendre Poutine, est-il assuré qu’il y a d’autres choses à faire, et des plus urgentes, que ces constantes cérémonies de commémoration qui nous permettent d’affirmer que si nous ne sommes plus ce que nous avons été nous aimerions bien l’être encore et nous le sommes alors au moins pour cette commémoration, quoiqu’il apparaisse que la représentation de ce que nous fûmes restent tout de même dans le halo d’un brouillard incertain et un peu suspect de déformation ; et puis, il reste les paillettes et l’impression de gloire un peu factice accompagnant toutes les superproductions hollywoodiennes, surtout lorsqu’elles sont copiées par les Européens ; et d’ailleurs, toujours selon Poutine, ce sont les généraux d’opérette, rien de moins, qui suivent cette sorte de cérémonies : « Pourquoi devraient-ils toujours m'inviter partout? Je suis quoi, un général d'opérette ? J'ai assez de choses à faire ici, ce n'est absolument pas un problème ».
Ce constant ressassement de l’exceptionnalité américaniste et occidentaliste, ce suprémacisme qui leur colle aux discours comme le sparadrap du capitaine Haddock, me conduisent à penser qu’il faut soi-même, sans désemparer, sans se décourager jamais, sans cesse remettre sur le métier ces vérités-de-situation qui composent la véritable mémoire, celle de notre nostalgie et nullement celle de leurs mensonges... La Seconde Guerre mondiale, et là-dedans le débarquement du 6 juin 1944, forment une importante étrape de la formation de l’infamie grotesque dont nous subissons aujourd’hui la Grande Crise Générale ; d’où cette intention qui m’est venue de remettre en ligne, ci-dessous, un texte du 9 mai 2014, comportant une appréciation générale de la Seconde Guerre mondiale, et notamment des précisions concernant le rôle de l’exceptionnelle et indispensable puissance de l’américanisme...
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... La Deuxième Guerre mondiale, elle, devint dès son immédiat après-guerre, et n’a plus cessé de l’être depuis, un formidable événement de communication légitimant l’hégémonie américaniste sur le monde et la présence quasiment consubstantielle des USA en Europe. Parallèlement et d’une façon antithétique, le rôle essentiel sinon décisif de la Russie (l’URSS) dans ce conflit a été complètement minoré, réduit, sinon écarté et “oublié”. Là aussi, il s’agit d’un événement de communication qui est, comme le premier aspect, toujours d’actualité pour prétendre fonder des légitimités historiques qui ne sont en vérité que factices, et rien que simulacres.
Cette évocation de la Deuxième Guerre mondiale que nous proposons ici n’est nullement une entreprise historique conventionnelle, habituelle lors des célébrations, mais une démarche très actuelle concernant un événement de communication dont les effets sont toujours très puissants aujourd’hui. Cet événement de communication resté si actif a évidemment son rôle, très important lui aussi, dans la crise ukrainienne. Cette crise, aujourd’hui, ne concerne qu’accessoirement l’Ukraine, parce qu’elle est devenue, en se développant et en se transmutant en quelques semaines, sans planification mais par la seule dynamique de la surpuissance de la politique-Système, une attaque frontale de la Russie, et peut-être l’événement final de la crise générale que nous affrontons, et peut-être l’événement capital de la crise d’effondrement du Système. C’est dans ce cadre qu’il faut considérer cet événement de communication, et notre tentative d’évocation de la Deuxième Guerre mondiale.
Ce que nous allons évoquer de cette Deuxième Guerre, ce n’est pas le rôle de la Russie (de l’URSS), dont les actes historiques sont connus. (Nous avons encore évoqué ce rôle dans l’un ou l’autre argument de notre texte du 6 mai 2014.) Nous allons évoquer l’événement de communication qui fait que le rôle de la Russie (de l’URSS) est ainsi outrageusement ignoré au mépris de l’histoire, c’est-à-dire l’événement faisant de l’Amérique à la fois le démiurge tout puissant et incontesté, le concepteur avisé et organisé, l’acteur essentiel et héroïque, le vainqueur principal jusqu’à être d’une essence différente et nécessairement vertueuse de cette guerre. (On en parlera à nouveau, sans le moindre doute, dans des torrents d’acclamations pour l’Amérique salvatrice de nos origines vertueuses et postmodernes, le 6 juin 2014, lorsque sera célébré en Normandie le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie. Cette analyse sera à nouveau d’actualité.)
Effectivement, c’est sur ce montage de communication qu’est fondée la pseudo-légitimité des USA sur le monde à partir de 1945, comme si l’“exceptionnalisme” américaniste n’était rien de moins qu’une sorte de monothéisme politique ainsi imposé à un monde qui avait imprudemment proclamé la “mort de Dieu”. Cette narrative quasi-métaphysique, aisément décliné lors de la toute-puissance des USA, est devenue aujourd’hui un instrument implicite de la guerre de communication que livre le bloc BAO, avec le Système pour l’y pousser. (Il ne fait aucun doute pour nous que la haine extraordinaire qui accompagne l’appréciation générale du Système et du bloc BAO de la Russie et de Poutine repose sur la perception du sacrilège représenté par la prétention de la Russie de refuser la soumission à cet événement du “monothéisme politique” des USA ; et ce sacrilège devenu, dans la fièvre de ces dernières années où le Système se débat dans sa crise fondamentale, quasiment métaphysique, – certes, de la catégorie de la “métaphysique en toc”, ou métaphysique-simulacre [voir le 10 octobre 2011] caractérisant notre pensée si basse, – mais tout aussi pressante que la vraie pour nos petits esprits produisant notre pensée si basse.)
Dans La Grâce de l’Histoire, nous favorisons cette interprétation de la Deuxième Guerre mondiale comme un événement de communication dont la manufacture est évidemment complètement inspirée des studios de Hollywood. [...]
«Des studios du cinématographe, nous passons aisément à la réalité puisque la réalité est désormais celle qui sort des studios, et rien d’autre ne s’y peut comparer en vérité. Le professeur George H. Roeder Jr., qui est professeur of liberal art, dont l’image du cinématographe fait partie, et nullement historien, nous présente la Deuxième Guerre mondiale sous les traits d’une “guerre censurée” ; mais bien au-delà de cet aspect somme toute conjoncturel, il nous instruit dans ses remarques introductives de ceci qui résume notre propos à merveille : “La Deuxième Guerre mondiale fut le premier film dans lequel chaque Américain pouvait avoir un rôle. [...] La Deuxième Guerre mondiale offrit à chaque citoyen [américain] le double rôle de spectateur et de participant.”
» George H. Roeder Jr. nous dit bien plus de la réelle substance de l’événement de la Deuxième Guerre mondiale, de sa puissance et de son influence sur la psychologie américaniste (et sur le renforcement de l’américanisation de la psychologie des Américains), dans cette façon “cinématographique” de l’aborder, et il nous dit bien plus par conséquent sur l’histoire américaniste ainsi sortie du spectre de la Grande Dépression, cette épouvantable agression de la réalité, cette scandaleuse provocation en vérité ; il nous en dit bien plus que toutes les studieuses et laborieuses, et nécessairement conformistes, études historiographiques enfantées par le système. Il ne s’agit pas ici de signaler un à-côté, un aspect intéressant mais tout de même marginal de la perception du grand conflit, notamment chez les Américains mais également sur les terres extérieures. Au contraire, nous prétendons décrire la substance de la chose, telle qu’elle fut modelée par la communication. L’appréciation de George H. Roeder Jr., si elle paraît sortir du laboratoire original mais limité du spécialiste, concerne au contraire l’entièreté du phénomène. La politique générale, les appréciations des dirigeants de cette politique, du moins ceux qui sont acquis au système, montrent une transcription en des concepts “sérieux” de cette façon de percevoir l’événement. Il s’agit d’une véritable mise en scène de l’Histoire dans laquelle croit entrer l’Amérique, alors que ce qu’elle fait est de tenter d’annexer l’Histoire pour la faire “traiter” par les régiments de scénaristes de Hollywood ; pour un certain temps, quelques décennies au moins, on put considérer que le tour avait réussi, passe-passe certes, mais dans le cadre sérieux de l’industrie cinématographique. Dans tous les cas, il s’agit de convenir que la communication, là encore, constitue l’arme absolue de l’américanisme.
» Puisque la Deuxième Guerre mondiale fut un film où les Américains étaient acteurs et dont ils étaient les spectateurs, il importait que ce film fût tourné à Hollywood, que les bons y triomphassent sans qu’on puisse émettre le moindre doute sur leur vertu et leur puissance, que les mauvais y fussent punis à mesure, que les acolytes fussent mis à leur place et ainsi de suite. Ainsi la Deuxième Guerre devint-elle une guerre américaniste et, véritablement, l’aube claire et radieuse d’une époque nouvelle et sans précédent...»
L’idée générale de nos historiens postmodernes est axée sur la conception absolument exclusive qu’en 1941-45, les USA ont sauvé l’Europe et le monde, qu’ils ont battu l’Allemagne nazie, avec les autres certes mais, d’une certaine façon, comme s’ils étaient seuls et comme s’ils étaient les seuls à le pouvoir. Cette thèse est sous-jacente dans nombre de productions américanistes du système de la communication, comme, par exemple, dans un film aussi fameux et présenté comme une quasi-référence historique pour la Deuxième Guerre mondiale que Saving Private Ryan, de Steven Spielberg. L’on y voit effectivement, comme en une fresque à la fois décisive et définitive, le 6 juin 1944 avec pas un seul Anglais, pas un seul Canadien, et quelques indigènes, ou autochtones, ou Français, parqués dans leurs villages et pas vraiment exaltants, ni d’intelligence, ni de dignité.
(Pour ce premier aspect de l’“Amérique vertueuse/victorieuse”, nous empruntons des parties importantes d’un texte que nous avions publié le 16 février 2003. Comme dans un emprunt également important d’un second texte [voir plus bas], nous ne signalons pas précisément les reprises verbatim de ce texte pour permettre une meilleure intégration de cette analyse.)
Bien entendu, la vérité historique est tout autre et mérite d’être rappelée à une occasion ou l’autre. Celle de la célébration de la victoire de 1945, sur fond de crise ukrainienne, est une de ces occasions, sans nul doute... D’où ces quelques remarques
• L’évaluation générale de la guerre est que la machine de guerre allemande a été brisée lors de trois chocs : El Alamein, Stalingrad et Koursk en 1942-1943. Les Américains ne participèrent à aucune de ces batailles et n’en influencèrent aucune, ni par leur stratégie, ni par leur matériels. (Tout juste peut-on signaler l’emploi en nombre significatif de Curtiss P-40 KittyHawk et de Douglas A-20 Boston, bien adaptés au désert, par les Britanniques dans la campagne d’El Alamein, — rien de décisif, sans aucun doute). La bataille de Koursk notamment, formidable affrontement de plus de deux millions d’hommes durant près de 50 jours, est fondamentale et marque la défaite décisive de l’Allemagne, en brisant la colonne vertébrale de la machine de guerre allemande. Wikipédia peut écrire dans son article “bataille de Koursk” :
«... Après cette défaite, la Wehrmacht ne parvint plus jamais à reprendre l'offensive sur le front russe. Elle subit dès lors une poussée continue, parsemée de défaites successives, qui allait conduire à la libération du territoire soviétique de l’occupation nazie, à la traversée de la Pologne par l'Armée rouge et enfin à la conquête de Berlin. Mais après cette bataille, fin août 1943, il apparaît que l'Allemagne a probablement déjà perdu la Seconde Guerre mondiale.»
• Les considérations sur l’altruisme américain de venir “libérer” l’Europe sont émouvantes et peuvent avoir leur place dans un état d’esprit sentimental. A côté de cela, elles deviennent futiles dès lors que la géopolitique est sérieusement prise en compte, dès lors qu’on observe que l’Amérique était directement menacée : Pearl Harbor était l’étape vers la Californie, la guerre était mondiale et la sécurité nationale des USA, ainsi que leurs ambitions expansionnistes, étaient désormais concernées par les menaces japonaise et allemande. Cela n’empêchait pas les calculs précis : selon Mark Perry, dans son livre Four Stars (Houghton Miflin, Boston, 1989), l’US Navy avait une stratégie dite de Pacific First et entendait n’intervenir que le plus tard possible dans l’Atlantique pour que la Royal Navy subisse le plus de pertes possibles et soit l’obstacle le plus réduit possible à la volonté de domination navale de l’US Navy dans l’après-guerre. Au contraire, l’US Army, qui défendait ses exigences professionnelles, plaidait qu’une intervention terrestre importante et rapide en Europe permettrait aux USA de faire reculer de façon substantielle, à leur profit, l’influence britannique en Europe.
La fable de l’Amérique emportant quasiment seule la guerre et sauvant le monde et la liberté fut un montage virtualiste et médiatique auquel le Royaume-Uni prêta lui-même son concours, effaçant d’autant son propre rôle. La tactique de Churchill était de s’effacer derrière les USA pour s’accrocher à eux (special relationships) et profiter (tenter de profiter) de leur future puissance. Dès 1942, les Britanniques consentaient de façon contestable aux Américains des commandements importants pour que ces derniers puissent affirmer leur prétention à la prééminence politique. De Gaulle avait parfaitement saisi cela. Ce passage de ses Mémoires de guerre est à lire et à relire; il décrit un déjeuner à Downing Street le 18 novembre 1942, dix jours après le débarquement en Afrique du Nord dont le Royaume-Uni avait laissé le commandement aux Américains. (Extrait des Mémoires de guerre, P.315-316, Tragédie, collection La Pléiade.)
«...Après le déjeuner à Downing Street, où toute la bonne grâce de Mme Churchill eut fort à faire pour animer la conversation parmi les dames inquiètes, et les hommes, lourdement soucieux, le Premier Ministre et moi reprîmes en tête à tête l'entretien: “Pour vous, me déclara Churchill, si la conjoncture est pénible, la position est magnifique. Giraud est, dés à présent, liquidé politiquement. Darlan sera, à échéance, impossible. Vous resterez le seul.” Et d’ajouter: “Ne vous heurtez pas de front avec les Américains. Patientez! Ils viendront à vous, car il n’y a pas d'alternative.
» – Peut-être, dis-je. Mais, en attendant, que de vaisselle aura été cassée! Quant à vous, je ne vous comprends pas. Vous faites la guerre depuis le premier jour. On peut même dire que vous êtes, personnellement, cette guerre. Votre armée avance en Libye. Il n'y aurait pas d'Américains en Afrique si, de votre côté, vous n'étiez pas en train de battre Rommel. A l’heure qu'il est, jamais encore un soldat de Roosevelt n'a rencontré un soldat d'Hitler, tandis que, depuis trois ans, vos hommes se battent sous toutes les latitudes. D'ailleurs, dans l’affaire africaine, c'est l’Europe qui est en cause et l'Angleterre appartient à l’Europe. Cependant, vous laissez l'Amérique prendre la direction du conflit. Or, c’est à vous de l’exercer, tout au moins dans le domaine moral. Faites-le! L’opinion européenne vous suivra.”
» Cette sortie frappa Churchill. Je le vis osciller sur son siège. Nous nous séparâmes, après avoir convenu qu'il ne fallait pas laisser la crise présente rompre la solidarité franco-britannique et que celle-ci demeurait, plus que jamais, conforme a l'ordre naturel des choses dès lors que les États-Unis intervenaient dans les affaires du vieux monde.»
Dans l’évaluation hagiographique, hollywoodienne et virtualiste du rôle sublime de l’Amérique durant la Deuxième Guerre mondiale, il y a deux axes principaux. Il y a celui qu’on a vu, de l’Amérique généreuse et vertueuse qui a sauvé la civilisation que les démocraties européennes décadentes (la France en premier, tandis que le Royaume-Uni est laissé dans une incertitude océanique) laissaient s’effondrer sous les coups de la barbarie nazie. Le second est celui de l’activité américaniste de l’Amérique industrieuse, miracle industriel et pinacle de la vertu capitaliste grâce à une mobilisation économique et technologique qui est et restera la référence du genre.
Bien entendu, ce second aspect est lui aussi absolument vertueux, comme le capitalisme lui-même, et se plaçant à cet égard absolument contre le diabolique nazisme dans un affrontement où l’on distingue aisément les “partenaires” habituels, – le Bien et le Mal. Pour cette question de vertu, et avant de passer au fond de la question (“miracle” industriel, capitalisme, etc.), nous rappellerons cet aspect qui n’est pas sans intérêt, notamment du comportement et des liens avec le Diable suscités par les impératifs du Big Business. (Extrait d’un texte paru sur ce site le 16 novembre 2010.)
« Une autre connexion majeure est celle du business. Les relations d’affaire, d’investissement, aux plus hauts niveaux financiers et du capitalisme, furent intenses entre les USA et l’Allemagne dès après la défaite de l’Allemagne en 1918. Elles se poursuivirent malgré les vicissitudes politiques et idéologiques. Il est admis qu’en planifiant l’offensive stratégique aérienne US contre l’Allemagne dès 1940, les officiers de l’US Army Air Force chargés de ce travail entrèrent en contact avec les grandes banques et groupes industriels US pour identifier et localiser les entreprises allemandes avec forts investissements US, et les placer hors des objectifs des bombardiers US. Plus encore, divers grands groupes US (Standard Oil of New Jersey, ITT, Chase Manhattan Bank, Ford, etc.) continuèrent à travailler avec l’Allemagne nazie, même durant la guerre avec l’engagement des USA, jusqu’en 1945, y compris sur des contrats à caractère stratégique. Dans son livre “Trading with the Enemy, the Nazi-American Money Plot, 1933-1945” (Barnes & Noble, 1983), Charles Higham a largement documenté ce domaine. (Higham, Britannique demi-juif dont une partie de la famille avait péri dans les camps nazis, avait pris la nationalité américaine par choix idéologique et c’est la découverte des réalités du système de l’américanisme qui le poussa à écrire son livre.) »
Cet aspect du “miracle” d’activité industrielle et technologique des USA pendant la Deuxième Guerre mondiale est une narrative essentielle dans le phénomène de communication que nous détaillons. C’est sur lui principalement, et notamment grâce à son appendice “vertueux” du Bien contre le Mal, que s’est bâtie la légende, non seulement de l’Amérique comme phare économique du monde, mais plus encore, du capitalisme comme vertu économique absolue, comme le seul avenir possible du monde. On comprend, dans la logique du propos, que cette base mythique est le cimier sur lequel s’appuient l’argument, la cohérence, voire la sacralité du processus qui conduit à notre situation actuelle, et qui verrouille cette situation selon une ligne catastrophique que rien ne fait dévier. L’absolue prééminence du capitalisme dans la pensée-Système aujourd’hui est née dans les usines de Detroit et de San Diego, enluminées par les visites des starsde Hollywood et la narrative qui accompagne notre propos, le tout formant cette base mythique, cette mythologie du fondement dont nous parlons.
... “Base mythique” et “mythologie du fondement” en effet, dans la mesure où l’on découvre que cette “mobilisation” de 1941-1945 qui sert de référence aux capacités, à la productivité, à la rationalisation et à la coordination structurée du capitalisme américaniste, a des aspects bien douteux et communs par rapport au contexte non-US. La puissance industrielle de l’Amérique fut évidemment une contribution à la mesure de cette puissance à l’effort de guerre général, mais ce n’est nullement l’image irrésistible et quasiment religieuse qui se répandit comme parole d’Evangile à partir de 1945, sous la férule de l’influence et de l’hégémonie des USA sur le reste du monde dévasté (l’Amérique ayant été épargnée à cet égard, comme si la géographie suivait les prescriptions divines).
(Comme signalé plus haut, nous reprenons ci-dessous l’essentiel d’un texte que nous avons publié le 8 juin 2006, qui apportait des éléments extrêmement intéressants sur les conditions de la “mobilisation industrielle” des USA pendant la Deuxième Guerre mondiale.)
Les USA en guerre, c'est cette capacité industrielle considérable, qui fournit une base technologique et une production industrielle d’une telle puissance qu’elles permirent, à peu près à elles seules, la victoire, – CQFD, l’Amérique a bien remporté la guerre à elle seule, – ainsi se résume la narrative. Si l’on veut, en bon élève de l’américanisme et du Système, affiner le commentaire hagiographique qui permet en général de disposer d’un passe pour le paradis du statut du commentateur sérieux, on détermine que le “miracle” américaniste général se subdivise en quatre “sous-miracles” détaillant le bonheur qui nous fut ainsi donné.
• Miracle du volume de la production. La production industrielle américaine pendant la Deuxième Guerre mondiale (303.000 avions, plus d'une centaine de porte-avions d’attaque, etc.) est perçue, dans son volume et dans son rythme d'expansion, comme un phénomène unique de l'histoire industrielle. C'est effectivement défini comme un “miracle”.
• Miracle de la productivité. Il est également entendu que la performance quantitative de la production américaine pendant la Deuxième Guerre mondiale se double d'une performance qualitative, avec l'affirmation que l'industrie américaine réussit à établir une capacité de productivité également hors du commun, avec amélioration constante des produits, rentabilisation, etc.
• Miracle de la restructuration industrielle. L'image ambiante est également que l'industrie américaine réussit à passer, de manière massive et en un laps de temps extrêmement court (1939-42 au plus, plus sûrement 1940-42), d'une industrie de consommation civile à une industrie militarisée, produisant l'ensemble des systèmes nécessités par une guerre moderne de la plus haute intensité concevable.
• Miracle de la coordination et de la direction industrielle, enfin. Le quatrième “miracle” est que tout cela fut dirigé de main de maître, par un gouvernement américain prenant soudain en mains toutes les commandes de l'économie du pays, dans un consensus général figurant l'union sacrée dont on raconte qu'elle est la cause principale de la victoire des alliés en 1945.
Bien entendu, il s'agit d’une narrative, comme on l'a déjà laissé entendre à plusieurs reprises. L'intervention de la puissance industrielle américaine pendant la guerre fut un facteur important de cette guerre mais ce n'est point le résultat d'une activité humaine hors du commun, activant des conditions exceptionnelles et les maîtrisant de bout en bout. La narrative, elle, permet de renforcer dans son domaine d’une part les idées déjà exprimées de l’exceptionnalisme à la fois du système de l’américanisme (du Système, finalement), de la population et de la direction américaine, d’autre part l'idée également exprimée de la Deuxième Guerre mondiale comme une sorte de “guerre sacrée”, légitimant l'entrée de l'Amérique dans le monde et son hégémonie sur le monde par une vertu idéologique et morale sans contestation possible. On voit l'avantage de la narrative. On peut ici introduire deux-trois observations qui se complètent, qui illustreront le jugement que la narrative, effectivement, est bien une narrative
• L’aide matérielle US aux alliés fut constamment importante, elle ne fut jamais décisive, ni pour le Royaume-Uni, ni pour l’URSS, pour citer les deux principaux alliés. Elle est un des éléments de la victoire parmi d’autres, elle ne peut en aucun cas être considérée comme un élément décisif. (Il y a beaucoup de considérations révisionnistes, venues des Américains eux-mêmes, sur l’ampleur de l’effort de guerre industriel US, – massif certes, mais en aucun cas miraculeux ni totalement écrasant par rapport aux autres nations en guerre, comme on l’a souvent décrit).
• ... Un exemple significatif est la production d’avions pour la guerre : 303.000 par les USA, 158.000 par l’URSS, 131.000 par le Royaume-Uni, 119.000 par l’Allemagne, 76.000 par le Japon. Compte tenu du fait que les USA, en plus de la puissance naturelle qui était la leur et de leur avantage géographique de l’impunité, étaient les seuls à mener deux guerres totales (Europe et Pacifique) et qu’ils développèrent à cause de leurs conditions géopolitiques (et de leurs ambitions hégémoniques?) une composante stratégique importante, absente par exemple en URSS (pourtant accusée de visées expansionnistes) et chez les Allemands, le chiffre américain est logique et ne tient en rien du “miracle” ; il est simplement dicté par les besoins américains, avec un supplément effectivement destiné à l’aide aux alliés. (Ces chiffres sont d’autant plus significatifs de la répartition de l’effort entre alliés qu’ils concernent un domaine, la puissance aérienne, sur lequel les Anglo-Saxons, et surtout les USA, mirent constamment l’accent.) Les matériels aériens américains livrés au Royaume-Uni et à l’URSS ne dépassèrent jamais 10% des effectifs de première ligne de ces deux pays tout au long de la guerre. Là où l’aide US fut plus importante, c’est dans la vente et la livraison de matières premières (fer, acier, etc.), qui permirent aux alliés de maintenir leur rythme de production : ainsi les USA apparaissent-ils surtout comme un fournisseur de matière brute, comme un vulgaire pays du tiers-monde ayant accédé par ses conditions naturelles à une industrialisation massive mais sommaire.
• Les USA furent très loin d’une domination technologique sur le reste. Dans les relations UK-USA, les Britanniques donnèrent beaucoup plus qu’ils n’obtinrent, et dans des domaines-clef. Ils donnèrent aux USA les éléments essentiels du radar ; ils fournirent à Packard et à North American leur moteur Rolls-Royce Merlin qui fit du P-51 Mustang le meilleur chasseur de la guerre, et l’avion de combat qui sauva d’un désastre, à partir de fin-1943, l’offensive stratégique US au-dessus de l’Allemagne en fournissant aux B-17 et aux B-24 un chasseur d’escorte capable d’accompagner les bombardiers jusqu’au-dessus de leurs objectifs et de protéger leur retour ; ils fournirent aux USA leur premier moteur à réaction, qui permit à Bell de produire le premier chasseur à réaction US, le P-59 Airacomet, et lança l’industrie aéronautique US dans cette ère nouvelle.
L'explication des réalisations industrielles américaines pendant la guerre est plus simple, et là aussi doit être écartée la sollicitation du “miracle” dont le Ciel aurait fait bénéficier la “nation exceptionnelle”. Elle tient simplement à la puissance naturelle de l’Amérique, un pays qui est aussi grand qu’un continent, qui possède à la fois les ressources naturelles d'un continent, les ressources humaines d’une population largement alimentée par une immigration sollicitée dans le but explicite du renforcement de l’économie, et les ressources structurelles d’un système qui est très peu entravé par une intervention du gouvernement systématiquement favorable aux puissances économiques.
Il faut à cet égard recommander la lecture d'un document diffusé par l'Institut INSS (Institute for National Security Studies), de la National Defense University dépendant du département de la défense. Les références sont donc impeccables. Le document est diffusé dans la série “McNair Papers” et porte le numéro 50 en date d’août 1996 (le document, qui fut également édité en version-livre, est accessible gratuitement sur l’internet en version pdf). Le titre de l'étude est: Mobilizing U.S. Industry in World War II et l'auteur est Alan L. Gropman. (Gropman, ancien colonel de l'USAF, ancien cadre dirigeant de la Syscon corporation, diplômé de Boston University et de Tufts University, professeur d'histoire au National War College, avait été nommé président du Department of Grand Strategy, Industrial College of the Armed Forces, National Defense University, en juillet 1996.)
L'étude est très complète et permet d'avoir une référence précise sur la période considérée, dans le domaine très peu connu en Europe, – à part les narrative – de la mobilisation industrielle aux USA. On y découvre que la “mobilisation” pour 1941-45 représenta une activité industrielle certes soutenue mais nullement exceptionnelle, y compris en référence à d’autres séquences industrielles US ; que la productivité US ne fut pas non plus exceptionnelle, puisque d'autres pays belligérants la surpassèrent ; que la production fut plutôt l'effet d'un processus industriel naturel et que les interventions gouvernementales furent souvent soit maladroites et improductives, soit entravées par le secteur privé. (Il faut noter en se référant à un passage ci-dessus que le gouvernement US ne put rien contre les entreprises de collaboration, y compris stratégiques, de conglomérats US avec l’Allemagne nazie pendant la guerre. La seule personnalité à protester auprès de Roosevelt pour ces pratiques fut le juge à la Cour Suprême Felix Frankfurter. Roosevelt lui répondit que s’il prenait des mesures d’interdiction, il y avait le risque exprimé précisément que le Big Business répliquerait en stoppant la production de guerre et que lui-même, Roosevelt, n’y pourrait rien. Roosevelt laissa entendre que trop de dirigeants politiques US étaient liés ou tenus par le Big Business pour espérer réussir une mobilisation de contrainte. Cela marque les limites pathétiques de la véritable étendue du pouvoir politique par rapport aux autres forces dominantes.)
Nous donnons ci-dessous, pour conclure cette analyse, deux extraits de ce travail de Alan L. Gropman, Mobilizing U.S. Industry in World War II.
«It is equally true, however, that there was no production “miracle” in the United States during World War II. Unquestionably, munitions production expanded greatly, but the base on which the expanded production was measured was a depressed one. Compare, for example, the period 1941 to 1945 with another period of rapid industrial expansion (and peacetime at that), 1921 to 1925. Wartime farm output increased about 25 percent in the former and peacetime output increased by more than 28 percent. In the case of total industrial production, the peacetime output increase was double that of wartime (53 percent versus 25 percent). If the period 1941 to 1944, when wartime production peaked and before it turned down, is compared with the period 1921 to 1924, the wartime figure is 7 percent higher (45 percent compared to 38 percent). How then did the United States produce the hundreds of thousands of airplanes, tens of thousands of tanks, tens of thousands of landing craft if the output increase in the early 1940s was no greater than it had been in the early 1920s.? Through massive conversion of the industrial base and generous government funding for infrastructure construction.»
«There should be no doubt, therefore, that United States industrial production in World War II was no miracle. United States production in World War II was about what one should have expected given the size of the prewar technological-industrial base, the population size (three times that of Britain, nearly twice that of Germany, and greater than that of the Soviet Union after Hitler's conquests in 1941). In the face of allied bombing and sea blockade, and with her troops scattered from the north of Norway to the Pyrenees, and from the North Sea and Atlantic Ocean to the Caucasus, Germany increased its productivity by 25 percent between 1943 and 1944 – a percentage that exceeded that in the United States. The Soviet Union lost 40 percent of its most productive territory and tens of millions of its people but still produced at a furious pace. Great Britain, while suffering bombing and rocket attacks, produced more tanks, ships (but not submarines), and airplanes than Germany, with about 60 percent of Germany's population. Paul Koistinen argues that when viewed in terms of “prewar potential and when compared with other belligerents, America's World War II munitions production effort was not outstanding.”
» Koistinen assembles productivity statistics to make his case. The United States, even mired in the depression in the period 1936 to 1938, manufactured almost one-third of the world's products (32.2 percent). The United States outproduced Germany about three times (10.7 percent) and Japan almost ten times (3.5 percent). Taking the United States prewar productivity in terms of production per man-hour as the standard and giving it a value of 100, the following chart indicates the relative productivity ranking of World War II foes :
» …Between Pre War War (’35-’38) and 1944 – All Manufacturing Munitions Country Industries Industries: United States 100 –100, Canada 71 – 57, United Kingdom 36 – 41, Soviet Union 36 – 39, Germany 41 – 48, Japan 25 – 17…
» One must not forget, however, that the United States was “almost alone in increasing rather than diminishing consumer output during the war.” To reiterate the point, all belligerents fiercely produced munitions during the war, not just the United States. America possessed advantages that none of the other warring states had. Its output, while noteworthy, was what a prewar analyst might have expected given the size of the country, its educated population, the status of its technology, the abundance of its raw materials, the quality of its transportation network. In short, America's munitions production in World War II was no “miracle.”
» Could the United States have been more productive? Could it have produced more munitions more rapidly at a lower cost? Almost certainly, although it is difficult to determine what difference it might have made by August 1945. Robert Cuff, a generally friendly critic of the U.S. World War II mobilization effort, argues that U.S. Federal Government administrative machinery was not up to the task of managing the economy for war from a central position: “administrative personnel and control coordinating machinery was rudimentary at best.” More critically, “A cadre of political appointments loyal to the President is not the same as a higher civil service” and “Wartime Washington was awash with competing centers of administrative decision-making.” Where were the weaknesses? “Those with governmental authority did not possess relevant knowledge and control in technical matters, while those with technical knowledge and industrial control did not possess governmental authority.” In a war the objective was to “bind them together, not drive them apart” and to create cohesion when the country, before Pearl Harbor was attacked, “divided on the very issue of war itself.” The uneasy alliance between business executives and bureaucrats was patched together by Roosevelt and senior government officials (often from the worlds of business or finance) much as Bernard Baruch had pieced together a government/business coalition in World War I. In World War II, as in World War I, the “alliance” was not designed to be permanent, and it did not last beyond the emergency. Given the structure of United States policy, it could not have lasted, and it was never cohesive.»
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