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4 décembre 2003 — Le jugement quasi-unanime devant le budget du DoD (département de la défense) de $401 milliards pour 2004, c’est celui de se trouver devant un effort budgétaire sans précédent qui doit renforcer de façon exponentielle la puissance et l’expansion des forces armées américaines. Il y a des applaudissements et il y a des protestations devant le budget du DoD, tous s’accordant dans tous les cas sur le volume extraordinaire de ce budget.
Une réaction caractéristique à cet égard est l’éditorial du Guardian du 26 novembre, intitulé de façon significative : « Scary and scandalous ». Il semble au rédacteur de ce texte qu’il s’agisse d’un énorme budget, menaçant et scandaleusement tourné vers la prolifération de nouveaux systèmes.
« The US administration's defence authorisation bill for fiscal year 2004 was signed into law by George Bush this week. In all, it totals $401.3bn. Amazingly, this figure does not include one-off appropriations for US operations in Iraq and Afghanistan of approximately $150bn. Overall US defence expenditure under Mr Bush is at record levels. It is higher, in relative terms, than equivalent, average American spending during the cold war years when a hostile Soviet Union and Warsaw Pact confronted the US and its allies with thousands of nuclear warheads deployed on land, at sea and in the air, as well as chemical and biological weapons and vast conventional forces. Yet Mr Bush suggested that terrorism now represented the most potent threat in the history of the US. "The war on terror is different than (sic) any war America has ever fought," he said. "This threat to civilisation will be defeated. We will do whatever it takes." So much for the peace dividend.
(...)
» Whatever the actual, unexaggerated threat level may be, some elements of the defence bill are really scary, too - or just plain scandalous. They include exemptions for the military from provisions of the Endangered Species Act and the Marine Mammal Protection Act. Apparently unpatriotic dolphins and various pacifist fish have been thoughtlessly obstructing training exercises. The bill gives $9.1bn for the further development of Mr Bush's "Star Wars" global ballistic missile defence wheeze. And it authorises spending on research into a new generation of battlefield nuclear weapons, so-called "mini-nukes" and "bunker-busters" that, if built, will make nuclear warfare both more doable and more likely. This project breaches the spirit if not the letter of the Nuclear Non-Proliferation Treaty which, in a developing world context, the US righteously and noisily insists upon. It is itself a potentially egregious act of proliferation. Japan, the world's only nuclear victim so far, protested yesterday that the future US deployment of such weapons is "something which cannot be allowed". Yes, but can it be stopped? »
La réalité militaire, comptable, bureaucratique, au Pentagone et dans les agences qui lui sont liées d’une façon ou d’une autre, est incroyablement différente, elle est même le contraire de ce qu’on en croit. La réalité comptable est que ces $401 milliards représentent un budget de misère, rogné partout, notablement insuffisant pour simplement maintenir en état de marche la machine militaire américaine au niveau où elle se trouve aujourd’hui. Une analyse de Air Force Magazine (AFA), dans ses éditions de décembre 2003, nous le dit très précisément, et en s’appuyant non pas sur une rhétorique de propagande mais sur les calculs du très sérieux Congressional Budget Office (CBO).
(Il est important qu’il s’agisse de chiffres du CBO, en général peu favorable au Pentagone. On ne peut soupçonner de voir là l’habituelle rhétorique de AFA, organisme de lobbying de l’U.S. Air Force.)
En chiffres bruts, le budget du Pentagone nécessiterait immédiatement 20% d’augmentation pour simplement faire face à tous les coûts internes de la machine de guerre US, sans prendre en compte les dépenses de guerre en Afghanistan et en Irak. C’est-à-dire qu’à $480 milliards, le budget du DoD atteindrait un niveau à peine “raisonnable”. Qu’écrirait alors l’éditorialiste du Guardian ?
Extraits de Air Force Magazine :
« Defense budgets are going to have to get about 20 percent bigger just to keep the US military from shrinking, according to the Congressional Budget Office. Half of that increase is needed to cover recently enacted hikes in pay and benefits, while the other half is needed to replace equipment which is getting too old.
» The level of spending that is required just to maintain the status quo is “20 percent higher than current funding”—excluding the costs of contingencies such as Afghanistan and Iraq—and 10 percent higher than the peak of military spending during the so-called Reagan buildup of the 1980s, according to CBO director Douglas Holtz –Eakin.
» In October testimony before the House Budget Committee, Holtz–Eakin said the Pentagon needs some $44 billion more budget authority each year to cover “substantial increases in future purchases of equipment and weapons to fill the gap created by the ‘procurement holiday’ of the 1990s,” as well as to invest in new systems and technologies.
» If the money is provided, the Pentagon “will eventually be able to halt or reverse adverse aging trends associated with much of its current equipment.” »
Dans le monde non-américain et non-pentagonesque, les admirateurs éperdus (type experts européens de l’OTAN) autant que les dénonciateurs de l’effort budgétaire américain de défense se réconcilient sur une chose : une totale incompréhension de la signification de ce budget. Ils n’ont pas compris que la hauteur du budget du DoD n’et pas un signe de la puissance US mais un signe de la crise US. Le budget du DoD alimente la plus formidable montagne bureaucratique de gâchis et de gaspillage, la plus extraordinaire incapacité de gestion de l’époque moderne. Ils n’ont pas compris que lorsqu’un seul bombardier (le B-2) coûte au contribuable $2 milliards officiellement (entre $4 et $6 milliards officieusement), ce n’est pas une marque de puissance mais une marque d’une si complète absence de capacité de gestion qu’elle conduit à l’impuissance. Cette impuissance se reflète évidemment au niveau opérationnel
On ajoutera que, pour être vraiment “sérieux”, c’est-à-dire envisager des forces armées US capables de mener autre chose que les seules opérations en cours en Afghanistan et en Irak, et conduire des initiatives nouvelles, il faudrait envisager entre $550 et $600 milliards par an. C’est la thèse des 4% et plus du PNB consacrés aux dépenses militaires. C’est une thèse comptable qui ne peut être contestée. Dans la réalité, ce serait nécessairement autre chose : l’afflux massif d’argent ne ferait qu’accroître la tendance au gâchis et au gaspillage, c’est-à-dire vers l’impuissance. Disant cela, on ne fait que mesurer la profondeur de la crise bureaucratique US, d’ailleurs dénoncée par Rumsfeld dans son discours fameux du 10 septembre 2001, — la veille du lendemain...