Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
560
1er mars 2004 — Dans l’imbroglio des écoutes téléphoniques et autres des Britanniques, en connexion avec la guerre d’Irak et la politique d’alignement sur les USA, il y a le cas particulier des soi-disant écoutes du président français Jacques Chirac. Le quotidien The Independent revient, le 28 février, sur la question des accusations d’espionnage britannique direct du président français Chirac. Cette question, déjà mise en évidence par une “manchette” très inhabituelle du Financial Times le 26 janvier, devrait être évoquée publiquement cette semaine.
« Tony Blair will be challenged next week over allegations that he received British intelligence reports about the private conversations of Jacques Chirac in the approach to the Iraq war. Labour MPs will press the Prime Minister about a claim in a new biography which says he received “snippets of the French President's private conversations” when France and Britain were in dispute over the prospect of military action. Mr Blair accused President Chirac of scuppering a second United Nations resolution authorising a war.
» Philip Stephens, a political columnist at The Financial Times, says in his book: “Blair came to believe, partly on the basis of reports from British intelligence, that the dispute over Iraq was, in fact, a proxy for a much more serious contest.
» “Chirac, these reports said, had decided that Blair had usurped his own position as the natural leader of Europe. It was time for the French President to reassert himself and clip the wings of perfidious Albion. In other words, this feud was personal as well as political.” »
L’affaire était apparue une première fois le 26 janvier, par le biais d’un fait journalistique très inhabituel : une manchette du Financial Times ((FT) sur la présentation d’un livre, — “Tony Blair”, par Philip Stephens, un collaborateur du FT. Certains passages étaient donc présentés, ce 26 janvier dans le FT, en pré-publication. (Le livre de Stephens vient de paraître, trois semaines après la présentation du FT.)
Il est en effet très inhabituel que le FT fasse sa première information, non sur un événement du monde mais sur un livre, et sur une révélation de ce livre (les écoutes de Chirac). Le fait que Stephens soit un collaborateur du FT ne justifie pas ce choix technique de la “manchette”. Manifestement, il y avait intention technique de frapper le lecteur, de captiver son attention ; vu le contenu, il y avait intention politique très forte. Lorsqu’on connaît les positions du FT, adversaire de toute Europe politiquement forte, de toute initiative de défense européenne, donc de tout lien franco-anglais avec de possibles conséquences politico-militaires au niveau européen, l’hypothèse de l’intention politique se trouve évidemment dans une intention d’envenimer les relations Blair-Chirac au moment où Blair se rapproche de l’Europe et forme un “triumvirat” avec les Français et les Allemands. Tout cela est très logique bien que le procédé journalistique soit bien peu dans les habitudes du FT ; tout au plus pourra-t-on y distinguer un certain sens de l’urgence, correspondant à l’intensité de la situation aujourd’hui, et aux craintes américaines (le FT reflète tout cela) d’une Europe indépendante et forte.
Sur le fait même : y a-t-il eu espionnage ? Nous ne répondons pas mais nous contentons de dire que ce serait bien possible, dans tous les cas dans la tentative, tant les Britanniques ont eu (et ont encore, par instants) un comportement hystérique derrière leur attitude policée. Ils étaient pris au piège d’une guerre absurde au nom d’une politique d’alignement servile qui va contre tous leurs penchants. Leur activité d’espionnage débridée va bien dans le sens de ce climat, aussi bien que l’effarant climat anti-français qui se répandit à Londres après l’annonce du veto français, en mars 2003. « Ce serait tellement plus facile si le vote à propos de la guerre était à propos de la guerre avec la France », disait alors un proche de Blair, humoriste d’occasion. Là-dessus, sur l’hystérie on veut dire, un peu de paranoïa pour saupoudrer (Chirac veut la peau de Blair) fait l’affaire.
Comme conclusion, ceci : s’il y a eu espionnage, on se demande à quoi cela a servi, lorsqu’on voit les conclusions qu’en tirèrent les Britanniques, et les erreurs d’évaluation qu’ils firent de la position française. Il est instructif de relire le texte de Charles Grant sur cette période, et relire ci-après ce qu’il dit de l’évaluation britannique de la position française.
« The government also thought it unlikely that the French would dare to veto the resolution. Of course, it is easy to be wise after the event and if Germany and Russia had not remained firmly in the French camp, Chirac might have hesitated before threatening a veto. However, I made a trip to Paris at the end of January and I went to see several senior figures in the French administration who know me well enough to speak very frankly. They all assured me that Chirac was determined not to allow the passage of any UN resolution that gave diplomatic cover for war in Iraq. It was evident from these conversations that Chirac was not listening to the advice of some of his key officials, who were counselling a more cautious strategy.
» Shocked by what I had heard, I wrote a short note to some of my Whitehall contacts, explaining that I could see no chance of Chirac softening his line on a second resolution. Some British diplomats shared my view, but the government as a whole continued to believe for at least another month that the French would become more flexible. »