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384Ex-icône, comme l’on dit, de ce qu’Hollywood a de pire dans le domaine du décervelage par l’image et la violence postmoderniste, personnage souvent décrié pour ses caractères de cynisme et de violence, républicain pur et dur à la sauce hollywoodienne, puis soudain propulsé en politique comme gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger quitte cette fonction en janvier prochain. (Il ne pouvait se représenter, ayant accompli les deux termes légaux.) “Shwarzy” a atteint une renommée internationale dans son action pour la lutte contre le réchauffement climatique, contre la crise climatique et la crise environnementaliste, faisant de la Californie un des “pays” leaders en cette matière. Sa formidable impopularité au niveaux économique et social (autour de 20% de faveur dans les sondage) dans une Californie économiquement dévastée qui mesure son échec en cette matière, explicable en partie bien sûr par la crise générale, contraste avec la formidable popularité de sa “révolution verte” en Californie (une loi revenant sur les normes anti-pollution, soumise au scrutin populaire par les groupes industriels pétroliers et autres, a été défaite en Californie, le 2 novembre, par une énorme majorité).
Schwarzenegger entend avoir un avenir. Il est la cheville ouvrière du “R20”, sorte d’équivalent du G20 pour la lutte contre la crise climatique. Deux textes éclairent le personnage et, surtout, le paradoxe qu’il illustre, – notamment, Schwarzenegger, républicain bon teint, par contraste avec la position du parti républicain sur cette question climatique. Son cas est parfaitement illustratif de la situation actuelle, – suggérant d’autant des voies inédites de résistance contre le système (ce point, sujet de notre commentaire ci-dessous).
• Dans Huffington.Post, le 18 novembre 2010, il présente le bilan de son action, considérable en Californie, l’un des premiers “pays” au monde dans la lutte contre la crise climatique. (D’une façon significative, en citant des exemples d’autres régions et pays qui tiennent une place exemplaire dans cette lutte contre la crise climatique, Schwarzenegger cite deux pays : la Norvège et la Chine.) On se concentre dans cet extrait sur la bataille autour de la proposition de loi du 2 novembre, qui place Schwarzenegger indirectement en opposition frontale au système.
«Over the last several months an epic battle has played out right here in our state leading up to the elections. It was a battle of the old economy versus the new; of David versus Goliath. The same set of polluting special interests that blocked international action in Copenhagen and strangled environmental legislation in Washington descended on California to try to overturn our landmark legislation – Assembly Bill 32 – to curb carbon emissions and promote a clean energy future.
»They rightly feared that, as the world's eighth largest economy, California's size and global presence has the clout to shape environmental change around the world. We may only be a little spot on the planet, but California, as a bellwether state and outpost of innovation, has the influence of an entire continent. They thought that if they could crush the green momentum in California like they did in Copenhagen and Washington, they could take any serious action on energy and the climate off the public agenda.
»They spent scores of millions trying to convince Californians that a vote for the environment was a vote against jobs, that a clean energy future would just be too costly. Of course, they cared little about jobs and more about fattening their wallets by peddling dirty energy.
»In the end, Californians rejected their cynical ploy by a huge 22 percent margin. Despite the propaganda, Californians were aware that green technology is the only area of our economy creating new jobs right now – 10 times more jobs since 2005 than any other sector.
»And Californians know the true costs of dirty energy. They know that 19,000 people are dying in California alone because of smog-related illness, costing many millions in health care. They are burdened by the costs of wars to secure foreign energy supplies. No one wants to fight another war over oil. Enough already.
»So Californians pushed back. We formed a tremendous bipartisan coalition – environmentalists, venture capitalists, health groups, businesses big and small, unions, farmers, Democrats and Republicans. Everyone came together. Never before have voters had such a clear and distinct choice over whether to maintain the status quo of pollution and war or fight climate change and shift toward a new economy built on clean energy.
»Californians lived up to their reputation of choosing the future over the past. We delivered a message that failed to arrive in Copenhagen or Washington: The environment is not for sale.»
• Dans le Guardian du même 18 novembre 2010, Schwarzenegger parle de son avenir et du R20, qu’il veut installer comme un vrai concurrent du G20 pour la crise climatique, et dont il a annoncé le lancement à un sommet en Californie où se trouvaient diverses personnalités, dont une délégation officielle chinoise. La formule du R20 est de mélanger des autorités de divers échelons, locaux, régionaux et nationaux, selon leur place dans la lutte contre la crise climatique... «In what is likely his last performance on a world stage as governor, Schwarzenegger this week launched the R20 climate network, an alliance of regional leaders who have pledged to work together to fight climate change. Schwarzenegger is the “founding father” of the new venture, a self-appointed global champion in the war against climate change. […] After this week's launch, the next stop is Cancun, where aides say the R20 will hold a side event at the UN climate summit. Then there is the prospect of another star turn for Schwarzenegger, who is thinking of putting in an appearance at Davos, the talking shop of the global elite. Then he will see where the R20 takes him.»
@PAYANT Schwarzenegger n’a rien à voir, dans son action, avec Al Gore. Le second, Al Gore, a choisi uniquement la puissance du système de la communication, s’appuyant sur sa notoriété (ancien vice-président, puis Prix Nobel, etc.) et posant des actes de communication ; ces actions ont eu un écho formidable, ce qui a été leur principale force sans aucun doute en suscitant une mobilisation importante, mais avec le défaut de l’absence de continuité et de durée structurée ; par ailleurs, nombre de ces mêmes actions furent critiquées, également la forme de ces actions elle-mêmes en général, selon des critiques venues d’horizons diamétralement opposées, ou bien scientifiques, ou bien industriels et de corruption ; enfin et surtout, le personnage lui-même (Al Gore) et ses motifs ont été fortement mis en question (soupçons du goût pour la publicité, soupçons de vénalité, notamment).
Ce dernier point, la vertu et les motifs des acteurs impliqués, dont Al Gore est un exemple et dont Schwarzenegger est un autre exemple, n’est pas notre problème et ne doit être vu que comme un problème complètement, absolument secondaire, sinon anecdotique et marginal. Dans l’immense bataille que constitue la crise finale d’effondrement en cours, nous n’avons pas à nous occuper de la vertu et des motifs des acteurs divers, aspect qui est une diversion de l’essentiel, dans une situation où les courants historiques sont d’une puissance infiniment supérieure aux calculs, vertus et vices des “acteurs divers”, et peuvent pousser certains d’entre ces acteurs à accomplir des actions intéressantes et objectivement “vertueuses” (ou disons, structurantes), même s’ils sont jugés assez justement selon les références habituelles de notre morale pour les temps apaisés comme détestables et sans guère de vertu. Cet aspect, l’attaque ad hominem, est en général le moyen, toujours selon le principe de la diversion ou de la déflexion du fondement, qu’affectionne le système pour bloquer des actions générales qu’il craint ; et l’action contre la crise climatique, dont la logique conduit en son extrême à la mise en cause fondamentale du système dans ses fondements métahistoriques pour lui autant que vénaux et idéologiques pour ceux qui le servent, en est une.
Schwarzenegger est donc, également, un bon exemple d’un personnage de peu d’intérêt finissant par épouser une cause très intéressante pour la résistance contre le système, une cause structurante à plusieurs égards. Là aussi, les causes et les motifs humains personnels de l’engagement de cet homme, – dans lesquelles les plus basses doivent côtoyer certaines autres d’une certaine valeur, peut-être par inadvertance cette valeur mais qu’importe, – ces causes et motifs n’ont pour nous aucun intérêt, toujours par refus du piège de la diversion et de la déflexion, pour nous en tenir résolument à l’attaque contre l’“ennemi principal”. (Et Dieu sait s’il est visible, énorme, colossal, cet “ennemi principal” ! On n’en vit jamais de plus colossal.) Là où Schwarzenegger lance une action “structurante à plusieurs égard”, il s’agit d’abord du sens de la lutte contre la crise climatique, d’une façon où, depuis son expérience californienne, cette action se heurte à une résistance et à des contre-attaques déterminées des forces industrielles corruptrices (pétroliers surtout) qui représentent une des forces fondamentale du système ; cela revient à une action de Schwarzenegger qui se fait aussi bien, volontairement ou non qu’importe, contre le système dans sa finalité prédatrice et dans ses forces vives. D’autre part, avec son drôle de R20, il lance une initiative qui tend à déstructurer l’habituel réseau de l’ensemble des directions politiques dont on connaît la complicité objective avec le système, par faiblesse de la psychologie et par confusion, en morcelant les acteurs invités en divers niveaux inhabituels, – certains nationaux, certes, mais aussi des acteurs régionaux et locaux, jusqu’à des entités urbaines en tant que telles (aux USA, la ville de New York). De ce fait, il écarte les forces écrasantes du système dans leur organisation en tant que telles, et notamment le centre washingtonien… L’intérêt de la Chine pour cette initiative est évidemment intéressant et confirme ce que nous écrivions le 15 novembre 2010 à ce propos. Une délégation officielle du gouvernement chinois était présente à la réunion de lancement du R20 mais elle n’a pas signé de documents l’engageant à cet égard, selon la politique chinoise que nous avons signalée dans le texte référencé. Par contre, les Chinois n’ont pas tari d’éloges sur l’initiative de Schwarzenegger. Donc, que vive le R20 de Schwarzenegger, si c’est possible, – et, à cet égard, tous les possibles sont envisageables, de l’échec complet au succès inespéré, – tout cela, ces tentatives et leurs incertitudes, étant le lot de la bataille en cours qui ne se résoudra pas en un seul engagement.
Il ne faut cesser de répéter que la personnalité de cette sorte de personnages tel qu’un Schwarzenegger n’a qu’un intérêt secondaire pour le jugement qu’on doit faire de son action. Nous sommes trop habitués à juger en termes de sapiens comme acteurs centraux des événements, et en termes d’étiquettes, idéologiques ou autres, collées sur ces mêmes sapiens, comme si leur importance soi disant déterminante pouvait ainsi être jugée, et l’orientation de cette importance supposée, appréciée justement. Il s’agit d’“acteurs secondaires”, les sapiens, des “acteurs de complément”, dans un affrontement qui les dépasse entre des forces colossales qui sont d’un autre ordre que l’activité humaine, – les forces du système du “déchaînement de la matière” et des forces historiques qui s’opposent désormais aux premières. A la limite, et quant au rôle du sapiens, les observateurs de la bataille ont plus d’importance que ceux qui s’y trouvent comme acteurs, pour déterminer l’évolution des événements et bien distinguer l’essentiel de l’accessoire, et dans quel sens il faut œuvrer dans le cadre de l’utilisation subversive (contre le système principal) du système de la communication dont on sait l’ambiguïté contradictoire à cet égard. Par conséquent, quelle que soit l’antipathie éprouvée à son encontre (comme c’est souvent le cas), Schwarzenegger joue aujourd’hui un rôle très utile et un rôle objectivement structurant. Lui, l’icône de l’“hollywodisme” le plus bas, l’archétype du virtualisme américaniste le plus violent et le plus grossier, devient dans cette occurrence un très précieux allié. Peut-être même que, dans le secret de son âme, – car il doit en avoir une, Schwarzenegger, – l’acteur devenu gouverneur, puis en passe de devenir devenu défenseur institutionnel de la structure du monde, éprouve-t-il le vertige d’une esquisse de vertu vraie. Il ne faut jamais désespérer…
Mis en ligne le 18 novembre 2010 à 11H31