Le cas Wolfowitz, revu par Maistre

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On sait que l’affaire Wolfowitz est une excellente illustration des problèmes systémiques de notre civilisation. C’est aussi un problème humain. Le mélange des deux nous intéresse.

Nous nous référons à un lecteur (intervention de “Erem”, en date du 16 avril sur le “Forum” de notre “F&C” du 13 avril), qui signale son désaccord avec notre conception. Pour lui, d’après ce que nous comprenons, les hommes comptent beaucoup, jusqu’à élaborer des complots qui bouleversent l’Histoire. Nous tenons la thèse inverse et nous y maintenons, savoir que la logique systémique et la puissance du système sont si grandes qu’elles conduisent les affaires et tous les processus ; aux hommes d’y figurer en faisant croire qu’ils l’influencent, certains en y croyant par médiocrité de caractère, certains par opportunisme, par lâcheté du caractère, — du type “celui que je ne peux étouffer je l’embrasse”.

Cette époque, — la nôtre, — est une époque de médiocrité avérée des hommes, notamment pour le cas qui nous intéresse, des élites. C’est une époque semblable, pour le comportement et la situation, à celle de la révolution française décrite par Joseph de Maistre :

«On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes la mènent. Cette observation est de la plus grande justesse... [...] Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n’y entrent que comme de simples instruments; et dès qu’ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement.»

Les “scélérats” décrits par Maistre sont les médiocres dont nous parlons. Cela ne signifie pas qu’ils soient des imbéciles. Leur médiocrité est celle du caractère. Wolfowitz est un homme intellectuellement brillant mais un médiocre caractère ; c’est avéré, car il faut cela pour céder à la vanité de son propre brio intellectuel, refuser la réalité, manipuler l’interprétation des événements et les événements eux-mêmes pour protéger l’apparence, tromper les autres à son profit dans de basses manœuvres bureaucratiques et ainsi de suite. Si Wolfowitz prétendait interrompre la marche du système qu’il sert de façon si zélée, avec le caractère dont la nature l’a doté il “tomberait ignoblement”. Simplement, ce ne serait pas l’échafaud mais une sinécure sans influence ; peut-être certains considéreront cela comme un progrès, — nous trouvons que c’est là une matière à discussion. Wolfowitz, lui, préfère le poste de directeur plantureux de la Banque Mondiale où il poursuit sa collaboration aux œuvres du système, en habillant son entêtement actuel à y rester d’arguments politiques ; preuve ultime si besoin en est de sa médiocrité.


Mis en ligne le 16 avril 2007 à 09H54