Le chaos irakien, ou le “sparadrap anglo-saxon”

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Le chaos irakien, ou le “sparadrap anglo-saxon”


25 avril 2005 — La crise irakienne comme “sparadrap” dont on n’arrive pas à se détacher, selon la fameuse anecdote du capitaine Haddock. Il s’agit sans aucun doute d’une catastrophique spécialité anglo-saxonne.

Deux nouvelles sur le front intérieur.

Constat irakien (des Américains): la violence est de retour. Après des palinodies extraordinaires et nombreuses pour nous convaincre que tout est fini, on admet que rien n’est fini bien que l’on tente de se convaincre officiellement que cela n'est pas si grave, au prix de contorsions extraordinaires. Les faits, eux, montrent simplement que la situation est très préoccupante au point où l’on (re)commence à s’en préoccuper à Washington.


« Violence is escalating sharply in Iraq after a period of relative calm that followed the January elections. Bombings, ambushes and kidnappings targeting Iraqis and foreigners, both troops and civilians, have surged this month while the new Iraqi government is caught up in power struggles over cabinet positions.

» Many attacks have gone unchallenged by Iraqi forces in large areas of the country dominated by insurgents, according to the U.S. military, Iraqi officials and civilians and visits by Washington Post correspondents. Hundreds of Iraqis and foreigners have either been killed or wounded in the last week.

» “Definitely, violence is getting worse,” said a U.S. official in Baghdad, who spoke on condition of anonymity. “My strong sense is that a lot of the political momentum that was generated out of the successful election, which was sort of like a punch in the gut to the insurgents, has worn off.” The political stalemate “has given the insurgents new hope,” the official added, repeating a message Americans say they are increasingly giving Iraqi leaders. »


Autre point où tourner notre attention: l’Irak au Royaume-Uni, ce n’est pas fini. Tony Blair croyait en être quitte, il avait préparé une campagne électorale aux petits oignons, où l’on parlerait de croissance, d’espérance sociale, éventuellement des grands défis du temps (réchauffement climatique). Patatras, ça n’a pas marché!

Désormais, Blair est confronté à la menace que l’Irak s’installe au coeur de la campagne, alors qu’on se trouve à deux semaines du scrutin.


«  The Liberal Democrats and Conservatives launched a two-pronged attack on Tony Blair yesterday [24 April], accusing the prime minister of having undermined trust in politicians and lied over the Iraq war. Labour was last night braced for the prospect that the war could be a key issue in the closing stages of the 2005 election campaign, after hints that the attorney general's legal advice will finally become public.

» The Mail on Sunday published a summary of what it claimed was Lord Goldsmith's 13-page assessment of the legal pros and cons of the US-led invasion in March 2003, which Mr Blair backed with British troops despite widespread domestic opposition.

» Blair aides dismissed the claim. ''There's nothing new to this story,'' said one. But it prompted both main opposition leaders to renew their attacks. Charles Kennedy demanded that the government bow to the inevitable and show how it became involved in what he called ''a dreadful error, carried out on the basis of the wrong arguments and for the wrong reasons''.

Mr Kennedy will today attempt to raise the profile of the Iraq war in the election campaign by calling for a full public inquiry into the way the decision to commit troops was taken. Arguing that ''the British people won't allow it'' to be sidelined as an issue, the Lib Dem leader will set out his belief that the 2003 war was illegal, and that Mr Blair's conduct ''has undermined trust in government''. In view of the Mail on Sunday's report he will argue that the issue will ''not go away'' until Lord Goldsmith's legal advice is published in full.

» The Conservatives, previously cautious on the issue in light of their official support for the war, also stepped up the attack. Interviewed on BBC1's Breakfast with Frost, Mr Howard accused the prime minister of having lied, and he urged voters to make the poll a judgment on his character. »


Ces situations sont à la fois étonnantes et consternantes. Des deux côtés, américain et britannique, on s’était impliqué complètement pour vendre l’histoire d’une fin démocratique et émouvante du conflit irakien.

(Pour certains, d’ailleurs, le fait d’avoir pu organiser les élections le 30 janvier est déjà une immense victoire en soi. On n’imagine pas sornette plus considérable, quand on songe à la situation de départ et la popularité acceptable des Américains en Irak en avril 2003, dans tous les cas l’absence initiale de résistance sérieuse. Des élections auraient parfaitement pu être organisées en mai ou juin 2003. C’était d’ailleurs l’intention du premier ‘pro-consul’ US, le général Jay Gardner. Il en fut empêché par les idéologues-intellectuels de Washington, qui voulaient d’abord laisser s’approfondir le ‘désordre créateur’ pour mieux déstructurer le pays et y installer les structures hyper-capitalistes et hyper-démocratiques. Le résultat est convaincant.)

Aujourd’hui, le lapin irakien ressort pour s’imposer à nouveau dans les agendas intérieurs.

• Pour les Américains, cela paraît moins grave, un peu de virtualisme là-dessus et il n’en paraîtra pas trop. Pourtant… la poursuite de la violence confirmera la contrainte pesant sur les troupes US, écartant d’éventuels projets de réduction des forces ; elle pourrait conduire à forcer à envisager la pire des choses au niveau intérieur (pour la stabilité de l’administration GW et le soutien à sa politique): le retour de la conscription. (Lisez le texte de Niko Kyriakou du 23 avril, sur Antiwar.com: il fait mesurer la gravité de la situation à cet égard.)

• Pour les Britanniques et Tony Blair, c’est la malédiction qui continue. Le PM britannique a hypothéqué la totalité de sa politique et sa popularité pour une aventure qui s’avère catastrophique en tous points et représente, pour l’armée britannique, le plus formidable gaspillage de ressources qu’on puisse imaginer. (C’est tout l’avenir de la puissance militaire britannique qui est érodé par l’affaire irakienne.) Le retour obstiné de la polémique irakienne sur la scène intérieure britannique est une bonne mesure du désarroi intérieur britannique actuel.