Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
618
29 juin 2003 — La vie politique londonienne est devenue passionnante à suivre, avec des rebondissements, des auditions, des révélations, de nouvelles batailles qui s’ajoutent à celles en cours, etc. C’est une situation sans précédent, où l’intensité de l’avant-guerre, des mois de janvier à mars, est en train de le céder à celle de l’après-guerre. Depuis la mi-mai, Londres, les Communes, le gouvernement, la presse vivent au rythme de la question des WMD irakiennes (celles qu’on ne trouve pas) et, au-delà, de la grande question qui ne cesse d’être remise d’actualité à mesure des incidents en Irak et des pertes subies là-bas (notamment la mort de 6 soldats britanniques cette semaine) : pourquoi le Royaume-Uni est-il parti en guerre contre l’Irak ?
Le rebondissement de cette semaine, c’est bien sûr l’apparition sur le devant de la scène du conseiller spécial de Tony Blair pour les communications, Alastair Campbell, l’homme qui s’occupait de l’“exploitation publique” des dossiers sur l’Irak que lui fournissaient les services de renseignement. Campbell est venu témoigner devant la Commission des affaires étrangères des Communes, qui enquête sur les WMD irakiennes. Campbell a reconnu certaines de ses erreurs mais il a violemment contre-attaqué sur un point, en mettant directement en cause un journaliste de la BBC, Andrew Giliggan. La BBC a riposté en prenant fait et cause pour son journaliste, puis Giliggan lui-même menace de porter plainte, en précisant qu’il est complètement soutenu par sa direction. L’affaire irakienne se double donc d’un conflit entre la BBC et le gouvernement. Ce conflit pourrait venir devant les tribunaux où, pour la première fois, on examinerait d’un point de vue juridique certaines conditions de l’entrée en guerre.
Toute la presse londonienne est derrière cette affaire aux multiples aspects (The Independent de ce jour donne un des meilleurs résumés de la situation). Cette multiplicité est elle-même garante de nouveaux épisodes à venir, pour la publication de tel rapport (celui d’une Commission secrète des Communes sur le renseignement) ou de tel autre (celui de la Commission des affaires étrangères des Communes), pour les suites de la bataille entre le gouvernement (Blair et Campbell) et la BBC, avec les excuses publiques demandées par l’une et l’autre partie, et/ou la plainte du journaliste Andrew Giliggan, voire pour les suites éventuelles de révélations d’un ancien haut fonctionnaire américain, qui viennent d’être publiées.
Une certitude qui apparaît chaque jour est que, malgré les incidences diverses, l’attention demeure portée sur la question centrale des causes de la guerre, et notamment des WMD. L’intention de Campbell, en attaquant la BBC, était-elle de détourner l’attention ? (Ce n’est pas sûr, il y a aussi des questions personnelles dans cette affaire.) Au contraire : la bataille BBC-Campbell a élargi le champ de la bataille mais c’est toujours la même bataille. Chacun songe continuellement à rappeler la question centrale. The Independent écrit :
« There is, however, a third way of looking at the whole debacle, which could be called “the Robin Cook way”. Mr Cook, who has established himself as the most incisive critic of the Iraq war, has had nothing to say in public about the more entertaining but less significant war, between Mr Campbell and the broadcasters. He is said to be privately irritated with the BBC for making too much out of something that may not be true and is not the main issue. “For me, the real issue is that we were told things as a justification for war which have plainly turned out to be wrong since the war was over,” Mr Cook said on Friday.
» He has compiled a list of claims made by the Government before it went to war, all of which remained unproven, including that Iraq had rebuilt its chemical weapons factories, was developing nuclear weapons, and was trying to buy uranium from Africa. All were in the definitive government document of last September, which Mr Blair and his communications director still insist was accurate, which was based on what the intelligence services said, and which provided the justification for war. “All of those were in the September dossier,” said Mr Cook. “All of them were wrong.” »
Chaque jour qui passe fait s’interroger sur le calcul qui a poussé Tony Blair à épouser la cause de ce conflit jusqu’à en perdre toute mesure, on le constate aujourd’hui dans les conséquences de son action dans la vie publique londonienne, dans son parti, dans la presse. Le gouvernement est paralysé et chaque jour affaibli. Ce qui est vanté comme un facteur de puissance et de stabilité pour le Royaume-Uni — l’alignement sur les USA — s’avère être un irrésistible facteur de désordre. Comme si la capacité de l’Amérique à installer le désordre partout où elle intervient valait aussi pour la situation interne de ses alliés. Blair est toujours Premier ministre, mais dans quel état, et avec quelles perspectives ?
Pour l’immédiat, des menaces graves de nouvelles déstabilisations existent.
« The stakes are extremely high for both sides and it is hard to see how this can be resolved without major damage to one side or the other. Much now hangs on the findings of the foreign affairs select committee. And again, it is widely hoped in Westminster that whatever may be decided in the Campbell and BBC row, that is not allowed to detract from the committee's wider findings on the pre-war conduct of the government.
» It may not be that simple, of course. There is a separate inquiry being carried out entirely in private by the security and intelligence committee, which reports directly to Tony Blair who has the power to amend its findings. What is feared is that the two committees either fail to come to conclusions that will allow a definitive resolution of the row or that they contradict each other.
» That would almost certainly lead to more powerful demands for a full judicial inquiry. This extraordinary affair has some way to run yet. »