Le charme paradoxal de “Sarah who?”

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Ils commencent tous à connaître son nom, vous aussi peut-être, nous pas encore vraiment, — c’est donc encore, pour nous, dans un mouvement final de coquetterie, “Sarah who?”…

Mais trêve d’ignorance affectée, il s’agit bien de Sarah Palin, l’étrange co-listière de John McCain. Tout le monde en ricanait déjà, lorsqu’on annonça le choix de cette inconnue dont la sélection ne laisse pas d’être intrigante. Pourtant, maintenant que la convention républicaine est terminée et tout le monde en place pour la bataille finale, il s’avère que Palin en fut l’inattendue vedette, en plus de la vertu extraordinaire révélée par l’annonce que son fils ainé, qui est soldat, va être envoyé en Irak. Le journal The Scotsman résume assez bien, aujourd’hui, cette surprenante convention.

«“He's no Sarah Palin,” was the consensus among Republicans streaming out of their party's convention after Mr McCain's underwhelming speech.

»On Thursday, Mrs Palin, who was a surprise choice for the vice-presidential nomination, wowed the convention with a blistering speech in which she described herself as “a pitbull”.

»And, in a move that is likely to further bolster her appeal with the right, it emerged last night that Mrs Palin's oldest son, Track, 19, is to serve in Iraq. Beau Biden, the son of Democratic vice-presidential candidate Joe Biden, is also set to serve in the country.»

En effet, poursuit le journal écossais, McCain fut mauvais comme un cochon. La description du discours du candidat républicain à la présidence vaut la lecture. Il rejoint assez bien, selon ce que nous en voyons, le comportement même du candidat républicain, dans les divers reportages télévisés faits sur lui. McCain, d’habitude pétulant, emporté, sûr de lui, apparaît gauche, emprunté, sur la défensive ou sur la réserve c’est selon. Il semble se trouver là sans comprendre très bien ce qu’il y fait et ce qu’il doit faire.

«Traditionally, convention speeches let US presidential candidates make a pitch to the nation, but Mr McCain's efforts seemed rambling and incoherent. He based his appeal on his time as a fighter pilot and prisoner of war in North Vietnam, telling voters: “I fell in love with my country when I was a prisoner in someone else's.”

»As a result, he said, his would be a non-ideological presidency aimed at problem-solving. “Again and again I've worked with members of both parties to fix problems,” he said. “That's how I will govern as president.” But that failed to give voters a clear idea of where he stands on any of the key issues. “McCain took a scattershot approach that had me looking for themes,” moaned Michael Goodwin, a New York Daily News columnist. “I didn't find any.”

»The 72-year-old senator also promised that he would clean up a rotten political establishment, saying: “Let me offer an advance warning to the old, big-spending, do-nothing, me-first-country-second Washington crowd: change is coming.” Mr McCain's main problem is that, after 26 years in the Senate, he is part of that establishment, currently run by a Republican president.»

…Tout de même, l’observation que McCain fut “mauvais comme un cochon” est peut-être exagérée. Disons qu’il fut contraint, comme il l’est désormais dans cette campagne, à tenir un rôle à contre-emploi. Lui, le maverick, le sénateur qui joue à l’indépendant (même vis-à-vis de son parti), à l’esprit libre, est désormais contraint de présenter l’image d’un candidat consensuel, un “rassembleur” à-la-Obama, tout en suivant aussi strictement les consignes de conformisme du système. Ce contre-emploi difficile est effectivement accentué par les contradictions internes du personnage ; effectivement, il s’agit notamment et surtout du candidat qui dénonce l’establishment et ses mœurs dissolues vis-à-vis des forces corruptrices, comme le sénateur McCain a toujours fait, alors que ses liens avec de nombreux lobbies sont archi-documentés.

A côté de cela, Palin apparaît plutôt fraîche et joyeuse, d’autant qu’elle a toute latitude pour déchaîner une rhétorique d’extrême droite du parti, d’ailleurs sans se forcer puisque c’est sa tendance. Son rôle est effectivement de verrouiller l’électorat chrétien ultra, qui forma la base électorale de GW Bush. Comme GW, nous apprenons qu’elle est guidée par Dieu, malgré les divers scandales et polémiques qui commencent déjà à fleurir autour de sa personne. Il reste que Palin devra tout de même s’informer sur ce qui se passe dans le monde, notamment avant son débat télévisé face à le co-listier d’Obama, Joseph Biden, un spécialiste de la politique extérieure, le 2 octobre prochain (selon Michal Isikoff, de Newsweek, le 2 septembre: «The McCain team has hastily assembled a team of former Bush White House aides to tutor the vice-presidential candidate, Alaska Gov. Sarah Palin, on foreign-policy issues, to write her speeches and to begin preparing her for her all-important Oct. 2 debate against Sen. Joe Biden»).

Cette paire républicaine est assez surprenante et inédite en ce sens qu’elle est complètement reconstruite à partir des consignes de la communication du parti. McCain “reformaté” en rassembleur, Palin qui aurait été sélectionnée et choisie selon une recherche de profil par ordinateur, ce qui conduisit à ces rocambolesques conditions de rencontre entre le candidat président et la candidate vice-président désignée par ordinateur. On évitera de faire des pronostics sur les conditions d’entente, de coopération et de coordination, sans parler des rapports entre les deux s'ils l’emportent. Les candidats sont aujourd’hui complètement des créatures fabriquées par le parti, c’est-à-dire l’establishment, y compris quand ils préexistent à cette fabrication, qui devient ainsi une reconstruction du comportement, et peut-être du caractère.


Mis en ligne le 6 septembre 2008 à 17H16