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805Dans la grande bataille pour les dépenses militaires confrontées à des perspectives de réduction, dont on a vu ce même 20 août 2011 l’aspect officiel et celui des analystes de défense, on s’attache maintenant au côté industriel, ou dit en d’autres termes l’aspect du complexe militaro-industriel (CMI). A cet égard, il s’est passé un fait important, que nous détaille Colin Clark, de AOL.Defense.com, du 15 août 2011. Clark nous montre que, pour la première fois, les grandes compagnies d’armement se sont regroupées en une seule “entité” de circonstance, pour unir leurs forces contre les circonstances difficiles (pour elles) de la fin de l’année (le “Super Congrès”). C’est une première, souligne Clark, en citant plusieurs interventions à cet égard, en même temps que l’ouverture d’un site “commun” au CMI pour cette campagne, www.SecondtoNone.org. (L’expression “Second to None” caractérisant le vœu des partisans de la puissance militaire US : que cette puissance ne soit “la seconde de personne”, donc la première, point final.)
Tout cela nous dit certaines vérités sur notre classification courante concernant le CMI aussi bien que le Corporate power, comme des forces puissances, intégrées et coordonnées. Au contraire, l’habitude est que tous les composants de ces forces bataillent dans le mode “chacun pour soi“, sans soucis d’éventuels intérêts communs ; c’est une limite très importante qu’il faut toujours avoir à l’esprit pour définir ce phénomène du CMI et, d'une façon plus générale, le corporate power… Il n’y a pas réellement de corporate power, parce que l’essence même du fonctionnement de l'entité corporate est la désunion par concurrence féroce.
Soit… Quoi qu’il en soit, nous voilà dans le cas rarissime de l’exception qui confirme la règle. Ce qui confirme également l’importance considérable de la crise actuelle (“Super Congrès” pour les budgets, les bénéfices, les capacités, etc.)
Colin Clark : «My colleague Jim Wolf, of Reuters, broke the story about what several experts say is an unprecedented push by companies who usually lobby only for their own programs to join together in something close to the mythic view of the military-industrial complex: mighty industrial powers joined together to guarantee the flow of cash into their coffers.
»Here's what Jim wrote:
»“The site, www.SecondtoNone.org, is to be unveiled formally in coming weeks as part of a drive to build long-term support for the industry – with a special eye on the super committee.
»“The broad outlines of the stepped-up campaign emerged from a consensus of the trade group's 16-member executive committee, which includes executives from such top Pentagon suppliers as Lockheed Martin Corp, Boeing Co, and Northrop Grumman Corp.”
»AIA has retained LMG Inc, a Washington public affairs firm, to help develop its messages and strategy. It is also drawing on the Heritage Foundation, a conservative public policy group, and the Center for Strategic and Budgetary Assessments, a policy research institute, to boost the campaign's intellectual firepower.
»Such a concerted lobby campaign, “...is a major departure from industry norm. As I've often said, contrary to pundit and academic thinking, there hasn't been a military-industrial complex in the lobbying sense. None of the companies has spent time and energy lobbying for the defense budget, they lobby for their individual programs,” said one of the industry's most respected experts, Joel Johnson, formerly head of international policy for the Aerospace Industries Association. Johnson noted that the companies traditionally lobby “out of fear that if they didn't go [to Capitol Hill], the companies that did go would be favored. It's most hard to get them to cooperate on any defense policy issue -- they expect the trade associations to do that.”»
D’un autre côté, cette union de circonstance, plutôt formelle, n’interdit absolument pas, bien au contraire, les arrière-pensées qui retrouvent la désunion naturelle et la concurrence. On les trouve, ces arrière-pensées, venues du groupe mammouth Lockheed Martin (LM) qui domine tout le reste, sous les plumes presque jumelles du duo souvent cité dans nos colonnes, du Lexington Institute, de Dan Goure et de Loren B. Thompson. La paire Goure-Thompson est régulièrement, ouvertement et plantureusement rétribuée par LM, et c’est au nom de LM et sans la moindre retenue qu'il écrivent dans ce cas, c’est-à-dire avec une appréciation pour nous beaucoup plus juste des intentions de LM parce que les deux mercenaires écrivent tout haut ce que LM manigance tout bas.
Deux articles, sur Early Warning (la newsletter du Lexington Institute) du 18 août 2011, de Dan Goure, et du 19 août 2011, de Loren B., nous instruisent à ce propos en peu de lignes.
• Goure prépare le terrain en démontrant que les politiques ont tout intérêt à s’entendre pour déterminer eux-mêmes les réductions à effectuer, et en épargnant le domaine militaire. S’ils ne le font pas, explique Goure, les deux partis y laisseront des plumes lors des présidentielles. Or, poursuit Goure, ils peuvent le faire, et ils devraient être d’autant mieux inclinés à le faire qu’ils garderaient, ou gagneraient dans ce cas (voir plus loin), tout le soutien sonnant et trébuchant de cette industrie de défense (ce dernier argument n’est pas exprimé tel quel ; nous l’ajoutons pour une meilleure compréhension des choses, pour rendre bien visible tout ce qui est entre les lignes)… «In reality, neither party has an incentive to see defense spending drastically cut. Reformed, yes; gutted, no. So, both sides are likely to look for any way they can of avoiding the booby trap of automatic cuts in future defense budgets.»
• Avec Loren B., le jour suivant, nous passons aux choses sérieuses. Loren B., lui, prend le cas extrême du blocage politique et du processus automatique conduisant à des réductions automatiques, très fortes pour le Pentagone du point de vue de l’industrie. Peu importe, écrit Loren B., on peut, même dans ces conditions, parvenir à un arrangement intéressant en réformant certaines choses… Loren B. devenu réformateur, et cela dans les intérêts bien compris de LM ! Beau tour de passe-passe, et chapeau l’artiste.
Loren B. Thompson expose qu’une réduction des crédits donnerait l’occasion au Pentagone de se réformer, de dégraisser et d'abandonner certains programmes, certaines procédures, et de se concentrer sur les projets les plus fondamentaux, les plus nécessaires à la défense, les plus utiles pour l’économie du pays, pour la grandeur de America the beautiful et tutti quanti… Et devinez de quel programme il s’agit principalement ? Vous avez gagné, – le JSF, ou F-35… («Consider the military's biggest R&D program, the F-35 Joint Strike Fighter. F-35 is frequently criticized for its high costs, but most of those outlays end up being distributed to tech workers at hundreds of companies scattered across the country who support F-35 production… [bla, bla, bla…] So pressing ahead with F-35 will create a lot of jobs and save a lot of money.»)
Ainsi, l’industrie de défense US serait quasiment réduite, comme grand programme qui deviendrait le Très Grand Programme, au JSF/F-35. (Cela justifie évidemment et largement l’importance qu’on accorde à ce programme, bien entendu.) Mieux encore, c’est tout juste si Loren B. ne fait pas du JSF/F-35 le sauveur de l’économie US, pendant que nous y sommes…
«...But back then policymakers thought the economy was headed into a recovery, and now they realize economic problems may be more structural. So Washington is going to have to rethink its whole approach to promoting growth, because that is the only way our fiscal house can be put in order. Part of that re-thinking has to include a clearer understanding of how military outlays impact the broader economy, since defense is the biggest source of discretionary spending in the budget. If the White House is really serious about creating jobs, stimulating exports, promoting competitiveness and saving money, then it needs to keep next-generation weapons on track, because that's the one place in the federal budget where all of the economic growth themes converge.»
Ainsi avons-nous, d’une façon générale avec cette phase, un aperçu in vivo du fonctionnement du complexe militaro-industriel comme il ne fonctionne que très rarement contrairement à la légende, combien il reste éventuellement très divisé, ce qui peut amener de très considérables surprises ; combien, d’une façon générale, l’alerte de décembre 2011 est prise très sérieusement, et peut-être excessivement au sérieux, pour susciter tout de même une union ; combien cette union reste très aléatoire et peut d'autant plus conduire, là aussi, à des réactions inattendues et des tensions considérables.
Quelques détails intéressants encore, pour parfaire le tableau… Les douze membres du “Super Congrès” sont tous largement dépendants des donations des grandes forces économiques, et corrompus à mesure, mais nullement d’une façon prépondérante par l’industrie de défense, – ce qui rend le “travail” du CMI plus complexe. RAW Story donnait un texte sur ce thème le 18 août 2011…
«In total, the twelve members appointed to the Joint Select Committee on Deficit Reduction got nearly $64.5 million from special interests groups over the past decade, with legal firms donating about $31.5 million and Wall Street firms donating about $11.2 million. […] Democratic and liberal groups donated the third most amount of money, with about $9.6 million in political contributions, and the health industry donated the fourth most, with about $9.3 million. […] The six Republicans on the committee have signed a pledge by Americans for Tax Reform to vote against any tax increases.»
Mis en ligne le 20 août 2011 à 09H29
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