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499018 août 2020 – Cette terrible année 2020, déjà chargée de catastrophes extraordinaires et d’un symbolisme d’une puissance inouïe constitue une marque métahistorique d’une très grande importance. Pour nous, elle est la marque de l’installation décisive dans la phase finale de la crise du Système, dite GCES.
Dans cette terrible année, tous les événements sont nécessairement crisiques et sont nécessairement chargés aussitôt d’une dimension symbolique qui leur donne un poids politique déstabilisant et déstructurant pour les psychologies, et par conséquent pour les jugements. Leur importance courante, classique dirions-nous pour éviter la polémique d’un terme comme ‘véritable’, n’importe en rien En 2020, en effet, l’origine d’un virus et le port d’un masque médical sont quasi-instantanément les sources évidentes et dont personne ne s’étonne vraiment d’une polémique politique conduisant aux sujets d’affrontement les plus importants ; et cela, tout cela, sans que nous puissions écarter le sérieux et le fondement de cette évolution d’un revers de plume, – sans que nous puissions dire “c’est absurde” ou “c’est dérisoire” parce qu’existe la possibilité très sérieuse que nous nous trompions complètement et que ce ne soit ni “absurde” ni “dérisoire”, – et cela, cette possibilité de se tromper, nous l’avons identifiée et nous la connaissons, et nous ne sommes pas les jouets de courants d’influence ou de manœuvres de désinformation...
La diversité des crises est autant un aspect remarquable que leur durabilité, et d’autre part leur complète inappropriation. L’exemple du Covid19 est dans tous les esprits comme un extraordinaire nouveau ‘modèle’ de crise “diverse et durable”, et bien entendu complètement “inappropriée”. Le philosophe Olivier Rey en donne cette définition, qui correspond parfaitement, pour les circonstances relatives, à des souvenirs déjà évoqués par PhG : « Jusqu’à une date très récente, une épidémie du genre de celle qui, avec le ‘Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2’ (SARS-Cov-2, de son petit nom), s’est diffusée sur la surface de la terre en 2020, aurait affecté l’humanité autant qu’une vaguelette trouble la surface de l’océan. Mais voilà : la vaguelette a pris les proportions d’un tsunami planétaire. Les mêmes causes ont produit des effets sans commune mesure avec ce qu’ils auraient été par le passé. Comment expliquer un tel changement d’échelle ? A tirer sur ce fil, on se retrouve avec une grosse pelote sur les genoux. » (L’idolâterie de la vie, Olivier Rey, Gallimard, juin 2020.)
Une conséquence de cette situation, où des événements improbables sinon complètement inappropriés s’installent dans le tourbillon crisique pour l’alimenter de la manière la plus tragique et la plus surpuissante, et surtout la plus inattendue et imprévisible (tragédie-bouffe, certes), est dans l’extrême difficulté d’appréhender et de comprendre ces crises, encore moins de les expliquer. Dès lors se déploie une prolifération extraordinaire de cette activité intellectuelle nommée “complotisme”, dont nous avons récemment parlé, et dont Israël Shamir dit d’une façon qu’on pourrait juger cynique ou/et candide (puisqu’il use beaucoup du complotisme dans ses analyses), que les théories complotistes lui sont utiles pour expliquer l’inexplicable, – sans souci de leur véracité semble-t-il, puisqu’il n’émet aucune réserve à cet égard :
« J’aime bien les théories de la conspiration ; elles tentent d’injecter un sens à des ensembles de faits divers qui, autrement, n’auraient aucun sens. Elles font entrer le Logos dans notre vie, comme le dirait notre ami E. Michael Jones. »
Pour autant, nous ne condamnons nullement (ni n’absolvons) la pratique du complotisme, dont nous comprenons fort bien qu’elle soit intense par les temps actuels où il s’agit pour un grand nombre de commentateur assurés d’avoir une mission à remplir d’expliquer, à défaut de comprendre, l’inexplicable. Cette pratique ne mérite pas ni d’être mise à l’index ni diabolisée ; disons d’une façon un peu légère qu’elle détend les humeurs contrariées, qu’elle apporte le réconfort aux esprits mis dans la confusion, qu’elle remplace l’angoisse et l’incertitude par la fureur et la bonne conscience des opprimés. A cet égard, notre position ‘primordiale’, – qui n’empêche, éventuellement et si nécessaire, de juger sur pièces de l’intérêt et de la possibilité de la chose, selon notre entendement intuitif, – est fort bien synthétisée par cette remarque, du texte déjà cité sur le complotisme :
« On comprendra, espérons-nous, qu’il n’est aucunement et dans aucun cas, sans le moindre doute, dans notre intention de favoriser l’un ou l’autre dans les querelles exposées, de trancher dans ce patchwork incroyable de complotisme pour dire que la “réalité” est là, et nullement ici, qu’il y a complot ici et qu’il n’y en a pas là, etc. Notre réponse est absolument et toute entière contenue dans notre concept d’inconnaissance. »
D’un autre côté, pour se placer d’un point de vue opérationnellement réaliste et évoluer dans la pensée et le jugement, dans l’époque si intéressante où nous nous trouvons, il y a les événements en cours, qui vont si vite, que nous devons suivre pour en observer les effets, et voir se former ainsi que ce que nous nommerions, par exemple, “l’esprit du temps”. Certes, dans notre travail qui se coltine continuellement avec les événements en cours et en course, il nous faut impérativement tenir compte de l’“esprit du temps” et, pour cela, bien l’identifier, le connaître, voire l’éprouver si besoin est.
...Lequel esprit se trouve en cette année crisique 2020, dans la position de devoir supporter par le biais de sa psychologie la pression de l’actuel épisode crisique d’une puissance sans précédent, qui semble finalement charrier le poids de tout ce qui a précédé, au moins depuis le 11-septembre (2001)... Et “tout ce qui a précédé” est fait quasi-exclusivement de pures spéculations inquisitoriales, de doutes non déguisés, de soupçons, d’accusations, de narrative et de simulacres, d’une extraordinaire relativisation où les plus sombres crétins et les esprits les plus haut ont la parole (sacré système de la communication). La charge est lourde.
Voici un texte qui doit nous servir ; un parmi tant d’autres sur le sujet bien entendu, mais remarquablement significatif pour le coup et très propice au développement de notre réflexion. Ces caractères ont évidemment guidé notre choix. Le commentateur Bruce Wilds, de son site Advancing Times, en est l’auteur, – autant en tant que commentateur qu’en tant que “netizen”, comme disent les Anglo-Saxons à partir du mot “citizen” modifié avec le ‘net’ de “network” désignant internet.
Pourquoi ce choix ? Le texte de Wilds nous paraît en vérité bien résumer l’esprit du temps pour ceux qui sont avertis ou qui devinent, malaise angoissé et intuition mêlées, ces incertitudes catastrophiques. Cela vaut surtout pour les USA, où les conditions de la catastrophe menacent d’être, et même sont déjà extrêmement lourdes et dévastatrices. Il nous paraît évident que les USA sont la cible centrale de la Grande Crise d’Effondrement du Système (GCES) ; mais le sont-ils à partir d’une agression humaine ou de quelque chose d’autre ? Dans tous les cas, ils ouvrent une voie que nous nous empressons, nous au sein de l’UE, d’emprunter comme si nous étions leurs rejetons spirituels, parfaitement ‘américanisés’ de ce point de vue.
(Notre ‘américanisation’ “de ce point de vue” apparaît étrangement comme une sorte de mimétisme inverti : nous aurions lancé “nos pauvres” les plus représentatifs de notre civilisation, y compris les esclaves africains dont les Arabes et les Musulmans nous avaient appris à user et abuser puisque créateurs du système, pour que se développe un modèle absolument catastrophique et capable de fascinations diaboliques. Ainsi préparions-nous un piège où nous pourrions tomber en toute irresponsabilité, succombant aux délices de la décadence accélérée qui a pour nom “modernité” tout en affirmant n’en pas porter la responsabilité. Cela pourrait apparaître comme un complot, mais d’une forme bien particulière, un complot pour se débarrasser de toute responsabilité dans la manufacture du complot ; en un sens, ‘un complot pour se sortir du complot’, – complotisme inverti, en somme.)
Wilds, qui, lui, n’est certainement pas un complotiste, nous restitue bien l’état d’un esprit qui cherche à comprendre sans sombrer dans leur délire (celui des complotistes) ; mais tout de même en prêtant attention à l’un ou l’autre balbutiement du délire, où peut se nicher une vérité-par-inadvertance, – comme il existe, pour qui sait chercher sans céder aux fausses notes des sirènes, des vérités-de-situation.
Ainsi Wilds décrit-il (le 2 août 2020) cette terrible annus horribilis, 2020.
« A mesure que les événements se déroulent, j’entends de plus en plus souvent cette opinion selon laquelle quelque chose de terrible est en train de se tramer derrière les apparences. Cela inclut le sentiment que nous ne sommes plus maîtres de notre destin. De plus en plus, l’idée classique de l’existence qui précède l’essence et que les gagnants dans le jeu ont été choisis avant que le jeu ne commence envahit notre perception. Cette théorie englobe la proposition selon laquelle la moitié inférieure de la société est démunie et totalement dépendante du gouvernement, ce qui signifie qu’elle a été écartée de la vie sociale. Maintenant que ces gens [nous, au demeurant, ndlr] ne sont plus une menace, les employés du Corporate Power et du gouvernement consolident leur pouvoir et leur contrôle.
» Comme beaucoup de ceux qui regarderaient [une séquence au ralenti d’un train qui tombe d’un pont], je commence à perdre le sens de la perspective. L’appréciation de la raison est paralysée par les actions de plus en plus irrationnelles qui ont lieu. On est pris de frayeur du fait du malaise provoqué par le sentiment que les choses vont s’aggraver, que tout cela est le résultat d’une machination que vous ne comprenez pas et contre laquelle vous n’avez aucune défense. Cette situation est renforcée par l’argument selon lequel nous ne devrions pas écouter ce que disent les responsables, mais plutôt surveiller ce qu’ils font d’un œil critique. Une grande partie de l’appréhension croissante est due à l’effet-domino que va engendrer le processus de la terrible crise économique. Le locataire ne paie pas le propriétaire et risque d’être expulsé. Le propriétaire ne paie pas son hypothèque et risque la saisie. La banque n’est pas payée, mais cela ne pose pas de problème car l’argent des contribuables la renflouera.
» Avec tout ce qui reste à résoudre et qui est en suspens, les théories de la conspiration prolifèrent. Bien que je ne soutienne pas l’idée selon laquelle “tout se déroule comme prévu” [comme le prévoient dans tous les détails les divers complots en cours], il est difficile de nier que la situation est désastreuse et que la population reste ignorante des dangers qui l’attendent. Collectivement, cela inclut une Fed qui est hors de contrôle et un gouvernement polarisé qui est au mieux dysfonctionnel. Ajoutez à cela la manipulation du marché qui a atteint des niveaux épiques. Tout ce système a entraîné un transfert massif de richesses et la création d’un chaos social. Pour le “plus grand bien” de tous, nous avons vu des règles visant à restreindre davantage notre liberté être instituées et l’on s’attend à ce que d’autres encore plus restrictives soient imposées d’une manière ou l’autre... »
Ces quelques extraits détaillent assez bien ce que peut être aujourd’hui le désarroi d’un observateur qui se veut également commentateur, et dont on note, en le lisant, le souci de sincérité dans son analyse autant que dans sa perception, et aussi bien entendu l’indépendance de sa perception par rapport au bruit de fond du simulacreSystème. Nous dirions que ce Wilds présente dans cet écrit les caractères assez classiques d’un jugement certes nuancé mais certainement indépendant, qui observe les faits tels qu’ils se déroulent selon une perception disposant de moyens d’observation acceptables. On voit bien, à ses hésitations, son incertitude affichée, ses appréciations prudentes et nuancées, son angoisse générale enfin, que Wilds est d’une catégorie assez respectable, qui expose son désarroi sans artifice ni explications préconçues et bien rangées dans leur complexité d’un cerveau caressé et effleuré par le doux confort intellectuel du complotisme.
Il est donc pour nous une référence acceptable, qu’on ne peut mettre dans la catégorie ni des personnes sous-informées, ni des personnes aveuglées par un parti-pris extrême proche de la pathologie, ni des personnes affectées par une pathologie qui les aveugle, ou qui les précipite dans un parti-pris extrême. Sa confusion, ses hésitations, la perte de l’orientation de son jugement par rapport aux faits, sont par conséquent à la fois respectables et révélateurs, sinon la clef de l’ouverture de l’esprit à des perspectives à la mesure de l’extraordinaire événement hors de la portée humaine qui nous affecte.
On passe alors à ses paragraphes de conclusion une fois qu’il ait eu exposé en détails l’évolution catastrophique de l’économie aux USA, la confusion des mesures prises ou refusées par rapport au Covid19 et par rapport aux activités économiques, l’incroyable fiesta d’anarchie et d’irresponsabilité de la Grande-Émeute2020, etc., – bref, tout le lourd dossier de la phase présente de la GCES.
« Le plan est-il de faire sombrer les États-Unis dans la dépression la plus dévastatrice que nous ayons jamais connue ? Bien que ce plan puisse effacer toute la dette américaine et nettoyer le pays de ses obligations passées, il entraînerait une perte catastrophique de crédibilité et de prestige, pour les générations à venir. Fabriquer une telle calamité est tout simplement insensé et ébranlerait l’économie mondiale et le système financier mondial dans son ensemble. Beaucoup de gens prétendent qu’un crash allait se produire de toute façon et que le virus n’a fait qu’accélérer les choses. Lorsque l’on examine les différentes voies possibles, l’importance des prochaines élections ne pourrait jamais être plus cruciale. Ces personnes [dénoncées comme comploteuses par les complotistes] soulignent le fait que l’économie ne peut pas reposer uniquement sur la restauration rapide et la consommation courante, il faut aussi produire et exporter.
» Nous devrions au moins entendre les affirmations de la faction “tout se passe à dessein”, qui vont jusqu’à dire que tous les efforts pour stopper l’effondrement à venir ne suffiront pas. Ils affirment que la question est de savoir si les marchés vont imploser avant ou après que des dizaines de millions d’Américains aient touché le fond et soient totalement démunis et ruinés. À en juger par l’incapacité du Congrès à ne serait-ce que saisir l’urgence ou l’ampleur de la menace qui pèse sur notre avenir, c’est peut-être de cette manière que l’ensemble du système maléfique a été conçu pour donner tous ses effets. »
Nous attirons l’attention de nos lecteurs sur cette dernière phrase, où est employé dans le texte original le verbe “to unfold” qui peut avoir plusieurs sens, où nous choisissons de lui donner le sens évident de “donner tous ses effets” : « c’est peut-être de cette manière que l’ensemble du système maléfique a été conçu pour donner tous ses effets » traduit et interprète ce membre de phrase « perhaps this is the way the entire evil system was designed to unfold ». Cette phrase est en effet essentielle, cela observé dans notre chef sans savoir si l’auteur en a mesuré toutes les implications.
Selon nous, cette phrase signifie que, pour mener à son terme la phase historique à laquelle il a présidé et que les choses puissent se mettre de façon à se transmuter en une fondation métahistorique qui serait ouverte sur les possibilités de l’avenir, le Système doit effectivement se découvrir complètement en semant tous les malheurs qu’il est capable d’engendrer et de produire selon la logique subversive et la dynamique du “déchaînement de la Matière”. Il doit complètement “jeter le masque”, dirions-nous selon une image à double sens dans les temps de la pandémie Covid19. Alors conviendrions-nous qu’il n’y a pas erreur sur l’entité, que le Système est bien ce que nous croyons (et espérons) qu’il est.
Le plus étrange, c’est que Wilds, en croyant concéder aux ‘complotistes’ ce qu’il croit être l’ultime affirmation des ‘complotistes’, – à savoir que le déploiement du Système (de « ce système maléfique ») doit donner tous ses effets pour être complet, – énonce ce que nous jugeons être la nature même du Système, et au-delà, la nature même de son objectif paradoxal d’autodestruction, et d’une façon spécifique la perception d’une orientation qui, par son mode opératoire, contredit totalement la structure humaine de toute théorie de la conspiration. Ainsi, Wilds confond-il le Système et les ‘complotistes’ (“confondre” dans le sens de “réduire à l’impuissance, mettre dans l'impossibilité de répondre, décontenancer”) ; dès lors, il nous ouvre la voie vers l’explication qui nous attache constamment sans que nous puissions bien entendu la démontrer et la confirmer par des preuves, et encore moins par un complot, – à moins que vous ne parliez d’un ‘complot métahistorique’, certes, c’est-à-dire « Le complot de la métahistoire ».
...En quelque sorte, Wilds suit sans le savoir le même processus que les ‘trous noirs’ du cosmos. Poussant la thèse du complot jusqu’à son extrême, il parvient à son double vertueux : le complot parvenant au terme de lui-même, se renverse et découvre tout le Système dans sa monstruosité, et par-là même, ayant actionné sa surpuissance à son extrême qui devient excès, le fait basculer dans l’autodestruction.
Il s’agit d’une approche des événements qui exclut les preuves que les vertueuses lois de la rationalité exigent et dont nous sommes passés maîtres de la production falsificatrice, qui écartent la raison toute entière accaparée par les complots et donc selon une logique qui, à notre sens, conduit “logiquement” à la folie (pour certains, c’est déjà fait). Effectivement, dans les conditions que nous connaissons, la logique de la raison conduit à la folie et rejoint ce que Pascal (Blaise) dit de la raison, qui se trouve dans ce cas entraînée dans la labyrinthe écrasant et terrifiant, mais ‘logique’ n’est-ce pas : « Que j’aime à voir cette superbe raison humiliée et suppliante. »
Le geste du comploteur, aujourd’hui, dans la saga et le tourbillon crisique des complots et des grandes théories ésotériques (et bien terrestres), correspond à l’humiliation et à la supplication de cette raison confrontée à l’incompréhensible et à l’‘illogique’, – selon elle. Il est chaque jour vérifié davantage que nous marchons “au bord de l’abîme”, mais non pas dans notre langage crisique (l’abîme d’une crise) même si la crise est bien le cas qui nous occupe, mais dans le langage métaphysique et métahistorique, celui de Léon Chestov (*), commentateur de Pascal, tel que rappelé dans une page récente du Journal de PhG, bien entendu à propos de l’événement déferlant, la cascade tumultueuse qui nous emporte :
« Je me réfère à Chestov, décidément bien présent à mon esprit en ce moment, lorsqu’il décrit Pascal dans ses ‘Pensées’, comme cheminant au bord de l’abîme pour mieux le décrire (“Un grand miracle se produit sous nos yeux. Pascal s’accoutume à l’abîme, il commence à l’aimer... ”) Chestov décrit Pascal qui ‘commence à aimer l’abîme’, exactement comme il faudrait à un être d’aujourd’hui en arriver à aimer l’inconnu où nous nous abîmons, qui nous présente sa béance dans les événements qui s’accumulent et nous contraignent absolument :
» “En effet, quelque chose vient de finir mais autre chose vient de commencer. Des forces nouvelles et incompréhensibles se sont manifestées, des révélations nouvelles ont surgi. Les appuis solides se sont évanouis, marcher comme on marchait naguère est impossible, – il ne faut donc plus marcher, il faut voler.” »
Nos ‘appuis solides’ aujourd’hui, c’est-à-dire nos simulacres d’appuis solides sur lesquels appuyer nos alarmes décisives, on les connaît : Soros, les neocons, Wall Street, les illuminati, le capitalisme qui ne cesse de se renaître en soi-même, le DeepState de l’avant-Trump, le dollar (lui, au moins, sait voler puisqu’il est largué par l’hélicoptère de la Fed, directement depuis l’imprimerie), et tout le reste, en longue procession comploteuse... La liste est longue, et longue la psalmodie du plain-chant des explications humaines et empressées, imaginant une nouvelle filouterie à chaque crise nouvelle, qui n’était pas prévue mais qui ne surprend pas.
Et ainsi s’agit-il de temps révolutionnaires, où bien des choses sont possibles au-delà de nos conceptions courantes et de nos moyens sans aucun doute exceptionnels... Même un Soros, qui veut nous effrayer, qui paraît finalement lui-même effrayé, qui est dit-on l’un des montreurs de marionnettes du Grand Complot du monde, même Soros dit des choses qui, si vous remplacez un ou deux mots, – remplacer “mauvaises” par “fécondes”, ce qui n’est pas illogique avec Soros, – ouvrent la voie à toutes les échappées du monde :
« Nous sommes dans une crise, la pire crise de ma vie depuis la Seconde Guerre mondiale. Je la décrirais comme un moment révolutionnaire où l'éventail des possibilités est beaucoup plus large qu'en temps normal. Ce qui est inconcevable en temps normal devient non seulement possible mais se produit réellement. Les gens sont désorientés et effrayés. Ils font des choses qui sont mauvaises pour eux et pour le monde. »
D’ailleurs, observons-le sans véritable étonnement : ces derniers temps, la fatigue se fait sentir, et l’affaiblissement de l’attention chez les lecteurs des thèses qui s’empilent pour raisonner cet immense désordre dans une mesure qui tend à l’emprisonner, et par conséquent à nous emprisonner ; – et Pascal qui nous chuchote, ironique et triomphant, parlant de cette raison chargée de toute l’arrogance de Sapiens-Sapiens, jusqu’à ne plus être connue que sous l’expression de “raison-subvertie” : « Que j’aime à voir cette superbe raison humiliée et suppliante. »
(*) Léon Chestov, ‘La nuit de Gethsémani – Essai sur la philosophie de Pascal’, éditions de l’éclat, Paris 2012 (réédition, édition originale de la traduction française en 1923).
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