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741Nous avions signalé précédemment la pertinence de l'analyse d'un représentant de l'Eglise orthodoxe russe, assimilant à un goulag électronique le système global de saisie, d'espionnage et de contrôle que les services de renseignements américains, sous l'égide de la NSA et du gouvernement fédéral, imposent à toutes les formes d'expressions empruntant le support de l'Internet et des réseaux numériques. (1)
Comment ce personnage définit-il le goulag électronique américain ?
«Un camp de prisonnier électronique global...D'abord l'on habitue les gens à utiliser de façon systématique des outils de communication commodes avec les autorités, les entreprises et entre eux. Très rapidement chacun s'habitue de façon addictive à de tels services. Ceci donne à ceux qui possèdent économiquement et politiquement ces outils un pouvoir à la fois considérable et terrifiant. Ils ne peuvent pas repousser la tentation de s'en servir pour contrôler les personnalités. Ce contrôle peut devenir beaucoup plus complet qu'aucun de ceux exercés par les systèmes totalitaires connus au vingtième siècle.»
Le terme de goulag, rendu célèbre par le romancier Alexandre Soljenitsyne, désigne classiquement le système pénitentiaire russe. Celui-ci, encore en activité sous une forme à peine "améliorée", est constitué de camps de travail et de détention répartis aux frontières de la Russie. Ils enferment des centaines de milliers de condamnés, dans des conditions précaires sinon indignes. Il est très difficile de s'en évader. Les peines sont souvent très longue ou à perpétuité. La plupart des prisonniers sont des détenus de droit commun, mais un nombre non négligeable d'entre eux a été et demeure des opposants politiques ou personnes poursuivies pour des délits d'opinion. On peut se demander pourquoi les systèmes pénitentiaires des démocraties occidentales, dont les conditions de fonctionnement n'ont guère à envier au goulag russe, ne souffrent pas de la réputation infamante de ce dernier...sans doute est-ce du au fait que l'arbitraire y est en principe moindre. 

Quoiqu'il en soit, le propre d'un goulag est d'être mis en place et organisé par un pouvoir dominant qui s'impose délibérément à des minorités dominées. On ne parlerait pas de goulag, sauf par abus de langage, si les conditions d'enfermement résultaient de circonstances n'ayant rien à voir avec une volonté de répression dictatoriale, patients dans un hôpital psychiatrique ou personnes isolées sur un territoire dépourvu de liaisons avec le reste du monde, par exemple.
Sous sa forme imagée, le terme de goulag désigne un système d'enfermement physique ou moral condamnable au regard des libertés civiques et des droits de l'homme. Le monde des réseaux numériques mérite-t-il d'être ainsi qualifié, alors qu'il est de plus en plus considéré par ses milliards d'utilisateurs comme un moyen d'émancipation hors pair. Rappelons qu'il permet en effet non seulement les échanges par l'internet mais aussi les communications faisant appel au téléphone portable, dont la souplesse est sans égal dans les pays dépourvus d'infrastructures développées. Pour leurs utilisateurs ces deux technologies apparaissent non comme des goulags mais au contraire comme des éléments incomparables d'émancipation. Elles leur permettent en effet d'échapper à l'enfermement au sein de modes d'expression traditionnels, dominé par des autorités rigides, religieuses, sociales, médiatiques.
S'imaginer cependant que des solutions technologiques, représentant des coûts considérables, viendraient subitement s'épanouir dans nos sociétés pour le seul bénéfice des citoyens et du jeu démocratique, serait un peu naïf. Nul ne fait de cadeau à personne. Si un service est rendu, il doit être payé. Il en est de même d'ailleurs d'autres services de communication, radiodiffusion et télévision. L'expérience montre que leurs premiers bénéficiaires en sont leurs promoteurs.
Ceux-ci peuvent être regroupés en deux grandes catégories, les entreprises commerciales et les administrations publiques. Elles s'en servent prioritairement pour établir ou renforcer leur influence sur les individus, considérés soit comme des consommateurs soit comme des administrés ou des électeurs. Il n'y a pas de mal à cela, dans la mesure où dans nos sociétés la vie économique et la vie politique reposent en grande partie sur des entreprises commerciales ou des administrations publiques. Les rares citoyens qui voudraient cependant utiliser les ressources des technologies numériques pour de doter de nouveaux espaces de communication et de création devraient se persuader que ceci ne pourra venir que de leurs propres efforts. Il y a plus cependant à prendre en considération.
Les sociétés occidentales, en Amérique mais de plus en plus en Europe, ont découvert ces dernières années ce qui était une réalité depuis les origines de l'informatique, mais qu'elles ne voulaient pas ou ne pouvaient pas voir: les réseaux numériques sont de bout en bout les produits de technologies et d'entreprises développées aux Etats-Unis et restées très largement sous le contrôle du pouvoir scientifique, économique et culturel de ce qu'il faut bien appeler le lobby militaro-industriel américain. Les autres puissances mondiales, peu averties dans des domaines où la Silicon Valley (si l'on peut employer ce terme imagé) s'était donné un monopole historique, s'efforcent actuellement de rattraper leur retard. C'est le cas notamment de la Russie et surtout de la Chine. Mais elles sont encore loin du compte. Quant à l'Europe, elle dépend très largement des Etats-Unis, dont elle est en ce cas comme en d'autres une sorte de satellite.
Or le grand écho qu'ont pris les révélations faites par Edward Snowden, dans l'affaire initialement qualifiée de PRISM/NSA/Snowden tient précisément â la découverte du pouvoir donné à l'Empire américain par l'espionnage tous azimuts découlant de l'utilisation que nous faisons de l'internet, du téléphone et autres technologies numériques. Il s'agit d'un pouvoir si complet et si imparable, du moins à ce jour, que le terme de goulag électronique paraît parfaitement adapté. De plus ce pouvoir, même s'il résulte de grandes évolutions technologiques et géo-stratégiques paraissant dépasser la responsabilité d'individus déterminés, fussent-elles celles des POTUS (Presidents of the Unites States) et de leur entourage, relève cependant dans le cas de la NSA et des autres agences de renseignement, de volontés humaines bien identifées. L'actuel POTUS, précisément, ne s'en cache pas. Au contraire, il s'en félicite.
Si nous admettons ces prémisses, nous pouvons revenir sur les grands traits du goulag électronique en question. 

L'actualité récente nous permet de préciser l'analyse (2). Le 8 aout 2013, le propriétaire du site américain Lavabit annonçait qu'il cessait son activité sous les pressions de l'administration fédérale. Il offrait en effet jusque là des services se voulant sécurisés à des centaines de milliers d'utilisateurs recherchant la possibilité d'échapper à l'inquisition rendue possible par la transparence de l'internet. Or la NSA lui avait imposé de lui livrer des informations confidentielles concernant certains de ses clients, ce qu'il avait refusé de faire. Peu après, il était suivi dans ce refus par le site Silent Circle qui offrait des services analogues. D'autres services en ligne de même nature ont probablement fait le même choix. Le Guardian qui dès le début de la crise NSA/Snowden s'était fait le porte parole de ce dernier donne régulièrement des précisions sur l'évolution des rapports de force entre la NSA et les professionnels du web (cf. ci-dessous, note 3).
L'intransigeance de la NSA ne devrait pas surprendre en France où la législation interdit depuis longtemps l'usage de systèmes de communications cryptées susceptibles d'échapper aux investigations des services de police ou de contre-espionnage. Ceci ne scandalise que peu de gens dans la mesure où l'on présume généralement que ce seraient les activités criminelles qui feraient principalement appel à de telles facilités.
Il faut cependant tirer quelques conclusions de cet événement concernant la pertinence du concept de goulag électronique appliqué au monde des réseaux numériques actuels. Que peut-on en dire?
1). Il s'agit d'abord d'un univers de plus en plus global et inévitable, auquel celui qui veut s'exprimer et communiquer peut de moins en moins échapper – ceci d'ailleurs tout autant dans les sociétés peu développées que dans les sociétés avancées. Autrement dit l'Internet est inévitable et à travers lui sont inévitables les divers contrôles qu'il permet. Il reste évidemment possible à qui veut rester discret de faire appel à la parole, au geste et à l'écrit sous leurs formes traditionnelles, à condition d'éviter tout support susceptible d'être ensuite numérisé et diffusée. Autant dire que la moindre activité ayant une portée un tant soit peu sociale pourra être ou sera enregistrée, mémorisée et le cas échéant, commentée, manipulée voire déformée par des tiers, bien ou mal intentionnés.
Les contrôles sont d'autant plus inévitables que les technologies utilisées s'automatisent de plus en plus, permettant de traiter des flots de meta-données et de données par milliards à la minute. Les humains seront de moins en moins nécessaires, tant dans la définition des cibles que dans l'application des sanctions. Nous avons ici depuis longtemps signalé cette évolution inévitable.
2. Or cet univers n'est pas innocent. Il est aux mains, plus ou moins complétement, de pouvoirs se voulant totalitaires, c'est-à-dire cherchant à connaître, contrôler et le cas échéant faire disparaître des pouvoirs plus faibles s'efforçant d'échapper à leur emprise. Ceci n'a rien en soi de scandaleux. Il s'agit d'une loi générale s'exerçant depuis l'origine de la vie au sein de la compétition entre systèmes biologiques. Un organisme, une espèce, un ensemble de solutions vitales qui ne peuvent pas s'imposer comme totalitaires sont menacés de disparition, au moins dans leur niche vitale. Leur premier réflexe est donc d'éliminer ou tout au moins de contrôler leurs concurrents.
Les réseaux numériques subissent, comme toutes les constructions sociétales, l'influence des systèmes de pouvoirs plus généraux qui dominent les sociétés dans leur ensemble. Parmi ceux-ci, on distingue classiquement les pouvoirs politiques, les pouvoirs économiques et les pouvoirs médiatiques. Ces systèmes de pouvoirs sont personnifiés par des couches sociales ou des individus relevant de ce que l'on nomme les élites ou les oligarchies. Même si leurs intérêts propres divergent éventuellement selon les lieux et les périodes, ces élites et oligarchies se retrouvent généralement unies au niveau global pour défendre leur domination. On estime très sommairement qu'elles représentent environ 1% de la population mondiale, s'opposant à 99% de personnes ou d'intérêts n'ayant pas pour diverses raisons la capacité de dominer. Les Etats et leurs administrations sont généralement, même dans les sociétés démocratiques, au service des minorités dominantes, sinon leur émanation directe.
3. La description ci-dessus convient parfaitement pour désigner ce qu'il est devenu courant dans le langage politique engagé d'appeler le Système, avec un S majuscule. On dénonce le Système, on s'engage dans des actions anti-Système...Certaines personnes se demandent à quoi correspond exactement ce Système. Elles ne reçoivent pas toujours des réponses précises. Pour nous, les réponses sont sans ambiguïté. Elles correspondent à ce que nous venons d'évoquer, la domination de 1% d'oligarchies et d'activités associées s'imposant au reste des population. On remarquera que le Système, dans cette acception, n'est pas lié seulement au système capitaliste, ou au système de l'américanisme. Il s'agit d'une structure absolument générale, identifiable sous des formes très voisines dans tous les régimes politiques et dans toutes les parties du monde. Plus généralement, nous y avons fait allusion dans d'autres articles, il s'agit de formes de pouvoir émergeant spontanément de la compétition darwinienne entre systèmes biologiques. 

Ceci veut-il dire que rien ne pourra jamais modifier cette inégalité fondamentale? Les combats pour l'égalité et une plus grande démocratie sont-ils d'avance voués à l'échec? Disons que des formes souvent différentes de répartition des pouvoirs se rencontrent nécessairement. Certaines d'entre elles peuvent laisser une plus grande place aux responsabilités de la périphérie ou de la base. Ce sont sans doute celles-là qu'il conviendra d'encourager. Mais d'une façon générale, des structures parfaitement égalitaires ne semblent pas envisageables. Elles signifieraient la fin de toute évolution, une sorte de mort cérébrale. Si bien d'ailleurs qu'elles ne sont jamais apparues spontanément.
Ajoutons que les grands systèmes de pouvoirs identifiables aujourd'hui au sein des réseaux numériques correspondent à ceux qui dominent la sphère géopolitique dans son ensemble, tout au moins dans les domaines technologiques et scientifiques. Les Etats-Unis et le cortège des pays qui sont sous leur influence pèsent du poids le plus lourd. La Russie est en train de reprendre une certaine influence. La Chine constitue une force montante. Mais il est encore difficile de mesurer son poids actuel.
4. Les activités qui sont identifiables au sein des réseaux numériques, qu'elles proviennent des agents dominants ou des dominés, se partagent entre activités licites et activités illicites ou criminelles. On retrouve là encore un trait général s'appliquant à l'ensemble des sociétés suffisamment organisées pour se doter d'une règle de droit et des moyens administratifs et judiciaires de la faire appliquer. Qui dit règles de droit ou contraintes d'ordre général dit aussi tentatives réussies ou non pour y échapper. Certes, sauf dans les pays pénétrés en profondeur par des mafias, les activités licites sont les plus nombreuses. Mais il suffit de quelques acteurs se livrant à des activités illicites ou criminelles pour pervertir l'ensemble. D'où le consensus social s'exerçant à l'égard des institutions et personnes visant à identifier et empêcher de s'exercer les activités illicites. L'opinion considère que les contraintes de police et de contrôle sont le prix à payer pour le maintien de l'ordre public. Cette tolérance peut laisser le champ libre à divers abus de la part des autorités de contrôle
5. Il résulte de tout ce qui précède que les entreprises ou individus exerçant leurs activités au sein des réseaux numériques sont de facto obligés de se conformer aux lois et règlements mis en place par les pouvoirs dominants, non seulement pour prévenir et combattre les activités illicites, mais plus généralement pour assurer leur maîtrise sur l'univers numérique. Ceux qui veulent échapper aux contraintes ainsi définies par les pouvoirs dominants, qu'elles prennent une forme légale ou spontanées, risquent en effet d'être considérés comme encourageant le crime et la fraude, sous leurs différentes formes. Au tribunal de l'opinion publique, ils n'échapperont pas à ce reproche. Seuls pourraient s'en affranchir des activistes masqués ou anonymes, dont l'influence restera marginale. Les activistes seront en effet obligés à un jeu de chat et de la souris dont ils ne sortiront pas vainqueurs. Malgré l'anonymat prétendu offert par les réseaux numériques, les moyens de contrainte dont disposent les Etats et leurs administrations s'imposeront toujours. Il faudrait un effondrement social global, y compris au niveau des forces de sécurité et de défense, pour que ces moyens de contrainte perdent de leur influence.
6. Le goulag numérique ainsi décrit serait-il si oppressant qu'il serait progressivement rejeté par les intérêts et individus dominés sur lesquels il s'exerce? Pas du tout, car il s'agit en fait de ce que l'on pourrait nommer un goulag attrayant. S'il enferme étroitement les acteurs, il leur offre aussi des compensations. La constatation a été souvent faite à l'égard de systèmes de contrôle des comportements s'exerçant à travers la publicité commerciale et la télévision. La plupart des citoyens sont près à « vendre sinon leur âme, du moins leur sens critique et leur droit à l'autonomie, à condition de bénéficier d'une promotion publicitaire ou de quelques minutes d'antenne.
Il en est de même en ce qui concerne le rapport des individus avec les réseaux dits sociaux, vivant de la marchandisation des données personnelles. La plupart des gens sont près à confier à ces réseaux des informations confidentielles les concernant, fussent-elles gênantes, pour le plaisir d'être identifiés plus ou moins largement par le public. Ainsi espèrent-ils sortir de l'anonymat, qui est la pire des malédictions dans un monde où tout le monde est censé communiquer avec tout le monde. On objectera que beaucoup de ceux se dévoilant ainsi restent suffisamment prudents pour ne pas livrer de vrais secrets pouvant les mettre en danger. Mais ce n'est pas le cas quand il s'agit de personnalités faibles ou d'enfants, cibles précisément des activités potentiellement criminelles.
7. La description du goulag numérique proposée ici ne peut évidemment être considérée comme décrivant de façon exhaustive la diversité des situations qui se rencontrent au sein des réseaux numériques. Il s'agit seulement d'un schéma très général comportant des exceptions. On trouve dans la réalité quotidienne de nombreux cas montrant que des acteurs particuliers échappent momentanément ou localement à la domination et au contrôle que tentent d'imposer les pouvoirs dominants.

Ceci fut illustré récemment par la suite des évènements survenus lors de la crise NSA/Snowden. D'une part les grands acteurs du web ont fini par s'inquiéter de l'inquiétude et la désaffection d'un nombre grandissant de leurs clients, de plus en plus gênés par les intrusions croissantes non seulement des pouvoirs de police mais des services marketing des entreprises. Concernant le pouvoir fédéral américain, les acteurs du web interviennent actuellement auprès de Barack Obama pour faire alléger les contrôles qu'exercent sur leurs fichiers les différentes agences de renseignement, agissant pour leur compte propre ou à la demande des administrations chargées de l'application des différentes réglementations en vigueur: fiscalité, douanes, environnement, etc.
D'autre part, comme nous l'avons vu, soit aux Etats-Unis mêmes, soit dans de nombreux autres pays, de nouvelles entreprises offrant la possibilité d'échapper non seulement à l'espionnage et au contrôle mais à une publicité devenue oppressante ne cessent de se créer. Leur succès reste limité vu la répression qu'elles suscitent, mais elles exercent cependant un contre-pouvoir non négligeable. L'enfermement imposé par le goulag numérique global reste cependant son caractère dominant.
Nous pouvons évoquer une dernière question, souvent posée par les personnes qui découvrent les problèmes évoqués ici: existe-t-il au sein du goulag numérique des individus ou groupes d'individus clairement identifiables qui organiseraient en dernier ressort les dominations ainsi mises en place. Lorsqu'il s'agissait du goulag soviétique sous ses formes les plus arbitraires, on pouvait dans l'ensemble identifier les « organes », notamment au sein du parti, qui mettaient en oeuvre ce goulag, décidaient qui devaient y être enfermé, et ce que serait leur sort. Les conspirationnistes, pour qui tous les éléments négatifs de nos sociétés résultent de complots organisés, répondront que la même situation prévaut concernant ce que nous avons évoqué ici sous le terme de goulag électronique. Il devrait selon eux être possible d'identifier les entreprises et au sein de celles-ci les responsables organisant la domination des grandes forces s'exprimant à travers les réseaux numériques.
Il serait naïf de prétendre que ce n'est pas le cas, mais il serait tout aussi naïf de ne pas admettre que les phénomènes de l'ampleur évoquée ici ne dépendent pas seulement d'initiatives personnelles identifiables. Il s'agit de grands mouvements sociétaux affectant le monde moderne dans son ensemble. Certains individus ou intérêts y sont plus actifs que d'autres, mais ils ne peuvent à eux seuls être tenus responsables de la totalité des phénomènes.
C'est à ce stade du raisonnement qu'il est intéressant d'évoquer à nouveau notre concept de système anthropotechnique, présenté dans notre essai "Le paradoxe du Sapiens". Ce concept s'applique parfaitement à l'analyse qui précède. Les grands acteurs de l'évolution en cours ne sont pas seulement des groupes humains. Mais il ne s'agit pas non plus de systèmes technologiques autonomes. Il s'agit de la conjonction de groupes humains dont l'analyse relève de l'anthropologie ou de la politique, associés en symbioses étroites avec des promoteurs de systèmes technologiques dépendant de contraintes relevant de l'analyse scientifique et industrielle. Le tout prend des formes et configurations très variables, selon les pays, les époques et les domaines. L'évolution darwinienne globale résultant de la compétition des différentes entités anthropotechniques ainsi formées s'impose au monde de la même façon que s'était imposé jusqu'à présent l'évolution biologique et sociétale.
Ajoutons que prendre toute la mesure de phénomènes de cette ampleur est quasiment impossible aux observateurs que nous sommes, puisque nous sommes inclus dans les mécanismes que nous voudrions décrire objectivement, et donc incapables de se donner le recul théoriquement nécessaire.
Jean-Paul Baquiast
(1) Cf notre article "Comment définir le Système et comment lutter contre lui ?".
2) Fermeture de Lavabit. Voir The Guardian.
3) Voir une déclaration du General Keith Alexander, patron de la NSA NSA head: Replace would-be Snowdens with computers to stop future leaks ?
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