Le Congrès et le Pentagone, puissants piliers du néant face à la crise

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Le Congrès et le Pentagone, puissants piliers du néant face à la crise

L’actuel Congrès des États-Unis a atteint sans doute la plus basse mesure de popularité dans l’histoire statistique de cette institution : 10% des personnes interrogées en sont satisfaites. Selon le mot de Russia Today, qui lui consacre une analyse ce 10 septembre 2012, «[t]his Congress is one of the most unpopular and unproductive in modern history», – et cela, dans le temps de la plus grave crise générale qu’ait connue les USA depuis la Guerre Civile, et, sans doute, qui s’avèrera dans la perspective bien plus grave que la Guerre Civile puisque crise ultime des États-Unis d’Amérique. Littéralement, le Congrès s’en fout ; de ce fait assez trivial, on ne trouve pas dans son comportement une mesure plus impressionnante de la crise du pouvoir aux USA, certes crise sectorielle mais stratégiquement placée, qui alimente et entraîne tout le reste. Ce qui conduit à observer qu’en fait “du reste”, les restes de l’“Empire” d’une façon plus générale sont littéralement sans tête, la direction étant constituée de mille têtes concurrentes et qui se haïssent les unes les autres, qui ne songent qu’à leurs intérêts, enfin toutes également pourries dans un dernier sursaut d’égalitarisme démocratique.

L’essentiel de l’activité du Congrès est concentré sur la nécessité de dégager de l’argent pour empêcher que le gouvernement cesse ses activités le 30 septembre, faute de crédits puisque jusqu’ici aucune entente n’a été trouvé pour financer son fonctionnement au-delà, surtout parce que le Congrès n’a pas trouvé le temps pour s’attacher au problèmes à cause de ses activités électoralistes et de levage de fonds des lobbies. Ce problème est urgent car une campagne présidentielle sans gouvernement en activité constituerait, outre divers inconvénients pratiques dont on n’a pas mesuré les conséquences, un sommet jamais atteint de ridicule dans l’impuissance qui affecterait vraiment très gravement l’image des USA dans le monde ; et les parlementaires sont on ne peut plus sensibles à l’image, qui est tout ce qu’il reste en fait de puissance réelle… Mais soit, – à part cette course échevelée, rien n’est prévu.

«Aside from preventing a government shutdown, there are few tasks that Congress is willing to deal with this month. A five-year farm bill, which would replace the farm bill expiring at the end of this month, is on the table. The legislation would implement better crop safety net programs and fund the food stamp program. With 46 million Americans eligible for food stamps, putting this bill on hold too long could affect low-income families – but Congress, facing time constraints and disagreement among Democrats and Republicans, is likely to just extend the old bill, the Associated Press reports. The House may also vote on a bill called the “No More Solyndras Act” on Friday, which would take away loan guarantees for solar and wind energy companies from the Energy Department. But the bill is unlikely to pass the Senate.

»While members of Congress are prioritizing their campaigns and the Senate has a shortened September schedule, there will be a lot of unfinished work. Several other important issues are likely to be put on hold, including preventing a 30 percent cut in physicians’ Medicare fees, passing the annual Pentagon policy bill, a Russia free trade bill and legislation to reform the Postal Service.

»“My faith in Congress is pretty minimal,” Dan Ripp of Bradley Woods, a New-York based public policy research firm, told Reuters. The Postal Service is currently losing $25 million a day and could easily default on a $5.5 billion payment into its pension fund if Congress doesn’t act soon. “The metaphor for congressional ineptitude is its inability to even reform the postal service,” said Greg Valliere of the Potomac Research Group. “Members in both parties talk tough about reducing deficits, but they are scared to close a local post office because they will get angry letters from constituents.”

»And at a time where lawmakers are campaigning to keep their seats, they are unlikely to deal with tough issues until after the election, putting aside everything that does not have an immediate deadline and taking risks that could trigger another recession.»

Il est par conséquent infiniment probable, sinon d’ores et déjà certain, que rien de concret et de constructif contre la crise générale ne sera faut d’ici les élections (c’est assuré) et d’ici la fin de l’année et le prochain Congrès (rentrée en janvier 2013). Cela signifie que toutes les (faibles) mesures pour tenter de contenir, ou de freiner la crise économique et sociale, resteront lettres mortes. Or, chaque jour montre combien la situation américaine est devenue structurellement gravissime. Le site Shadow Governement Statistics (SGS, accès payant), qui constitue un double statistique “dissident” et encore plus sérieux que les statistiques officielles, tous faussées en général, a fait un calcul serré concernant le chômage réel aux USA. Les principaux éléments sont repris par Michael Collins, de The Money Party, le 10 septembre 2012. Le chiffre réel est de 23% de chômeurs («23% of the work force», c’est-à-dire de la population dans le circuit économique actif)…

«There was a shadow over the national conventions of both political parties. The people know that the economy is much worse than anyone in the power structure will admit. As usual, the people are right. The real rate of unemployment is 23%, not the official figures we hear on a regular basis. The 23% figure represents all of those unemployed no matter how long, the involuntarily under employed (part time), and those who have given up looking, the discouraged, due to an chronically arid job market. If either wing of The Money Party, Democratic or Republican, admits to the the real unemployment situation, they would be forced to admit a complete system failure and compelled to act now. There would be no choice but to drop the nonsense about austerity and balanced budgets…»

…Là-dessus, et si l’on veut progresser, l’on aboutit à un épisode de plus, qui est celui de la fameuse question de la non moins fameuse “séquestration” (activée fin décembre 2012), pour laquelle aucun accord n’a été atteint entre les deux partis, et pour laquelle un accord semble complètement improbable évidemment. Dans cette fameuse question de la non moins fameuse “séquestration”, on trouve le Pentagone, trônant au milieu des victimes désignées. Le Pentagone craint comme la peste la fameuse séquestration, arguant que cela le mettrait dans une situation extrêmement difficile, comme si l’on pouvait encore croire que, sans la séquestration tout n’irait pas si mal. Bien entendu, cette remarque est tout sauf le constat de la vérité… Le Pentagone, même dans son état courant, est un autre domaine de la même crise qui affecte la pouvoir aux USA.

Actuellement une énorme étude de réforme du Pentagone est en cours, du type “Ground Zero” (repartir de zéro…), ou encore du type “creative destruction” (tout démolir en espérant que le Pentagone repousse d’une façon plus cohérente). L’étude est conduite par le Defense Business Board, une des puissantes et très officielles commissions internes au Pentagone. AOL Defense avait eu, le 30 août 2012, une interview exclusive d’Arnold Punaro, le directeurs de cette étude, ancien général du Corps des Marines, ancien directeur du bureau d’analyse de la Commission des forces armées du Sénat, – qui plus est, la pratique aidant, pas la langue dans sa poche, Punaro...

«If If the Pentagon wants to buy weapons that are delivered on time and don't cost too much, then it should take decades of regulations, totaling thousands of pages, and “put a match to it,” the chairman of a Defense Business Board study told AOL Defense. […] “When you look at the thousands and thousands and thousands of pages of regulations that have crept in over the years, we say ‘start over…’” […]“If it was me, I'd take 'em all and put a match to it,” Punaro said Wednesday. It would be a big fire. The government-wide Federal Acquisition Regulation (FAR) is 2,013 pages long. The DoD-specific Defense Federal Acquisition Regulation adds another 1,903 pages. And the handbook for Pentagon acquisition officers is 962 pages, according to the study that Punaro chaired for the Pentagon's Defense Business Board… […]

»Common-sense decision-making is paralyzed by regulations meant to prevent any possibility of impropriety. Scandals like the General Services Administration spending too much on lavish conferences lead to new regulations and restrictions, Punaro said, but these measures ultimately cause more waste than they prevent by slowing the whole system down.

»“It was appalling what they did at GSA; but what was that, $800,000 dollars? DoD wasted $50 billion of procurement [on programs canceled since 2001] that we never got anything for, and no one was ever held accountable. We don't hold people accountable for the real problems. We hold them accountable for the rinky-dink problems.” “To fix that, burn the current system to the ground and start over.”»

La situation du Pentagone, avec ou sans séquestration est telle que l’appareil militaire US est de plus en plus gagné par la paralysie. C’est là que l’on peut établir un lien direct entre la crise intérieure, la paralysie du pouvoir, etc., et la politique extérieure belliciste et d’agression permanente. (Cette question dont on évite soigneusement de parler, notamment aux conventions des partis et dans la campagne qui vient de s’engager, pour ne pas trop soulever le pansement en-dessous duquel grouille la gangrène.)

Il se confirme de plus en plus que la sortie du général Dempsey, qui a fait si grande impression, est directement liée à cette situation interne du Pentagone. La conviction d’un nombre de plus en plus grand de chefs militaires est que l’infrastructure et les capacités du Pentagone ne résisteraient pas à la tension et aux exigences d’un nouveau conflit. De ce point de vue, la sortie du général Dempsey, dont on a vu qu’elle sert les intérêts d’Obama et qu’elle aurait été plus ou moins passivement acceptée par le même Obama, nous apparaît de plus en plus être aussi, et même d’abord, une démarche propre aux militaires. Il apparaît de plus en plus probable qu’à cause de cette situation interne du Pentagone, les chefs militaires sont prêts à des décisions extraordinaires pour s’y opposer. On évoque même une possibilité qui se rapprocherait d’une sorte de “coup d’État” si une possibilité de conflit, contre l’Iran mais aussi contre la Syrie, se dessinait jusqu'à devenir une possibilité extrêmement sérieuse.

(Quel “coup d’État” ? L’hypothèse n’est pas comploteuse ni vraiment séditieuse mais répond à un schéma assez classique et qui a déjà été sur le point d’être concrétisée. Le 27 décembre 2006, l’excellent expert William S. Lind suggérait que les cinq généraux du comité des chefs d’état-major [leur président, – actuellement Dempsey, – et les CEM des quatre armes, Air Force, Army, Navy et Marine Corps] démissionnassent collectivement si un projet d’attaque de l’Iran devenait réalité et leur était demandé. Cette idée venait d’un précédent de 1967, durant la guerre du Vietnam, comme l’avait révélé Mark Perry dans son livre Four Stars : les cinq membres du JCS avaient envisagé une démission collective pour dénoncer la stratégie menée au Vietnam. Cet acte collectif était assimilé à un véritable “coup d’État” bureaucratique bien qu’il n’y ait aucune illégalité dans cette démarche ; finalement, les généraux reculèrent devant la gravité de la chose.)


Mis en ligne le 11 septembre 2012 à 12H41