Le Congrès, le JSF et le double talk du Pentagone

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D’abord, pour l’ambiance, cet échange, au Congrès des Etats-Unis, le 20 mai. Cela se passe entre Michael Sullivan, du GAO, venu présenter le dernier rapport du GAO sur le F-35 devant une sous-commission spéciale chargée de la modernisation des forces aériennes, déléguée par la commission des forces armées de la Chambre, et un Représentant démocrate membre de cette sous-commission, Eric Massa, de l’Etat de New York:

Michael Sullivan: «[the F-35 production] plan is still very aggressive, very little white space, very little room for error…

Eric Massa: «The F-35 and the numbers at the prices that you have discussed today simply will not happen. It won't. And I suggest for the record that you know it and we know it and the people that sent you over here know it.»

Le Congrès commence, si l’on peut dire, à s’affoler sérieusement, notamment des plans, ou plutôt de l’absence de plans qui semble constituer la “feuille de route” du Pentagone dans le débat sur le budget de l’année fiscale FY2010. Cela concerne particulièrement l’USAF et ses “plans” qui n’en sont pas. Le Daily Report de l’Air Force Association de ce 26 mai 2009, qui rapporte divers détails à propos de cette audition de Michael Sullivan, rapporte également ceci:

«[Rep. Roscoe Bartlett (R-Md.)] and other lawmakers expressed concern about decisions that arbitrarily ends F-22 production, that bank much of the nation's tactical air capability on an unproven F-35, that shed some 250 legacy fighters earlier than anticipated and without Congressional consultation… […] Bartlett asserted: “We can't see the strategy. We can't see the assumptions. We can't see the plan for the out years.” Rep. Eric Massa (D-N.Y.) went further, describing that hearing and others as “a series of testimonies that can only lightly be described as incredible Pentagon double talk.”»

Le fameux “Pentagon double talk” dont parle Massa, c’est le sempiternelle réponse donnée par les divers témoins (ministres, sous-ministres, généraux, etc.) à toute question embarrassante: il faut attende la QDR 2010. («Frank LoBiondo (R-N.J.) complained that at every hearing it was the same refrain, “We can’t quite get an answer of what's going to happen with our Air Guard units if the F-35 slips [because] we've got a QDR coming up.” Panel chairman Neil Abercrombie (D-Hawaii) declared that a November timeframe “doesn't do us any good with this [budget] markup that we're coming into.”»

Ce qui se dessine est une situation absolument sans précédent dans les rapports entre le Pentagone, le Congrès et le budget annuel du Pentagone (FY2010). Ce budget doit être examiné et voté par le Congrès d’ici octobre 2009. Comme on le voit, les législateurs sont totalement dans le noir, incapables de distinguer où conduit ce budget, alors qu’on se trouve à un moment de rupture complète, notamment et fondamentalement concernant l’USAF. Cela implique pour le Congrès l’incapacité d’examiner ce budget d’un œil critique, éventuellement avec les amendements que les parlementaires adorent y apporter. En théorie, on aura les réponses sur les perspectives à terme avec la QDR de 2010, qui devrait être bouclée en novembre. Rien ne dit d’ailleurs que cette date sera respectée, les dépassements de délais étant courants dans ce genre d’exercice.

De toutes les façons, la frustration est intense au Congrès devant ce qui ne peut être considéré, pour le budget FY2010, que comme la demande d'une sorte de “chèque en blanc” stratégique (que se passera-t-il en 2011? En 2012? Quels sont les objectifs de forces? Etc. – pas de réponse). Qui plus est, cette circonstance s’impose alors que le programme central, et même presque exclusif, de la modernisation de l’USAF est le JSF, qui devient de plus en plus “une énigme enrobée de mystère” présentée par un discours virtualiste fabriqué de A jusqu’à Z. Les remarques du député Massa donnent la mesure de l’appréciation des parlementaires sur le programme JSF, qui est en train de polariser toutes les méfiances, voire toutes les rancunes. La chose ne se manifeste pas encore en mesures concrètes mais on pourrait y venir.

Notre appréciation est qu’il est très possible que des événements importants aient lieu au Congrès d’ici octobre-novembre prochain. On pourrait par exemple envisager que le Congrès vote une loi fiscale FY2010 conditionnelle, selon les résultats de la QDR, ou repousse le vote de cette loi FY2010 en attendant les résultats de la QDR, pour évaluer les intentions de l’administration Obama.

Dans tous les cas, la situation budgétaire et stratégique du Pentagone, avec en son cœur la situation de l’USAF et précisément celle du programme JSF, est absolument sans précédent. Effectivement, le programme JSF est au cœur de la crise du Pentagone.


Mis en ligne le 26 mai 2009 à 14H15