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507423 mai 2022 (17H25) – Il y a eu un des débats semi-annuels dits-‘Munsk’, à Toronto, au Canada, datant du 12 mai et dont la diffusion sur YouTube a eu lieu ce jour du 23 mai 2022. Deux groupes de deux personnalités du monde de la diplomatie, certains fort peu idéologisées et d’autres idéologisées au maximum possible du cynisme, étaient, comme l’on dit, “opposés”. Je vais simplifier les étiquettes, mais suis sûr que l’on me comprendra à demi-mot.
• D’un côté, les “réalistes”, certainement pas antirusses d’une foi assurée du Seigneur, pas du tout non plus prorusses sans nuances, mais enfin qu’on trouve parmi ceux qui trouvent beaucoup, beaucoup à redire dans l’actuelle politique du bloc-BAO dans Ukrisis. Les deux hommes sont deux universitaires célèbres, US bien entendu, qui se sont illustrés en mettant à nu l’influence du lobby israélien sur la politique extérieure US : le professeur en relations internationales de Harvard Stephen Walt et le politologue John Mearsheimer. Bien qu’honorables, et parce qu’honorables, ces personnages chargés de titres et de diplômes sont pourtant rien d’autre et rien de moins que des ‘dissidents’.
• De l’autre côté, deux diplomates si l’on peut dire puisque l’un fut ambassadeur des USA à Moscou et l’autre ministre des affaires étrangères de Pologne (mais avec de fort liens avec les USA, puisqu’époux de l’hyper-pétroleuse Ann Applebaum, historienne et chroniqueuse de Washington ‘Post’), – respectivement Michael McFaul et Radoslaw Sikorski avec son parcours sinueux. Ces deux-là sont des vedettes de la communication postmoderne, personnages au moins beaucoup plus médiatiques que diplomatiques, du fait de leurs interventions souvent très... médiatiques et parfois même brutales (Sikorski lorsqu’il parlait du ‘blowjob’ au profit des USA et de la fonction de ‘total suckers’ assignée aux Polonais à l’égard de leurs confrères américanistes, – traduction non cataloguée mais retournement de veste dudit Sikorski assuré). Quoi qu’il en soit, les deux vedettes médiatiques sont, dans cette séquence en Ukrisis où se déroule une terrible attaque contre l’humanisme et la civilisation en cours, – elles sont parfaitement bien alignées-neocon dans un antirussisme absolu et c’est bien le rôle qu’ils tiennent dans le débat.
Il y a un passage remarqué dans cette conférence où les exposés des uns et des autres sont suivis d’échanges, parfois vifs et colorés, de la sorte où l’on se laisse aller à l’ivresse d’une vérité qu’on peut enfin clamer à haute voix. Voici le cas, repris de diverses sources, dont celle-ci et celle-là :
« Wall s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles Washington n'a cessé de pousser à l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, malgré les préoccupations sécuritaires soulevées par Moscou.
» Wall : “En 2021, nous n'avons cessé de répéter que l'Ukraine allait rejoindre [l'OTAN]. Nous n'avons cessé de le répéter, encore et encore”.
» Interrompant le professeur et affirmant que Washington n'a en fait jamais été sérieux quant à ces perspectives :
» McFaull : “Et vous l'avez cru ?!”
» Wall : “Donc, nos diplomates mentent ?”
» McFaull : “Mais oui ! Mais oui bien sûr ! Ca, c’est le monde réel, les gars, pensez donc !”
» Rires du public.
» Wall : “Nos diplomates mentent tout le temps, et pourtant les Russes devraient leur faire confiance lorsqu'on leur offre des garanties...”
» Applaudissements du public. »
Voilà un échange pétillant, sympathique, qui nous donne un symbole convainquant de ce que nous nommerions la “nouvelle diplomatie” US, qui a mûri au long des années1990 pour éclore dans toute sa splendeur à partir de la date symbolique du 11 septembre 2001. Les déclarations connues depuis ont parfaitement défini les conditions nouvelles de la psychologies américaniste, et, partant, celles de la diplomatie américaniste.
Pour rappel, la plus bombastique d’entre toutes :
« Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité. Et alors que vous étudierez cette réalité, – judicieusement, si vous voulez, – nous agirons de nouveau, créant d’autres nouvelles réalités, que vous pourrez à nouveau étudier, et c’est ainsi que continuerons les choses. Nous sommes [les créateurs] de l’histoire... Et vous, vous tous, il ne vous restera qu’à étudier ce que nous avons [créé]. »
Ce n’est pas dire que la diplomatie américaniste était exemplaire auparavant. Elle savait fabriquer des provocations ou de véritables “pièges” (comme April Gaspie et Saddam Hussein en juillet 1990) ; au reste, elle n’était pas la seule à faire cela, d’autres y cédaient bien volontiers. Sur le fond, cette diplomatie des États-Unis poursuivaient en général des buts « sordides » (selon le mot de Lamartine [*], qui les connaissait bien et ne les aimait pas), – comme l’Amérique a toujours fait après tout, et ne cesse de faire :
« Trafiquants, acharnés, fiers de ne connaître que ce qui rapporte, et qui vivent dans une fièvre de richesse à tout prix. » (Lamartine)
Il y avait pourtant, pour notre ère, surtout depuis que les USA étaient entrés dans le concert international, une certaine continuité et un respect des engagements une fois que ceux-ci étaient passés, et quoi qu’on en pensât. Durant la Guerre Froide, une stabilité fut ainsi établie dans les relations internationale grâce à ce contrôle de soi des diverses diplomaties en action. C’était ce qu’on nommait “l’ordre international”, qui prenait en compte les vertus et les vices de chacun mais entendait ordonner le tout selon les règles admises par tous, sinon par traités et chartes bel et bien signés. Un engagement américain (on peut leur rendre ici ce qualificatif) était malgré tout quelque chose de respectable.
Personne, j’en ai le souvenir bien précis car on en parla beaucoup, ne douta un instant des paroles des différents protagonistes (Bush-père, Gorbatchev, Kohl, Mitterrand, Thatcher puis Major) lorsque, à propos de la réunification de l’Allemagne en 1990-1991, on jugea évident que l’OTAN ne dépasserait pas la frontière Est de l’Allemagne réunifiée. C’était même un entendement complètement légalisé puisque la réunification elle-même nécessitait l’accord officiel, conjoint et reconnu les uns par les autres, des quatre puissances occupantes de l’Allemagne depuis 1945 (France, UK, URSS et USA). Tout le monde y croyait et s’y tenait.
Je crois indiscutable que le changement de la chose américaine qui dissimulait l’américanisme tenu à un certain ordre, en un déchaînement américaniste à ciel ouvert se fit avec Clinton et sa psychologie “légère” (dans tous les sens du mot), sa façon de faire de petit sauteur moderniste, sa considération nonchalante pour les questions de sécurité collective au profit des grandes perspectives économique et technologiques où régnerait l’Amérique. C’était une nouvelle génération, dont la psychologie moderniste, à la fois irresponsable et fondamentalement déconstructrice, peu soucieuse sinon méprisante des règles et complètement subjective jusqu’à être complètement subversive, préparait, quasiment comme le ferait un vrai-de-vrai “complot”, l’entrée dans le XXIème siècle qui se fit entre le “coup d’essai” de l’attaque du Kosovo du 23 mars 1999 et son coup de maître du 11-septembre.
Cette attaque désintégra complètement toutes les normes qui avaient jusqu’alors contenu le désordre dont Clinton avait été l’artisan zélé activant avec enthousiasme le chaudron bouillonnant de la sorte qu’affectionnent les sorcières à braguette, avant d’en extraire la potion magique ; vous comprenez, exactement comme l’on éjacule, de vraiment pas plus haut... Effectivement, la psychologie américaine-américaniste en fut définitivement transmutée, en une sauvagerie, une barbarie bureaucratique et impitoyable, et aussi d’une bêtise presque grandiose. Je répète souvent le mot de Cheney, homme indispensable de la période par sa stupidité de béton, supplantant même celle de GW, – parce qu’il nous dit tout, n’est-ce pas :
« J’avais écrit, dans Chronique de l’ébranlement, en 2003 : “Vous autres, Européens, vous n’imaginez pas l’ampleur de l’effet qu’a produit sur nous l’attaque du 11 septembre”: ce mot du vice-président Cheney à un ambassadeur d'un pays européen venu lui faire ses adieux, en novembre 2002, résume bien l’effet le plus profond de l'événement, exactement contraire à ce que nous en crûmes, de façon presque unanime, quand il se produisit.” (Information exclusive, donnée puisqu’il y a prescription : l'ambassadeur cité était celui de la France.) Je crois à la franchise de Cheney, et je crois qu’il a effectivement été transformé comme il le dit ; et je le crois, même s’il y a eu “complot” ou complicité de certains services US, et lui-même (Cheney) au courant sinon la main à la pâte, c’est-à-dire lui-même psychologiquement transmuté par un événement qu’il aurait contribué [lui-même] à fabriquer en simulacre, – cela explicable par l’extraordinaire appauvrissement psychologique qu’implique l’américanisme. »
C’est donc à partir de là que cette psychologie américaniste déjà si faiblarde et pleine de travers contenus à grand’peine, se libéra de toutes ses entraves et devint ce qu’elle est aujourd’hui : sauvage et barbare, et d’une stupidité extrême, sans fard ni maquillage, brute de connerie, exposant sans la moindre retenue cette espèce de vanité de l’hybris du pauvre, comme le fait McFaul, sorte de crétin irresponsable et si content de l’être (crétin).
Pour ces gens et de ces gens, il n’y a donc rien à attendre, rien de plus et rien de bon. Ce sont littéralement, des créatures, des “petites mains” du diable, parce que si faciles à faire tomber dans ses filets (ceux du diable). Pour eux, le mensonge n’existe pas puisqu’ils ne connaissent rien de la vérité. Ils se targuent de mentir, mais si stupides qu’ils n’en savent même rien, ils ne savent même pas ce que c’est quye mentir, puisqu’impuissants à imaginer la référence suprême qu’est la vérité. Alors, ils font des bons mots, comme McFaul, et on en rit dans la salle.
C’est par cela, mes amis, que nous sommes fascinés ? Que dire de plus ?
(*) Ces mots et jugements de Lamartine sont dans une note de quelques pages d'un livre d'Henri Guillemin sur divers auteurs, – chapitre « Lamartine et les Américains », dans 'Précisions‘, de Guillemin, chez Gallimard. Guillemin nous rappelle que Lamartime fut ministre et diplomate et que, dans les affaires étrangères, Metternich le tenait comme « très lucide ».
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