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39726 janvier 2024 (18H10) – Il faut reconnaître aux évènements, depuis octobre 2023, – le 7, anniversaire de Poutine, suivez mon regard Niki Haley, – une coordination presque parfaite. La montée, – non pas “en puissance” qui suppose une manœuvre humaine mais “en paroxysme” qui implique qu’on est trainés, entrainés par le bout du nez, – suit une inclinaison quasiment similaire, au point que l’on pourrait parler d’une pente commune, d’une crisologie commune, d’une pathologie et d’une psychologie communes. L’Humanité, la Civilisation et la Catastrophe sont enfin réunies, et je ne prétends nullement en être le démiurge, – « Ne me faites pas rire », disait Talleyrand à Lafayette à la Fête de l’Être Suprême.
On va donc dresser ici, non un bilan mais une mesure des choses à ce point où elles nous permettent de le faire. Notre approche sera très générale bien qu’il n’y ait qu’une plume, celle de moi-même PhG, au gouvernail (c’est le ‘Journal’ de PhG, après tout). Mais croyez-moi ! En cet instant rien ne me réjouit moins que d’“être à la barre” d’une barre qui manœuvre à sa guise.
En gros, nous considérons que la fameuse GrandeCrise, – est-ce bien l’expression qu’on lui peut appliquerai, oui ? – se divise en trois grandes entreprises, lesquelles entretiennent de multiples annexes qui prétendent diversement être elles-mêmes autant de “crises” (des “sous-crises”, oui). Nous procédons selon ce saucissonnage qui est le fait des dieux eux-mêmes.
Celle-là est extrêmement dynamique, avec des acteurs incroyablement butés, des massacres qui ne se cachent de rien, des plans à n’en plus finir jusqu’à l’embrasement complet de la région. Comme d’habitude, ce sont les américanistes qui mènent la marche en avant et le rythme effréné de production des manœuvres nommées ‘conneries’. Lyrique et toujours appuyé sur sa brillante culture, Alastair Crooke décrit bien la posture américaniste, et convoquant rien de moins que le divin Homère :
« L’un des principaux thèmes de l’Iliade d’Homère – qui, d’une manière ou d’une autre, semble aussi frais et aussi vivant aujourd’hui que lorsqu’il a été écrit pour la première fois – est la description de la manière dont même les plus grands États de la civilisation occidentale ne parviennent pas à récupérer ce qu’ils ont perdu. “Les tentatives de réparation d’une perte n’aboutissent qu’à d’autres pertes”, écrit Emily Wilson dans son introduction à l’Iliade (2023). “La perte ne peut jamais être récupérée”.
» Alors que Wilson expose son histoire, on ne peut échapper à l’analogie avec aujourd’hui – avec un Biden cherchant à récupérer la “réputation” (Kleos en grec) américaine. Dans le cas des dirigeants de l’Antiquité également, l’objectif d’atteindre un kleos éternel est présent dans tout le poème. »
C’était sa ‘kleos’, c’est-à-dire l’hégémon américaniste, que Biden l’automate était venu chercher à Jerusalem en embrassant Netanyahou, – qui le hait autant que Biden hait Netanyahou, – et en applaudissant à sa campagne anti-terroriste consistant à liquider le peuple palestinien. Depuis, Biden et ‘kleos’ se sont repris et cherchent à reculer, d’autant que la populace américaine, qui vote encore comme on le sait, n’apprécie pas la méthode-Netanyahou.
Le Pentagone s’est alors précipité, encouragé par ‘Ol’White Joe’, dans une tâche beaucoup plus noble : la protection de la liberté de navigation de commerce agressée par les Houthis, aussitôt identifiés une fois de plus comme terroristes. Le résultat de la riposte n’est pas brillant puisque c’est tout le commerce mondial de l’hémisphère Sud qui est plongé dans le plus grand désordre, entre Suez, Mer Rouge, Cap de Bonne-Espérance et Océan Indien.
On se trouve alors placé devant le “Jeu de l’Escalade”, marche par marche. On passerait à des attaques anti-Houthis, grâce au miraculeux et vénérable ‘Tomahawk’, mis à toutes les sauces depuis 40 ans. Si cela ne suffisait pas, on passerait à une campagne terrestre au Yemen dont on sait la redoutable efficacité : la guerre contre le Yemen dure depuis bientôt 10 ans, sans résultat ; mais cette fois, ‘fuck’, le ‘kleos’ de Biden en campagne électorale serait directement en jeu. Si cela ne suffit pas, eh bien attaquons l’Iran ! Enthousiasme des plus vieux grands-pères neocons qui, depuis 2003 et l’attaque de l’Irak, ne cessent de répéter : « Un vrai mec, un vrai dur doit aller jusqu’à Teheran ».
Pendant ce temps-là, bien entendu, tout auréolées de leurs glorieux massacres de Gaza qui ont pulvérisé hôpitaux et écoles sans guère entamer le réseau souterrain du Hamas, les IDF israéliennes iraient se frotter au Hezbollah pour se retrouver également contre l’Iran. Mercouris-Christoforou se désespèrent ou se perdent en rires de dérision d’une telle sottise répandue avec une telle générosité d’idiot congénital. Tout est dit dans un article de ‘Politico’, repris par ‘Spoutnik-français’. Voyez comme cet ensemble gracieux de violences coule de source lorsqu’on nous l’explique par la simplicité de l’enchaînement des vertus :
« L'armée élabore des plans pour riposter aux militants Houthis soutenus par l'Iran qui attaquent des navires commerciaux en mer Rouge, poursuit ‘Politico’. Cela inclut une frappe de cibles houthies au Yémen, note l’un des fonctionnaires.
» Pour sa part, le renseignement américain cherche des moyens d'anticiper et de repousser d'éventuelles attaques contre les États-Unis par les forces soutenues par l'Iran en Irak et en Syrie, d’après une source.
» Le risque d'un conflit plus large s'accroît à la suite d'une série d'affrontements survenus ces derniers jours en Irak, au Liban et en Iran. Une éventuelle escalade pourrait nuire à Joe Biden lors de la période électorale 2024, note le média. »
Au cas où vous n’auriez ni suivi, ni compris, il s’agit d’une « nouvelle guerre américaine » portant le nom charmant de ‘Prosperity Guardian’, sous le regard désabusé du vraiment très-vieux président Carter, quasi-centenaire et constatant :
« Les États-Unis sont la nation la plus belliqueuse de l’histoire du monde. »
Il est vrai, comme le dit la même Niki Haley en dénombrant les infamies de Poutine, que toute cette agitation donne bien du mal à l’Ukraine et à Mister Z pour suivre le rythme et encore figurer sur les manchettes à sandales des premières pages de la presseSystème en escarpins brodés. Néanmoins, Mister Z garde du souffle en réserve, et il sait bien qu’au fond de lui-même il reste une place dans la ‘kleos’ du vieux Joe pour y déposer la cause sacrée de l‘Ukraine. Aussi s’est-on arrangé, dans cette même presse en escarpins brodés puisqu’il s’agit tout de même du ‘Financial Times’(FT), de nous expliquer qu’avec l’Ukraine, une défaite n’est pas vraiment une “défaite”, et que cela tend même à ressembler au contraire.
Pour autant, un conseil pour Mister Z : se méfier des faux-ami. S’il s’agit bien du FT, il faut bien voir que le stratagème élégant qui nous est offert n’a pour but que de permettre au vieux Joe tout pourri de prendre ses distances de Mister Z. C’est Alastair Crooke qui se charge de l’aimable besogne d’avertir Mister Z :
« Aujourd’hui, nous pourrions l’appeler “l’héritage” d’une personne. Dans l’Iliade, il s’agit d’une définition qui donne aux dirigeants mortels la possibilité de vivre après leur mort dans l’honneur et la gloire. Pour l’équipe Biden, l’Ukraine était censée être leur Troie. La Russie, comme Hector, était piégée dans un combat et (comme l’espérait l’équipe Biden) tuée sous les murs de Troie.
» Mais dans le monde d’aujourd’hui, les choses ne se sont pas passées ainsi. Aujourd’hui, les États-Unis sont confrontés à l’humiliation d’une nette victoire russe en Ukraine et d’une direction russe collective qui affirme son intention de récupérer toutes les terres et les villes qui étaient culturellement russes. L’Ukraine occidentale, disent-ils, peut aller “où elle veut”.
» Les faits militaires sur le terrain sont implacables et ne peuvent être ‘cancellés’. Mais la Maison-Blanche espère conserver une parcelle de kleos en faisant simplement en sorte que les forces ukrainiennes cessent de se battre, se replient sur des lignes de défense – sans jamais dire “défaite”. La composante cinétique du conflit fonctionnerait à peine à bas régime. Et, comme l’a écrit Gideon Rachman dans le ‘Financial Times’, pour “inverser le récit en insistant de manière répétée sur le fait que Poutine a échoué.” L’objectif étant que Washington puisse tranquillement “s’éloigner”.
» Il y a deux gros problèmes : Premièrement, la Russie n’est pas d’accord ; elle n’est pas du tout d’accord. Deuxièmement, Zelenski et ses associés ont été gravement trompés. Non pas, en l’occurrence, par la déesse Athéna, mais par les mortels, Messieurs [Boris] Johnson et Blinken...»
Mais notre avis, et j’insiste là-dessus, est que Mister Z n’a pas dit son dernier mot. On ne l’a pas vraiment remarqué, mais il a reçu un allié de très grand poids : le nouveau ministre polonais des affaires étrangères, Sikorski, qui réclame à corps et à cris que l’on livre des ‘Tomahawk’, toujours eux, à Mister Z pour qu’il puisse figurer noblement dans la bataille, taper jusque près de Moscou et signifier au Russe barbare et inculte que rien n’est fini pour lui et que tout continue jusqu’à sa destruction mutuelle assurée.
On reviendra sur ce Sikorski, qui n’est pas n’importe qui et qui a de sacrés connexions à Washington, qui pourrait bien à nouveau faire aller le balancier vers l’Ukraine. Il est bien capable de faire comprendre à la direction washingtonienne que la partie ukrainienne est, pour le moins, aussi importante que la partie israélienne et iranienne. Cela signifie que rien n’est vraiment fini du côté de l’Est de l’Europe (je prends bien soin, dans cette phrase-là et rédigée comme elle l’est, de parler de cette région elle-même et non pas de la seule Ukraine).
C’est un autre “front”, dont parle peu en tant que tel, et qui a pourtant tout pour devenir le plus important... Il l’est déjà, d’ailleurs. Si Biden a le comportement qu’il a dans les deux crises dont on vient de parler, c’est parce qu’aux USA la campagne des présidentielles a commencé dans un grondement de tonnerre.
Nous parlons souvent de la situation US, dans la rubrique qui est réservée à ce pays et à sa crise, alors je ne m’y attarde pas trop. Il n’empêche qu’il y a une nouvelle d’importance : le recours en appel de l’équipe Trump à la suite du jugement de la Cour Suprême du Colorado a été accepté par la Cour Suprême des États-Unis, qui donnera sa décision finale le 9 février. D’une façon générale, la grande majorité des commentateurs et experts du domaine juridique estiment que la Cour Suprême refusera la décision de la Cour du Colorado, estimant par conséquent que l’argument du 14ème amendement de la Constitution, sur la participation sinon la direction d’une insurrection ne peut être avancé contre la candidature de Donald Trump.
Pour autant, Donald Trump lui-même, qui a l’habitude de clamer partout un solide optimisme, est très inquiet sinon obsédé par une possibilité que l’une de ses avocates, qui a commenté la chose, ne juge nullement déraisonnable. Il s’agit de la crainte que la majorité des juges conservateurs, donc pro-Trump en principe, n’estime que leur décision soit jugée comme trop partisane et refuse de se prononcer dans ce sens.
« L'ancien président américain Donald Trump serait de plus en plus nerveux à l'idée que la Cour suprême des États-Unis - dont trois juges ont été nommés au cours de son mandat - puisse se ranger contre lui dans la lutte pour sa disqualification aux élections primaires de 2024 au Colorado.
» Selon un rapport récent, Trump a exprimé en privé qu'il craignait que les juges conservateurs ne se prononcent contre lui, de peur d'être considérés comme “politiques” s'ils devaient se prononcer en sa faveur.
» Dans une interview accordée à une chaîne d’information américaine, Alina Habba, avocate de Trump, a fait écho plus ouvertement à ces mêmes craintes. “C'est une préoccupation qu'il m'a exprimée, il l'a exprimée à tout le monde publiquement, pas en privé. Et je peux vous dire que sa préoccupation est valable”, a déclaré Habba. “Les républicains sont conservateurs, ils deviennent nerveux.”
» La Haute Cour est devenue beaucoup plus conservatrice sous l’administration Trump, l’ancien président ayant nommé trois juges conservateurs – Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett – à la magistrature. “Malheureusement, ils hésitent parfois à se montrer pro-Trump parce qu'ils ont le sentiment que même si la loi est de notre côté, ils peuvent sembler influencés comme le ferait le côté démocrate. Alors ils essaient de paraître neutres”, a-t-elle ajouté. »
Effectivement, telle qu’elle est présentée cette possibilité apparaît tout à fait crédible et elle contribue d’ores et déjà à projeter une ombre de plus sur ce que sera la décision de la Cour Suprême, avec dans le cas où il y aurait des doutes, la possibilité de troubles populaires et aussi des mouvements de révolte du côté de certains États. (Par exemple, le Texas a menacé de supprimer le nom de Biden sur la liste des candidats présenté aux électeurs si celui de Trump n’y figurait pas.)
Jonathan Turley a écrit que la seule façon de rattraper l’inconstitutionnalité de la décision de la Cour du Colorado est un vote unanime des neuf Juges de la Cour Suprême des États-Unis contre cette décision. Il semble qu’on en soit de plus en plus éloigné et que la décision du 9 février pourrait devenir l’étincelle qui allumerait le feu d’une véritable guerre civile où tout le monde dénoncerait la partialité en tous sens des Juges, et alors un tel mouvement compromettant le principe même de l’élection au nom du terrible antagonisme régnant dans le pays entre les électeurs républicains et les électeurs démocrates. Cela est d’autant plus envisageable que les directions démocrates et républicaines sont, en raison de leur médiocrité et de leur compromission au-delà de toute description, complètement discréditées aux yeux de leurs électeurs et n’ont plus aucune autorité qui pourrait effectivement reprendre en main un véritable mouvement de révolte.
Il s’agirait alors de la “guerre ultime” de cet ensemble de crises guerrières qui conduit la course effrénée vers le paroxysme de la GrandeCrise. Toutes les relations internationales impliquées dans les crises en cours se trouveraient paralysées et sans plus aucune perspective de remise en ordre selon les lois, ou “règles” en cours comme disent les dirigeant de l’Occident-compulsif et devenu hyper-dépressif. Le cours de la civilisation elle-même serait livré à des courants complètement incontrôlables. Nous serions au terme du temps de la modernité comme nous l’avons connue s’édifiant et se développant depuis cinq siècles, – la domination de l’anglosphère et de l’américanisme n’étant en fait que la dernière époque de ce temps, – et cette époque-là conduisant à l’effondrement.