Le Danemark et la Norvège se regroupent pour envisager de dire “non” au JSF

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Dans les années 1974-75 que nous avons bien connues, nous autres vénérables journalistes, des “petits” pays de l’OTAN s’étaient regroupés pour acheter ensemble un avion de combat. Ce fut le F-16, commandé conjointement par la Norvège, le Danemark, la Hollande et la Belgique (dans l’ordre, du Nord au Sud). Aujourd’hui, on assiste à l’ébauche d’un processus peut-être inverse. Deux de ces quatre pays, qui cherchent un successeur au F-16, la Norvège et le Danemark, se sont regroupés pour former plusieurs comités communs d’évaluation du JSF (des Cost Review Committees, ou CRCs), dans une procédure qui pourrait aboutir à un refus de commande du JSF alors qu'ils sont déjà engagés dans son programme de développement. Etrange retour de la formule, sinon des choses.

Bref, le JSF va mal sur tous les fronts. Jusqu’ici, sur le front Danemark-Norvége, c’était la Norvège qui avait mené, seule, sa fronde anti-JSF. Cette fois, le Danemark, pourtant impeccablement pro-américaniste, se réveille.

Quelques extraits d’un long article sur la question, principalement le débat au Danemark, dans Defense News du 31 mars. Le Danemark participe au programme de développement du JSF à titre de coopérant international et était apprécié comme un acheteur évident du JSF, pour 48 exemplaires remplaçant sa flotte de F-16. C’était tellement évident que Eurofighter, qui appartient au groupe EADS, a retiré son Typhoon de la compétition en décembre 2007. (Peut-être ce type de décision, assez peu compréhensible au vu de la situation en Norvège et au Danemark, aident-elles EADS dans l’affaire de la commande de l’USAF pour le programme KC-45.) Actuellement, il ne reste plus que le SAAB JA-39 Gripen contre le JSF. Mais la côte du JSF s’effondre.

«“We must assess the costs at tached to all of the candidate aircraft. Our budget for the fighter re placement program has been set, and I do not think that it can be in­creased significantly. The cost over runs for the JSF appear to be high, and of course this worries us,” Soren Gade, Denmark’s defense minister, told the Folketinget (the national parliament) March 19.

(…)

»…The U.S. Congress’ Government Accountability Office’s (GAO’s) cost review of the JSF program will draw attention in Denmark and Norway, said Mikkel Vedby Ras mussen, director of Dansk institut for Militaere Studier (Danish Institute for Military Studies).

»“The new price tag should open the eyes of politicians who have been undecided about whether to support any official decision by defense agencies to go with the JSF,” Rasmussen said. “It would be wise to wait before making any decision on the project, because the armed forces still does not know what aircraft type it really needs or what the planes will cost to purchase. The JSF is certainly not the low-cost fighter that both Denmark and Norway, not to mention Lockheed Mar tin, said it would be.” New GAO estimates revised not only the JSF’s per-unit cost but also the probable delivery date, which could now be 12 to 27 months behind the previously declared schedule, said Espen Barth Eide, the secretary of state at Norway’s MoD.

(…)

»“Prime Minister Anders Fogh Ras mussen’s Liberal Conservative government made no secret that it would like to consolidate its very close support of the U.S. by acquiring the JSF,” the MoD insider said. “This might have been possible when unit costs for the JSF were under $50 million, but unit costs are now around $122 million and rising all the time. It could be political suicide for Rasmussen to agree to deal at this price.” Gade refused to say if the JSF’s spiraling costs have put the aircraft outside Denmark’s economic reach.»

On commence à s’habituer aux défaites et aux désastres US. Le JSF commence effectivement à prendre l’allure d’une possible catastrophe qui, si elle a lieu, n’aura aucun précédent dans l’histoire de l’aéronautique militaire. Dans l’affaire danoise, on ne parle encore que du prix du JSF, désormais acté à $122 millions l’exemplaire. Les autres problèmes, – délais, problèmes techniques, bourbier politique avec les réticences grandissantes des services armés concernés, surtout la Navy, – sont à mettre en sus, pour encore plus alourdir l’atmosphère.

Les Norvégiens sont plus calmes que les Danois parce qu’ils ont pris date depuis longtemps comme parmi les plus sceptiques par rapport au JSF. On peut alors dire que c’est le Danemark qui se rapproche de la position norvégienne. Cela fait beaucoup de grogne et de troubles parmi les coopérants internationaux. Dans le domaine des positions officielles ou semi-officielles, on peut dire que seule l’Italie, tenue dans une main de fer par l’influence US et ses relais divers dans l’appareil d’Etat, n’a pas exprimé jusqu’ici quelque préoccupation ou inquiétude par rapport à l’évolution du programme JSF. Il semblerait que les coopérants internationaux se soient décidés à lire autre chose que les communiqués de Lockheed Martin pour s’informer. Les très récents rapports du GAO ont constitué un formidable accélérateur de l’inquiétude générale.


Mis en ligne le 8 avril 2008 à 12H40