Le dernier “cadeau” (?) de GW à Tony Blair

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Le dernier “cadeau” (?) de GW à Tony Blair

27 juin 2007— Ici et là ont paru quelques rapports sur un traité “offert” par GW Bush à Tony Blair le 21 juin. Un cadeau d’adieu, qui chercherait à montrer que l’alignement inconditionnel de Blair sur Bush n’était pas sans intérêt pour le Royaume-Uni. Il s’agit d’un accord sur un desserrement des conditions de transfert de technologies US vers le Royaume-Uni, allégement des conditions US draconiennes connues sous le nom de ITAR (International Traffic in Arms Regulations). Le traité n’est qu’un premier pas et rien n’indique que le second soit assuré. Il devra être ratifié par les deux tiers du Sénat (et par la Chambre des Communes du côté britannique mais, de ce côté, on ne voit — pour l’instant — aucune difficulté réelle).

L’attitude du Sénat est loin d’être acquise, comme le note un texte de Defense News du 25 juin : «“The Senate is very aware of the importance of export controls and of preserving and strengthening export controls,” said […Matthew Schroeder, manager of the Arms Sales Monitoring Project for the Federation of American Scientists]»

Quelques extraits de ce texte, précisant différents éléments pour ce qui concerne ce que pourrait être l’attitude du Sénat à ce propos.

»An aide to Sen. Joseph Biden, chairman of the Senate Foreign Relations Committee, which will receive the treaty, declined to predict the pact’s chances of passage, noting the Senate has not received it and is unaware of its details.

»President Bush is not expected to send the treaty to the Senate for several months.

»Although the House will have no role in ratifying the treaty, the House could attempt to prevent its implementation through legislation, Biden’s aide said.

»“There are good reasons not to abandon the export license requirements,” Schroeder said. “Licensing is the cornerstone of export controls” that prevent weapons and technology from falling into the wrong hands.

»Through licensing, exports are reviewed by State Department personnel who have been trained to spot fraudulent documents and recognize diversion attempts. They have access to watch lists and intelligence on untrustworthy arms dealers, Schroeder said.

»“Arguably, you would be eliminating the most important layer of export controls for commercial transfers,” he said.

(…)

» But with multiple bills dealing with Iraq, immigration reform legislation and budgets to pass, the Senate has a fairly full agenda. “I don’t know how all this will play out,” said a congressional aide.

»On the surface, the treaty may appear to be straightforward, “but when you get into the details, that’s where you find surprises,” he said.»

Quant au contenu du traité, d’autres précisions sont données. En fait de précisions, elles contribuent surtout à mettre en évidence la complication considérable du cas, les dispositions de contrôle maintenues à l’intérieur de ce traité et ainsi de suite.

«According to a British government official, the treaty “basically enables that anything on the U.S. Munitions List with a few exceptions” of classified materials can be transferred without licenses to approved entities in Britain.

»“That’s a much greater step” than was proposed by the Clinton administration, he said.

»A key provision in the treaty continues to bar unlicensed sales to third parties. Thus, weapons, parts or defense technology sold to British entities cannot be subsequently sold or transferred without first obtaining State Department approval, Rood said.

»Concern about third-party sales has blocked previous efforts to ease defense trade requirements between the United States and Britain. The United States insists on maintaining control over third-party sales; Britain has considered that an intrusion on its sovereignty.

»Britain will accede to the U.S. on that point, a British official said.

»To qualify for exemption from licenses, firms, facilities and entities will have to be vetted, probably by the U.S. Departments of State and Defense. Details are still being negotiated, Rood said.

»If the trade treaty is approved by the U.S. Senate, it is expected to eliminate the need for “the vast majority” of arms export licenses to Britain, Rood said.

»The treaty would not eliminate the requirement to notify Congress of major arms transfers.»

Tiens, si on parlait de BAE?

On pourrait chercher d’autres références sur ce traité, son contenu, la satisfaction habituelle et réciproque, etc. Celles qui apparaissent ici sont suffisantes pour tirer quelques conclusions importantes et alimenter une analyse générale de la chose.

• Il s’agit vraiment d’un “cadeau” de GW à l’ami Blair. Le traité ne boucle rien, il fait même le contraire : il ouvre un débat sur l’intention principale qu’il voudrait instituer. Il faudra plusieurs mois au Sénat avant qu’il l’examine, et encore plusieurs mois avant qu’il ne statue dessus. On a un peu l’impression qu’il s’agit d’un acte semblable à celui de la décision de Bush, en mai 2006, pour l’autorisation du transfert des technologies du JSF vers le Royaume-Uni. L’accord JSF-UK a finalement été fait, mais dans des conditions qui ne satisfont nullement les promesses de l’accord de mai 2006. Dans les deux cas, nous dirions que nous avons plutôt affaire à un “cadeau” ostensible de Bush à Blair, pour renforcer la stature virtualiste de Blair et sa politique d’alignement sur les USA, — mais qui se solde, ou se soldera, par une capitulation britannique sur le terme, dans la façon dont il est ou sera appliqué, — s’il est ratifié.

• Dans les grandes lignes telles qu’elles apparaissent transparaît d’ores et déjà une chose : l’accord, s’il semble donner au Royaume-Uni des avantages, semble payé d’une conformation plus grande du Royaume-Uni aux règles de fonctionnement US. C’est donc un “cadeau” intégrationniste, amarrant un peu plus les Britanniques aux Américains. C’est un acte typiquement blairiste, lui (Blair) qui voulait verrouiller avant son départ l’allégeance-intégration britannique aux USA.

• Les Américains devraient être contents ? Pas si vite. C’est compter sans leur psychologie et les intérêts des différents groupes de pression et des différentes bureaucraties. Il ne fait aucun doute que le traité va être l’objet de très âpres débats internes au Sénat et, en parallèle, au Pentagone même. Il est probable que des termes vont en être modifiés, dans le sens d’un renforcement du contrôle US sur l’activité britannique. A partir du moment où les Britanniques semblent disposer d’un accès moins contrôlé aux technologies US, c’est dans l’esprit US toute la politique britannique du domaine qui devient comptable de cette disposition, et qui devient par conséquent, selon l’esprit américaniste, une part de la politique US. C’est elle, la politique britannique générale, qui devra être plus contrôlée encore qu’elle n’est. Le traité pourrait ainsi susciter un débat où les exigences générales des USA sur la politique britannique grandiraient encore, impliquant des intrusions beaucoup plus importantes dans la souveraineté britannique. Les Britanniques sont-ils prêts à accepter cela ? Cela nous promet d’intéressants débats en perspective.

• Mais il y a autre chose, qui a été indirectement soulevée par un de nos lecteurs, Dominique Larchey-Wendling, qui nous indiquait une hypothèse de Lyndon LaRouche sur une connexion Cheney-BAE. (On voit par ailleurs nos précisions sur l’intérêt de LaRouche pour BAE.) Dans un texte du 26 juin, LaRouche établit une connexion entre le scandale BAE et le traité Bush-Blair du 21 juin. Il cite l’intervention, du 26 juin, du correspondant d’Executive Intelligence Report (revue appartenant au même Larouche) Bill Jones auprès du porte-parole de la Maison-Blanche, où le porte-parole n’est ni disert ni précisément à l’aise.

JONES: Tony, BAE Systems announced today that it was under investigation by the Department of Justice. Doesn't this make the decision made by the President last week regarding the carte blanche to the British military production industry something of a dubious endeavor? And shouldn't it be reevaluated in terms of possible corruption in BAE Systems?

SNOW: Well, number one, you're talking about an ongoing investigation, which means we are not at liberty to talk about it. And you can draw what conclusions...

JONES: Did the vice president sign off on the decision made by the president last week with regard to...

SNOW: As you know — look, the president makes the decisions in the White House. The vice president is an adviser. We also make it a careful point, as we've said many times, to allow those deliberations to remain confidential.

• Dans quelle affaire sommes-nous, finalement ? Le traité ou le scandale BAE-Yamamah ? Vu les implications US désormais officielles de l’affaire BAE dans le champ de l’investigation juridique, la question de la connexion entre les deux affaires, — le traité et BAE, — vaut sans aucun doute d’être posée. Il ne fait aucun doute que l’enquête lancée contre BAE peut avoir des répercussions importantes sur les relations USA-UK dans le domaine de l’armement. Les interférences avec la question du traité du 21 juin seront inévitables, dans la mesure évidente (sans même se référer aux hypothèses LaRouche) où le monstre BAE est autant US que UK, sinon plus US que UK, et qu’il est naturellement au premier rang d’une investigation sur la façon dont le traité du 21 juin serait appliqué puisqu’il serait l’un des premiers réceptacles des transferts de technologies. Peut-on confier de facto une bonne part de l’application d’un tel traité à une société si fortement soupçonnée de corruption et qui semble largement incontrôlable ? Il va y avoir plusieurs mois pour étayer les hypothèses, les interrogations, les soupçons, et pour renforcer les exigences US, avec deux procédures parallèles (l’enquête sur BAE et l’examen du traité par le Sénat) pour s’alimenter l’une l’autre, souvent dans le sens polémique qu’on devine. Il s’agit d’une occurrence potentiellement explosive qui concerne l’entièreté des relations USA-UK au niveau des armements.