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1538A quoi sert le gambit de Poutine (voir le 8 mai 2014) ? Sans doute Poutine l’ignore-t-il lui-même, sinon, – et c’est l’essentiel pour lui, –comme un mouvement tactique dont l’effet est d’accroitre l’état de la politique du bloc BAO dans la crise ukrainienne ; c’est-à-dire, comme on le suggère plus haut, désordre, “désarroi à la dérive” (ce qui est le comble du désarroi), absence complète de direction y compris et surtout à Washington où l’inspiration de la “politique” semble comme une sorte de yo-yo allant du bastion neocon qu’est devenu le département d’État à divers autres centres de pouvoir improvisant au jour le jour. Là-dessus, la cohésion entre compères du bloc BAO, et notamment entre certains Européens et les plus durs du bloc, est plus que jamais en lambeaux, – et, sur ces points divers, effectivement, le “gambit-Poutine” a eu son effet avec une telle efficacité qu’il devrait prendre sa place dans la grande nomenclature des échecs comme un coup spécifique... Et il ne vaut, certes, que grâce à l’aimable coopération du comportement catastrophique de ses “partenaires”.
Avant de détailler cette situation extraordinaire où le bloc BAO est devenu lui-même un monde clos où le désordre tourbillonne sans pitié, un rapide coup d’œil sur la situation en Ukraine. Le spectacle n’y est pas plus rassurant, dans tous les cas pour ceux qui croient encore avec une ferveur déclinante qu’il y a dans tout cela un plan arrêté, une ligne de conduite, un projet structuré. Le blog désormais célèbre et dont on connaît l’engagement fervent dans cette crise et aussi la bonne base d’information dont il dispose, The Vineyard of the Saker, décrit, ce 9 mai 2014 l’extraordinaire incompétence de la nième “offensive” lancée par le pseudo-pouvoir à Kiev. Le désordre est grand dans l’Ukraine russophone, mais l’intervention de Kiev pour “rétablir l’ordre” semble devoir ajouter une dimension encore plus exceptionnelle à cet état des choses, comme s’il y avait une course à la perfection du désordre. (Même le référendum attendu pour demain est traité presque accessoirement, comme un élément du désordre parmi d'autres, alors que la chose devrait être un enjeu capital. Elle l'est, en fait, mais entre dans un ensemble où tout est enjeu capital et où plus rien ne se distingue vraiment comme plus capital qu'autre chose ... C'est l'entropisation du désordre, si l'on veut)
«It would be wrong to compare these Ukie thugs to the SS, as some have done. For all their wrongs, the Waffen-SS fought well, and not only against defenseless civilians, but also in real combat. But these Ukie “special units” still have not managed in taking over Slaviansk or Kramatorsk! Yes, there even was a Victory Day parade in Slaviansk were Pavel Gubarev, the “people-elected governor” of the Donetsk region spoke at an official rally. Same thing in Kramatorsk where a Victory Day celebration also took place. Amazing, no? We are, by Kiev's official count, already in the second phase of the second anti-terrorist operation and the “special” forces have yet to capture a single town! [...]
»Several times I have referred to this regime as a “freak show” and I did not mean that as an insult, but as a statement of fact. The folks which have seized power in Kiev are quite literally freaks and so far, they have not succeeded in doing anything at all. Nothing.
»I am beginning to suspect that they might even fail in disrupting the upcoming referendum scheduled for Sunday. Frankly, I had – and still have – major doubts about the ability of the pro-Russian forces in the Donbass to organized such a referendum on such short notice and in the midst of a small but ugly mini-civil war, but then when I look at the freaks in Kiev and their “scorecard” so far I have even bigger doubts about their ability to disrupt the upcoming referendum, nevermind preventing it from taking place...»
• C’est donc dans ce climat que la “diplomatie” du bloc BAO continue à déployer ses charmes divers, son incohérence, sa fragmentation extraordinaire, son désintérêt presque religieux pour la vérité de la situation. Comme on l’a dit, le département d’État est, à cet égard, un bastion de la couleur de ces temps étranges. Nous sommes marris mais malheureusement contraints de reconnaître que le “genre féminin” domine, sinon monopolise l’action à cet égard, – en prenant, pour notre cas et notre attention vertueuse aux susceptibilités diverses, la précaution de n’en tirer aucune conclusion. Une nouvelle vedette à cet égard, à ajouter aux Nuland, Power, Rice, etc., c’est Jen Psaki, la porte-parole, qui répond à toutes les questions sur les violences en Ukraine russophone, – y compris le mauvais temps éventuel : “c’est la faute aux Russes” (voir Russia Today, le 9 mai 2014). Psaki semble justifier le jugement que donnait d’elle Nikolai Boubkine, le 18 avril 2014 sur Strategic-culture.org, proposant l’hypothèse que même la porte-parole a sa propre politique au département d’État...
«The fact that the tone in the anti-Russian campaign is being set by American women bureaucrats does not reduce the responsibility of the U.S. leadership. For example, U.S. State Department spokeswoman Jen Psaki cannot be considered a political figure; her job is merely to make public the official position of the foreign policy agency. However, she takes the liberty of drawing personal inferences and conclusions which, like Samantha Power's behavior in the UN, are simply shocking. The official State Department representative does not bother with proof. Psaki's answers to journalists' questions sometimes cause indignation. Female logic is no excuse in this case. If spokeswoman Psaki shapes U.S. foreign policy, then what is Secretary of State John Kerry there for? After all, she often contradicts his statements, making her boss a laughing stock...»
• Et c’est donc vers le Guardian qu’il faut orienter sa lecture pour pouvoir mieux et plus sérieusement apprécier l’état des lieux et des esprits au cœur du bloc BAO, face à la situation ukrainienne. Le Guardian est férocement anti-Poutine mais, au moins, il admet qu’il faut parfois tenir compte de la vérité de la situation plutôt que le “c’est la faute des Russes” de la Psaki. Tout tourne autour du “gambit-Poutine”, dont les commentateurs ne peuvent qu’admettre qu’il a pris complètement à contrepied les pays du bloc BAO, ancrés dans leur vision extrémiste et caricaturale du président russe, et que ces pays ne savent quoi en faire d’une façon coordonnée alors qu’on constate dans leurs rangs des disparités et des désordres grandissants. Le commentaire de Ian Trainor, absolument antirusse et anti-Poutine selon la ligne du journal (notez le “Poutine gagne toutes les batailles mais cela ne signifie pas qu’il gagnera la guerre”, – car il y a une justice divine, certes), ce commentaire du 9 mai 2014 est d’autant plus significatif pour apprécier l’état d’esprit dont nous parlons.
«Vladimir Putin acts, and the west (sometimes) reacts. That has been the pattern of the Ukraine crisis since it erupted into an open contest between Russia and the west last November. At every stage, whether through poor intelligence, policy shambles or divisions in Europe and with America, the west has been caught napping, while the Kremlin called the shots. Putin has been winning all the battles, although it does not necessarily mean he will win the war... [...]
» He has made himself indispensable to any settlement... [...] For western would-be mediators, Putin is the one to go to. But who does Putin go to? Is it Angela Merkel or Barack Obama? Or perhaps Catherine Ashton? Or John Kerry or William Hague or Herman Van Rompuy? Putin's central control contrasts with western fragmentation, incoherence, and equivocation. “Putin is continuing to pursue the strategy of indirect, proxy destabilisation in order to achieve his goals. This latest apparent feint appears at best a tactic to diminish the costs of pursuing this strategy,” said the Eurasia Group on Thursday...»
• Orlando Figes, toujours dans le Guardian (le 9 mai 2014) examine la position de la Russie face au bloc BAO et n’y trouve que des situations où la Russie a la main, et où le bloc BAO ne peut que suivre péniblement, certainement en n’y comprenant pas grand’chose (sauf le département d’État bien sûr, et, il est temps de le mentionner, l’essentiel de la presse-Système US qui suit aveuglément la narrative qu’elle y entend, que ce soit la version-Kerry ou la version-Psaki). Aussi, le commentaire de Figes est-il parfaitement résumé par son titre et son sous-titre, du type “Poutine fait des cercles autour de l’Ouest”, running the show comme l’on dit («In Ukraine, Putin is running rings around the west – Sanctions only boost the Russian leader's popularity at home. There is little the west can do – apart from talk»). Cela rejoint le fond de l’éditorial du Guardian (le 9 mai 2014), qui entend tout de même être optimiste et redonner un peu de couleur à la civilisation du bloc BAO, – et qui est conduit, pour cela, à la conclusion paradoxale que, oui, le “gambit-Poutine“ doit être pris au sérieux, que le président russe pourrait peut-être nous réserver quelque surprise aimable, avec une solution-miracle qui permettrait au bloc BAO de remake du sauvetage in extremis d’Obama par le même Poutine en septembre 2014, dans l’imbroglio syrien qui a tant de similitudes avec l’ukrainien sur la manière d’être du bloc BAO...
«Mr Putin's aims may well be the same as they were. What has shifted is the understanding, on both sides, of relative weakness and strength. It has become even clearer that Mr Putin does not want to invade or to annex eastern Ukraine. Nor does he want to be in a position where he has to reject calls for military help. Equally, we see Kiev has weak support in parts of the east, and its security forces are inadequate or estranged. People are confused and frightened, many trusting, it can be speculated, neither Kiev nor Moscow. Time, then, for a cautious but at the same time speedy exploration of the Kremlin's new line.»
Poutine est-il un stratège de grande envergure doublé d’un tacticien de génie? On verra plus tard pour le jugement définitif, car ce n’est pas la question la plus urgente. L’essentiel pour l’immédiat dans cette bouillie pour les chats n’est pas la politique russe, ni la position de la Russie, ni les initiatives de la Russie, ni la pensée profonde de la Russie, – bien qu’il ne faille certainement pas négliger d’en parler avec attention et profondeur, comme nous le faisons régulièrement (voir le 6 mai 2014). L’essentiel dans cet exposé succinct d’une situation présente, c’est l’extraordinaire, l’incroyable, l’indescriptible inexistence politique du bloc BAO et de tout ce qui en émane, y compris les clowns de Kiev inspirés par le FMI et leurs diverses offensives finales contre les “terroristes” russophones. C’est là le grand, le très grand événement que l’on sentait et pressentait, que l’on décrivait partiellement de commentaire en commentaire, qui apparaît de plus en plus dans son exceptionnelle unicité, presque dans une sorte de perfection transcendantale... Nous voulons dire par là que l’inexistence, le nihilisme, la fragmentation jusqu’à une sorte de poussière informe et infâme qu’est cette “politique”-là si parfaitement robotisée semblent indiquer que la chose est effectivement imposée au bloc BAO du dehors de lui. Le bloc ne peut faire autre chose que ce qu’il fait, c’est-à-dire une sorte de “rien” tonitruant et hystérique qui arrive pourtant à accoucher des effets sans nombre, lesquels sont évidemment d’une négativité quasi-parfaite, on s’en doute. Ne vous étonnez pas et ne nous étonnons pas si nous nous référons inévitablement et aussitôt au Système et à sa politique-Système. Le bloc Bao, chariots formés en cercle autour duquel Poutine galope en lançant ses flèches là où il choisit de le faire, est emmené dans une ronde infernale par des forces qui le dépassent, le manipulent, et dont il est le prisonnier ébahi, parfois désagréablement préoccupé comme l’est le Guardian, parfois allumé et parfaitement satisfait de l’aide du Ciel comme peut l’être un neocon-standard du département d’État.
Car enfin, il se pourrait bien que nous nous dirigions vers la voie tant attendue, ce moment où il commencera à s’avérer irrésistiblement que la crise ukrainienne est en train de se transmuter en crise du bloc BAO, c’est-à-dire s’insérant avec toute sa dynamique de surpuissance dans la séquence en cours de la crise générale en lui donnant l’élan qui importe pour qu’elle s’inscrive décisivement dans la crise d’effondrement du Système. C’est ce moment-là qu’il faut guetter pour être prêt à l’identifier sans hésitation, lorsqu’il se manifestera. Vraiment la voie lui est ouverte, et l’équation surpuissance-autodestruction en pleine activité.
Mis en ligne le 10 mai 2014 à 08H07
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