Le désespoir incantatoire de Harlan Ullman

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Nos lecteurs connaissent Harlan Hullman, plusieurs fois cités dans ces colonnes, créateur de la formule de la “politique de l’idéologie et de l’instinct” dont nous avons fait grand usage. Ullman est sans aucun doute un homme de l’establishment et, par conséquent, un défenseur instinctif et dirions-nous “systémique” de l’américanisme et du Système en général. Il a pourtant des perceptions et des analyses plus nuancées que nombre de ses complices et, surtout, qui ne sacrifient en rien à la réaction souvent constatée d’optimisme hystérique, ou plutôt d’“hystérie optimiste”, qui caractérise une part non négligeable de cette sorte de réflexion. Ullman, comme nous le rappelons souvent, est un bon “thermomètre” de la situation du Système, vue de l’intérieur du Système.

Sa dernière chronique, du 30 novembre 2011 sur UPI, est à nouveau révélatrice. Il s’agit moins de faire des propositions, même sans beaucoup d’espoir qu’elles se réalisent, que de s’en remettre à une sorte d’incantation, révélant l’état du jugement désespéré sur la situation des USA qui caractérise l’esprit de Harlan Ullman. Il écrit sa chronique en se remémorant une occasion sociale, en 1976, à une époque où la situation psychologique et institutionnelle intérieure des USA était dans un état catastrophique, trace la parallèle au travers de la description des crises actuelles qui touchent les USA, pour finir par la seule issue qu’il trouve à son analyse, – simplement, une incantation…

«No wonder Americans are entering a winter of discontent… […]

»My late and great mother-in-law had a simple answer to these matters. Shortly before she left his world for a better place, she was visiting her then newly married daughter in Washington some 35 years ago. We were living well above our station and had several fancy dinner parties for her.

»It was 1976 and American was in a blue funk. A president had been forced to resign in face of impeachment or worse. Vietnam was an ignominious defeat, America's first, with the image of the last helicopter fleeing the U.S. Embassy in Saigon visibly etched in the psyches of many of us who fought there. The military was held in contempt, government was disrespected and the economy was in tatters, still suffering from the Arab oil embargo of late 1973 in the wake of the Yom Kippur War that October… […]

»Over dinner, the conversation turned to these dismal matters and general pessimism enshrouding the nation. My mother-in-law, married to a British law lord, took great exception to the bleak proceedings. Reminding us of the Great Depression in England and the sacrifices Britons made during World War II, this diminutive lady turned to an admiral or senator seated next to her with formidable intellect and spunk saying, “You Americans must simply buck up!”

»When we consider what our forbearers endured from the first colonists who faced pestilence, famine, drought and many other privations including hostile American Indians not anxious to have their lands confiscated by foreign invaders, are we so worse off today? The American Revolution and Civil War were times of real crisis as were the Great Depression and Pearl Harbor.

»America was indeed lucky that for some five decades after World War II, the country enjoyed the advantages and benefits of its unprecedented economic and military superpower status. The American dream was real and was obtainable. Today, that legacy no longer exists. In blunt terms, Americans have spent or wasted the inheritance from prior generations.

»Denial is often the first response to reports of danger. And many of us are in denial in believing that our situation is more desperate or dangerous than in any time in our history. My mother-in-law had it correct – Buck up America!»

«Denial is often the first response to reports of danger…», écrit Ullman, et il dénonce avec cette remarque le “négationnisme” de la situation catastrophique des USA, qui est l’une des deux réactions face à cette situation souvent rencontrées dans les élites. L’autre réaction est celle qu’il illustre, qui est plus rationnelle parce que nullement hystérique, qui est la réaction de l’incompréhension et de la disparition implicite de tout espoir rationnel de redressement. Effectivement, autant en revenir dans ce cas au conseil impératif d’une grand’mère, – “Du nerf, relevez-vous et en avant !”. Tout cela paraît simple au point d’être simpliste, mais nullement dénué d’un sens extrêmement profond. Effectivement, l’exhortation, – ou plutôt l’incantation puisque la référence est celle d’une situation passée où l’on pouvait croire que l’exhortation avait encore quelque pouvoir alors qu’on pourrait penser que la chose n’a plus cours actuellement, – l’exhortation semble être justifiée comme sujet de la réflexion dans la mesure où cette attitude concerne une situation où quelque chose comme un élan vital, une capacité de volonté semblent avoir disparu, où une paralysie de la psychologie semble avoir complètement privé les USA en tant que système de l’américanisme, et moteur central du Système tout court, de toute réaction de relèvement.

D’autre part, cette énergie perdue, devenue introuvable, semble s’être effectivement dissoute selon le terme que nous employons beaucoup, mais pour se reformer dans des positions d’opposition, de révolte larvée, de mises en cause fondamentales. Cet aspect-là n’est pas spécifiquement évoqué par Ullman, parce que nous ne pensons pas que l’esprit d’un homme resté si complètement proche de l’establishment puisse effectivement envisager cette situation actuelle d’un renversement complet, en cours, de la situation psychologique de la population américaine… On pourrait alors arriver à un paradoxe, qui serait effectivement une inversion dans le bon sens, de notre point de vue, où l’exhortation (“Du nerf, relevez-vous et en avant !”) soit finalement entendue et réalisée, mais dans le sens inverse qu’en espère Ullman, dans le sens de la révolte.


Mis en ligne le 3 décembre 2011 à 05H54

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