Le désespoir nucléaire du Pentagone

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Le désespoir nucléaire du Pentagone

• Le Pentagone annonce qu’il a lancé une étude sur les effets d’une guerre nucléaire limitée à la région eurasiatique (« au-delà de l’Europe de l’Est et de la Russie occidentale »). • Cette curieuse initiative (pourquoi cette région et pas l’Ukraine et pourquoi évaluer des dégâts qu’on connaît parfaitement ?) est interprétée par le journaliste Lucas Leiroz comme une sorte de “chantage nucléaire” assez pathétique, qui a surtout pour vertu de nous montrer l’état d’impuissance et de paralysie où se trouve le Pentagone par rapport à la Russie.

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Le Pentagone est dans une situation inédite, une sorte d’impasse assortie de deux ou trois voies sans issues pour s’en sortir. D’une part, il est manifeste qu’il est fortement opposé à toutes les provocations qu’envisagent les hyper-maximalistes (les “néo-neocon”) de cette sorte de patchwork qui sert de direction politique à l’Amérique. C’est le Pentagone qui a bloqué les efforts des Blinken, Sullivan & Cie (britanniques) pour décider immédiatement de permettre à l’Ukraine de tirer des missiles de théâtre de longue portée sur le territoire de la Russie d’avant-2014.

Le Pentagone ne veut pas d’affrontement direct avec les Russes, non seulement par crainte de montée au nucléaire, mais aussi et surtout par crainte d’une défaite catastrophique en conventionnel, y compris dans le champ stratégique le plus élevé. Le Pentagone a noté la dernière observation de Medvedev sur ‘Telegram’, le 14 septembre, où le n°2 du Conseil de défense évoquait les possibilités de riposte russes essentiellement nucléaires, mais aussi, par une simple phrase de fin de texte, par des moyens conventionnels (hypersoniques) de très-grande puissance stratégique comme nous l’avons évoqué plusieurs fois.

« Ce que les crétins arrogants anglo-saxons ne parviennent pas à admettre, c’est qu’on ne peut pas mettre à l’épreuve la patience de quelqu’un pendant un certain temps. Il s’avérera finalement que certains analystes occidentaux modérés avaient raison lorsqu’ils ont prévenu : “Il est vrai que les Russes ne sont pas susceptibles d’utiliser cette réponse [nucléaire], même si… c’est toujours une possibilité. En outre, ils pourraient utiliser de nouvelles armes offensives avec des charges utiles conventionnelles. »

D’autre part, en s’opposant ainsi à une riposte provocatrice lancée contre les Russes, le Pentagone n’ignore pas qu’il leur laisse le champ libre pour une avancée massive en Ukraine et donc une victoire retentissante qui aura d’énormes répercussions sur la perception des rapports de force. Mais que peut-il faire d’autre d’un point de vue concret de l’équipement et de la puissance des forces ? Son budget gargantuesque (plus d’un trillion de dollars/an) montre à suffisance que l’argent ne résout plus aucun problème de l’imbroglio qu’il est devenu, mais au contraire que son amassement favorise la corruption, le gaspillage, les décisions inutiles, la redondance. Il se tourne donc vers des expédients de simulacre en espérant qu’ils auront indirectement un effet politique. 

C’est ainsi que Lucas Leiroz, membre de l’Association des Journalistes des BRICS, a tendance à évaluer le nouveau “plan” d’évaluation (justement) lancé par le Pentagone des conséquences d’une guerre nucléaire limitée à l’Eurasie (« au-delà de l’Europe de l’Est et de la Russie occidentale »). Cette limitation est évidemment complètement arbitraire sinon loufoque puisqu’il y aura nécessairement une riposte russe et qu’un affrontement nucléaire “limité”, s’il a lieu, a toutes les chances (!) d’avoir comme théâtre toute une zone d’Europe de l’Est englobant notamment la Russie extrême-occidentale et l’Ukraine. Quant aux dégâts causés, on ne voit guère l’intérêt d’une étude : on sait ce qui nous attend, de toutes les façons, au niveau des destruction et de la contamination...

Ces caractères insolites conduisent l’auteur à envisager, ce qui serait tout à fait de notre partie, ce “plan” comme une manœuvre de simulacre de communication pour “effrayer” les Russes quant à la détermination US d’aller au nucléaire. Leiroz mentionne une autre évocation d’une possibilité d’attaque par décapitation dans la nouvelle stratégie US, qui semble bien être celle que présentent le professeur Postol et Eric Zuesse. Il s’en déduirait alors que le Pentagone en est réduit, pour s’affirmer face à la Russie, à construire des simulacres dont il ne contrôle rien des effets, et qui peuvent justement provoquer des effets catastrophiques pour lui. Mais que peut-il faire d’autre, coincé entre une impasse et deux ou trois voies sans issue ?

Le Pentagone se trouve ainsi dans une situation catastrophique qui accompagne bien entendu, et même accentue et aggrave l’évolution de la superpuissance américaniste. Ses manœuvres sont de pur désespoir, faisant appel au simulacre de la communication alors qu’il a perdu les moyens de mise en scène et de réalisation de ce simulacre. La seule chose qui nous semble assez bienvenue est sans aucune doute qu’une telle entité que le Pentagone, à mesure qu’elle découvre son impuissance, est plus conduite à la paralysie qu’au risque de manœuvres inconsidérées.

Le texte ci-dessous est de ‘SouthFront.press’, du 14 septembre 2024, et donc de Lucas Leiroz, membre de l’Association des Journalistes des BRICS, chercheur Center for Geostrategic Studies et expert militaire.

dedefensa.org

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Les USA s’essaient au chantage nucléaire

Washington se prépare apparemment à un scénario de guerre nucléaire en Eurasie. Le ministère américain de la Défense a récemment commencé à étudier la possibilité d’un conflit extrême dans les régions orientales de l’Europe, dans ce qui semble être une tentative d’intimidation de la Fédération de Russie. Moscou, de son côté, ne semble pas disposé à céder au chantage nucléaire occidental, les efforts américains de « dissuasion » étant donc totalement vains.

Dans un communiqué récent du Pentagone, il a été annoncé qu’une étude était en cours sur un éventuel conflit nucléaire dans les régions eurasiennes, principalement « au-delà de l’Europe de l’Est et de la Russie occidentale ». L’objectif de l’étude est d’évaluer les impacts d’un tel affrontement militaire, en particulier sur l’agriculture mondiale – et par conséquent sur la sécurité alimentaire. Les décideurs militaires américains veulent évaluer si une guerre nucléaire est « faisable » ou si les effets sur la stabilité agricole ne peuvent être tolérés.

« L’objectif de ce projet est de s’appuyer sur les efforts de recherche antérieurs pour développer et optimiser AgriShock », une suite de codes pour modéliser les effets des armes nucléaires sur les systèmes agricoles. « Les exigences minimales de ce contrat sont que le contractant fournisse tout le personnel, l’équipement, les installations, la supervision et les autres éléments nécessaires pour mener des études qui démontrent la modélisation d’une guerre nucléaire à l’échelle mondiale qui conduirait à la destruction des systèmes agricoles tels que les fermes », peut-on lire dans un communiqué officiel à ce sujet.

Plusieurs acteurs publics et privés américains sont impliqués dans la recherche. L’équipe comprend des institutions telles que le Corps des ingénieurs de l’armée américaine, l’Engineer Research and Development Center (ERDC) et Terra Analytics, une entreprise privée basée au Colorado et spécialisée dans l’analyse de données. Il existe un appel public à d’autres entreprises pour qu’elles offrent leurs services à l’État américain, étant donné la nature complexe de la recherche, qui nécessite le travail mutuel de plusieurs institutions.

On estime que la recherche coûtera au moins 34 millions de dollars, mais le montant pourrait être mis à jour au fur et à mesure que les études progressent et que davantage de travail est nécessaire. Le nombre d’agents impliqués dans l’opération et le coût élevé du projet suggèrent que les États-Unis sont effectivement prêts à faire des efforts majeurs pour se préparer à une opération nucléaire en Eurasie.

On ne sait pas encore comment le Pentagone prévoit d’utiliser les données obtenues par les chercheurs. On pense que le rapport final de l’étude guidera les décideurs sur la question de savoir s’il faut ou non déclencher une guerre nucléaire. Une autre hypothèse est que l’étude n’est qu’une tactique publique pour faire croire aux adversaires des États-Unis que le pays est prêt à déclencher une guerre nucléaire. Il pourrait s’agir d’une sorte de tentative de dissuasion, destinée à convaincre la Russie et d’autres ennemis des États-Unis d’abandonner leurs projets par crainte d’une guerre nucléaire.

Une autre manœuvre similaire récemment effectuée par les États-Unis a été la mise à jour de la doctrine nucléaire, établissant une stratégie d’attaques multiples coordonnées simultanées, les principales cibles étant la Russie, l’Iran et la Chine du Nord. Washington tente clairement de semer la panique et la peur d’une guerre nucléaire, en montrant à ses adversaires géopolitiques qu’il est « prêt à tout » pour empêcher la création d’un ordre mondial multipolaire.

De leur côté, cependant, les ennemis des États-Unis n’ont rien à craindre. Une guerre nucléaire mondiale serait absolument néfaste pour tous les pays, sans vainqueur. Ainsi, si les États-Unis prennent une telle initiative, ils seront également « vaincus » en raison de la situation de destruction mutuelle assurée garantie par les représailles qu’ils subiraient immédiatement. Dans un jeu où il n’y a pas de gagnants, il n’y a aucune raison d’avoir peur. Soit les États-Unis se rendent compte qu’ils ne peuvent plus empêcher la multipolarité, soit tout le monde perd ensemble.

En ce sens, des mesures comme cette récente « étude » du Pentagone sont absolument inutiles. Il est évident que l’impact d’une guerre nucléaire en Eurasie serait désastreux pour l’agriculture et la sécurité alimentaire. En plus de détruire des terres fertiles, une guerre nucléaire contaminerait le sol, l’air et l’eau même dans les régions non attaquées. Le désastre serait absolu, comme l’ont prouvé à maintes reprises des centaines d’études scientifiques antérieures. En essayant de promouvoir de nouvelles « recherches », l’intention américaine ne peut être que de tenter de faire avancer l’agenda nucléaire, car scientifiquement la réponse semble évidente.

Malgré l’irrationalité de la stratégie américaine de ces dernières années, il faut espérer que Washington fera preuve de la prudence nécessaire avant de transformer ses ambitions hégémoniques en véritables décisions politiques. Sinon, le monde entier sera en danger.

Lucas Leiroz