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160324 juin 2013 – Parmi les pays que nous classons hors-bloc BAO, celui qui nous paraît à la fois le plus engagé, le plus actif, et, sans doute paradoxalement pour certains jugement, le plus solide, est la Russie. La Russie a un niveau économique acceptable, une puissance de sécurité considérable (jusqu’à l’arsenal nucléaire), une population qui a une immense expérience des temps difficiles après des périodes socio-politiques terrifiantes, qui est caractérisée par un patriotisme résilient que structure un mysticisme puissant avec une dimension religieuse, par un très fort sentiment d’appartenir à l’histoire, voire à la grande Histoire, enfin par une référence permanente aux principes, notamment par rapport à la politique générale du pays. (Nous nous sommes assez souvent exprimés sur la Russie, tant à propos de sa capacité de résistance à l’“agression douce“, qui s’attaque aux principes, qu'à propos de sa politique syrienne, essentiellement principielle.) La Russie représente pour nous le pays qui est le plus fortement, le plus dynamiquement antiSystème, et son socle intérieur puissant (patriotisme et dimension mystique) lui assure à notre sens une stabilité intérieure remarquable, contrairement à ce qui est en général pronostiqué à la bourse des perspectives-Système du bloc BAO. De ce point de vue, l’histoire autant que les conditions générales du pays font que son cadre structurel, fortement principiel, est extrêmement résistant, surtout dans une époque si dangereuse qui a pour effet l'avantage paradoxal pour la Russie de mobiliser les énergies.
Nous suivons donc avec attention l’évolution de la Russie, tant dans sa capacité de résistance à l’“agression douce“, qui s’attaque aux principes, que dans sa politique syrienne, essentiellement principielle et plutôt de nature offensive. Malgré cela et comme nous l'avons déjà suggéré, et avec beaucoup de regrets conjoncturels, nous ne lui donnons pas une chance, essentiellement sur un point précis qui est nécessairement le but implicite de sa politique, – quoique ses dirigeants assurent et conçoivent. Ce pays par essence antiSystème n’a pas la capacité, par la seule action politique, même si cette action est dominante et victorieuse, même si elle est suivie par d’autres, de donner des résultats approchant du décisif contre le Système (contre la politique-Système). Cela n’a rien à voir spécifiquement avec la seule Russie et tout avec le Système, contre qui rien n’est fait tant que le décisif n’est pas accompli, et contre qui aucune force terrestre constituée ne peut accomplir ce décisif-là à cause de la puissance hermétiquement inviolable dudit Système par cette voie... (Dans les citations suivantes, il va de soi qu’en citant par exemple les USA, nous parlons du Système et de rien de moins.)
• Le 22 avril 2013... «Observons qu’il s’agit là d’une approche rationnelle et ultra-réaliste, bien dans la manière de Poutine pour la forme diversifiée de sa politique. La Russie développe une politique appuyée d’une part sur des principes intangibles [...] d’autre part sur une tactique flexible... [...] L’entêtement russe est proverbial et sans doute admirable mais n'est qu'humain et armé de la seule logique ; il est loin, très loin d’être dit qu’il sera suffisant face au phénomène du nihilisme par déstructuration et dissolution de l’action des USA, et à la constante puissance de la politique-Système qui anime le tout...»
• Le 5 juin 2013 : «Il est effectivement acquis, comme un premier fait objectif à leur avantage, que les Russes sont les maîtres du jeu, qu’ils sont désormais considérés comme les principaux acteurs dans la région ; mais le désordre général dans la région est un autre fait objectif très puissant sinon désormais structurel, qui échappe à leur maîtrise comme il échapperait en fait à quelque maîtrise humaine que ce soit.»
Dans l’actualité courante, on sait également que les événements de Turquie ont pris une place importante. Ils ne cessent pas (voir Russia Today le 22 juin 2013), montrant une résilience significative malgré des mesures constantes de dispersion de la part du gouvernement Erdogan. Nous avons déjà traité cette question à deux reprises (le 3 juin 2013 et le 10 juin 2013). Notre analyse est bien qu’Erdogan, avec sa “politique syrienne”, s’est délégitimé, après avoir assuré un gouvernement brillant jusqu’en 2011, fondé sur le respect des principes tels que la souveraineté, lui assurant une forte position antiSystème. Sa politique syrienne a renversé tout cela. Étant passé de facto dans le camp du Système à cause de cette politique syrienne, il a installé les conditions pour que le malaise général qui affecte tous les pays et toutes les situations se transforment en situation de désordre. (N.B. : peut-être est-il en train de changer ?)
• Le 3 juin 2013 : «Notre conviction est que cet aspect puissant de l’évolution turque et de l’évolution d’Erdogan joue un rôle fondamental dans la crise actuelle, où aspects intérieur et extérieur se mélangent pour organiser la perception d’un dirigeant politique légitime perverti dans la délégitimation, et instituer un jugement de condamnation que nourrit la psychologie ainsi orientée. C’est bien la dissolution puis l’entropisation de la légitimité d’Erdogan qui assurait son autorité, qui ont conduit par contraste à l’affirmation d’un autoritarisme illégitime, qui alimente la revendication et la colère populaires. [...] L’on voit donc que la crise turque, puisque crise il y a finalement, rejoint la cohorte des autres crises rassemblées et exacerbées par l’“insaisissable guerre syrienne”, comme une des expressions de la crise haute et, plus généralement, de la crise d’effondrement du Système...»
• Le 10 juin 2013 : «Adressées le 4 juin, le lendemain d’une chute de 10,5% de la bourse d’Ankara, à une assemblée de l’Association des Investisseurs Internationaux en Turquie, ces paroles du président Gül se voulaient ironiques et rassurantes à la fois… “Two years ago in London, cars were burned and shops were looted because of similar reasons. During revolts in Spain due to the economic crisis, people filled the squares. The Occupy Wall Street movement continued for months in the United States. What happens in Turkey is similar to these countries…”
»Tout cela est au fond très juste et particulièrement révélateur mais nous nous demandons avec un certain scepticisme et même un scepticisme certain s’il faut y voir de quoi rassurer les investisseurs d’un système en déroute erratique et chaotique. Qu’il l’ait réalisé ou pas, Gül signifiait à ses auditeurs que la Turquie est entrée en part très active dans la grande crise d’effondrement du Système, et l’on peut penser qu’il y a des nouvelles plus rassurantes que celle-là pour les investisseurs qui ont nécessairement partie liée avec le Système. Voilà donc la grande nouvelle, – “la Turquie entrée en part très active dans la grande crise d’effondrement du Système”. C’est bien entendu le principal enseignement de la crise turque, le seul qui vaille d’être reconnu et retenu à partir de notre posture d’inconnaissance, Erdogan ou pas, manœuvres américanistes et finaudes ou pas...»
Aujourd’hui, nous passons au Brésil, qui connaît depuis presque deux semaines des agitations sans précédent, drainant des foules énormes qui se décomptent par millions. La protestation s’appuie sur un argument en apparence mineur, qui est passé au second plan (l’augmentation des tarifs des transports en commun, mesure sur laquelle la présidente Rousseff est revenue), et sur un argument complètement inattendu : les dépenses considérables faites par le Brésil pour préparer la Coupe du Monde de football de 2014, alors que la population connaît une détresse considérable. Dans ce pays qui constitue évidemment le temple de l’adoration du football, cette réaction est tout aussi évidemment une surprise considérable. Même le roi-Pelé , la gloire nationale par excellence (mais recyclée-Système : «[T]he superstar turned MasterCard ambassador»), est en train de perdre son auréole... (Voir le Guardian du 21 juin 2013.)
«More than a million people took to the streets on Thursday night in at least 80 cities in a rising wave of protest that has coincided with the Confederations Cup. This Fifa event was supposed to be a dry run for players and organisers before next year's finals, but it is police and protesters who are getting the most practice... [...]
»But the mega-event has been the lightning conductor. Many protesters are furious that the government is spending 31bn reals (£9bn) to set the stage for a one-time global tournament, while it has failed to address everyday problems closer to home. “I'm here to fight corruption and the expense of the World Cup,” said Nelber Bonifcacio, an unemployed teacher who was among the vast crowds in Rio on Thursday. “I like football, but Brazil has spent all that money on the event when we don't have good public education, healthcare or infrastructure.”
»It was all very different in 2007 when Brazil was awarded the tournament. Back then, crowds in Rio erupted with joy and Ricardo Teixeira, president of the Brazilian Football Confederation, was hailed as he said: “We are a civilised nation, a nation that is going through an excellent phase, and we have got everything prepared to receive adequately the honour to organise an excellent World Cup.” In the outside world, few doubted the wisdom of the decision. Football belonged in Brazil. In the home of carnival and samba, it would be a party like no other.
»But euphoria has steadily faded as preparations for 2014 have drawn attention to the persistent ills of corruption, cronyism, inequality and public insecurity. Those who appeared to have the Midas touch in 2007 now seem cursed. Teixeira was forced to resign last year amid accusations of bribery. Former president Luiz Inácio Lula da Silva has been tainted by revelations of massive vote-buying by the ruling Workers party. Fifa too is mired in a series of corruption scandals that have led to the resignations of several senior executives.
»The renovation and construction of most of the 12 World Cup stadiums has been late and over budget. Several have been pilloried as white elephants because they are being built in cities with minor teams. The new £325m Mane Garrincha stadium in Brasília – which hosted the opening game of the Confederations Cup – has a capacity of 70,000, but the capital's teams rarely attract more than a few hundred fans.»
Si nous avons mis ces trois pays en parallèle, alors que leurs situations sont apparemment différentes ou très différentes, c’est d’abord parce qu’ils appartiennent à une même catégorie. On pourrait dire, pour simplifier, des pays du type-BRICS ; certes, la Turquie n’en fait pas partie, mais elle constitue un modèle de pays qui correspond parfaitement au BRICS, et il fut à un moment question de son adhésion, comme il y a par ailleurs une plus grande proximité entre la Turquie et l’OCS, ou Organisation de Coopération de Shanghai (voir le 2 mai 2013), qui est un organisme d’esprit et de situation assez similaires au BRICS. (Deux membres du BRICS, la Russie et la Chine, font partie de l’OCS, et un troisième, l’Inde, y a le statut officiel d’“observateur” qui lui permet d’assister statutairement à toutes les réunions de l’OCS.)
... En rapprochant ces trois pays, après avoir rapidement survolé leurs situations et souligné les différences de ces situations, nous voulons justement ne tenir aucun compte de ces différences, qui sont celles de leurs situations spécifiques, pour conclure à une sorte d’unité de situation générale. (Au contraire, pour voir des analyses dans ce sens que nous rejetons complètement, on peut parcourir la presse en général en allant par exemple de WSWS.org, le 22 juin 2013, à Marianne.net, le 22 juin 2013. On y retrouvera l’atmosphère de la lutte des classes des années 1950-1970 ou bien l’atmosphère du débat sur l’immigration et l’islamisme à partir des années 1980-1990.)
Nous refusons en effet absolument le traitement spécifique de ces situations, qui est l’aliment évident du réductionnisme par quoi l’on évite d’aller au cœur du seul problème qui compte dans notre temps. Plus encore, nous estimons que ce que nous avons déterminé comme la “sorte d’unité de situation générale” de ces trois pays qui font partie d’un groupe spécifique qu’on juge plus ou moins, selon les circonstances et malgré les accidents (Turquie), de tendance antiSystème, ne doit en aucun cas être séparé de la situation générale des pays du bloc BAO telle que nous l’observons depuis au moins 2008. (Cette situation spécifique des pays du bloc BAO étant faite de protestations sporadiques de la population, sans aucune organisation oppositionnelle, donc sans offre d’alternative ; de directions politiques discréditées et impuissantes ; d’une politique générale favorisant tous les centres-Système de pouvoir, instaurant une politique de surveillance systématique de la population, etc. ; bref d’une instabilité grandissante et d’une crise générale en constante aggravation à mesure que les autorités-Système affirment lutter avec succès contre l’instabilité et la crise.)
Nous devons ajouter bien entendu que ces pays, qu’on juge effectivement plutôt de tendance antiSystème, sont nécessairement soumis au Système, ou dans tous les cas intégrés dans le Système, dans le chef des aspects financier, économique et social (avec une certaine réserve mais tout de même nullement décisive pour la Russie, dont l’exécutif fort, la tradition étatiste affirmée, etc., limitent certains aspects de la pénétration-Système aux niveau financier, économique et social). Cela implique pour ces pays plus ou moins antiSystème les maux habituels engendrés par le schéma capitaliste, et surtout de notre capitalisme-turbo actuel, de l’austérité aux restrictions de l’aide sociale, des spasmes de développement à la destruction de l’environnement, de l’accroissement de l’inégalité à la corruption, etc. Le schéma capitaliste, absolument déstructurant et dissolvant, est évidemment aussi destructeur, sinon plus dans ce type de pays, et il est universel puisqu’émanant directement du Système. Les autres pays peu ou prou dans la même catégorie, qui ne sont pas cités ici parce qu’ils ne sont pas dans l’actualité ou qu’ils ont un rôle moins affirmé que les trois cités, sont dans la même situation, – la Chine notamment, certes. La cause en est évidemment, selon notre point de vue fondamental, que le Système est “la source de toutes choses” selon les seules normes effectivement en cours dans notre “contre-civilisation” aujourd’hui, ce que nous rappelons systématiquement. Rien de construit, d’efficace à l’échelle de l’organisation d’une nation, ou d’un groupe de nations, ne peut se faire hors du Système, et par conséquent hors de ses règles... Quelques rappels à cet égard, pour affiner la définition et mieux définir la situation, avec citations de deux textes éloignés de deux ans, – où l’on voit, signe de l’affirmation et de l’approfondissement de notre point de vue, qu’“un système” est devenu “le Système” majusculé et exclusif.
• Le 10 septembre 2010 : «D’autre part, ce qui nous invite à procéder de la sorte est le constat que nous avançons sans la moindre hésitation que la manifestation fondamentale de cette civilisation arrivée au point où elle se trouve, se fait sous la forme d’un “système” extrêmement élaboré et complexe, dont nous parlons souvent et qui est le principal objet de notre étude. Ce “système” a l’unicité, la puissance, l’universalité qui en font la source de toutes choses dans le chef d’une civilisation dont on peut dire qu’elle est une “contre-civilisation” »)
• Le
Ainsi, lorsque nous parlons d’actions ou de collectivités, de nations, etc., antiSystème, il est entendu que nous parlons d’entités qui sont à l’intérieur du Système mais qui, pour une raison ou l’autre, par tel moyen ou tel autre, parviennent à exercer une action antiSystème de l’intérieur du Système. Cela rejoint d’ailleurs notre appréciation principale du phénomène antiSystème, qui est d’une logique évidente, qui est que le système antiSystème ne peut s’organiser qu’en fonction du Système puisque tout est dans le Système. D’une façon générale, également, son action, que nous qualifions évidemment de “Résistance”, est impuissante en elle-même, en tant que telle, et elle acquiert au contraire toute son efficacité essentiellement en “jouant avec le Système” ; c’est-à-dire, en retournant contre lui la force du Système, notamment pour éventuellement exacerber son processus de surpuissance et accélérer prodigieusement sa transmutation en processus d’autodestruction.
(Voir par exemple le 2 juillet 2012 : «L’intérêt de la résistance est moins de détruire, ou d’espérer détruire le Système, que de contribuer à l’accélération et au renforcement de son autodestruction. [...] L’opérationnalité de la résistance antiSystème se concentre naturellement dans l’application du principe fameux, et lui-même naturel, de l’art martial japonais aïkido : “retourner la force de l'ennemi contre lui...”, – et même, plus encore pour notre cas, “aider la force de cet ennemi à se retourner naturellement contre lui-même”, parce qu’il est entendu, selon le principe d’autodestruction, qu’il s’agit d’un mouvement “naturel”.»)
Ainsi nous trouvons-nous, dans les trois cas évoqués, et malgré les différences parfois considérables entre ces trois cas, dans une même situation paradoxale et contradictoire. Ce n’est pas une surprise puisque, lorsqu’il s’agit du Système, de ses spasmes et de ses convulsions, nous sommes absolument dans une situation qui ne peut se définir que par le paradoxe et la contradiction. D’un côté, on peut juger dommageable que des pays qui semblent plus ou moins d’orientation antiSystème se trouvent confrontés à des troubles intérieurs (certains le regrettent tant qu’ils insinuent que la main de la CIA se trouve pour une part non négligeable dans les troubles au Brésil, – ce qui peut se concevoir, certes, mais pour partie et sans action fondatrice, selon la “doctrine” dite du “prendre le train en marche”, comme éventuellement, pour ce qui est de la “doctrine”, dans le cas turc pour ceux qui restent favorables à Erdogan). Au pire et dans le meilleur des cas pour notre conception, on peut juger dommageable qu’un pays nettement d’orientation antiSystème (la Russie) ne puisse espérer (selon nous) pousser sa politique pourtant brillante et surtout principielle jusqu’à une issue antiSystème achevée. Mais ce jugement conjoncturel est infondé sur le fond, puisque l’action de la Russie exacerbe effectivement la surpuissance du Système et la transmue presque simultanément en processus d'autodestruction (l’exemple de la Syrie est évident).
D’un autre côté, ces pays étant tout de même dans le Système, parce qu’il ne peut en être autrement, leurs troubles affectent le Système qui est un ensemble absolument universel, hermétique, fondé sur une intégration absolue et totalitaire de toutes les forces existantes. Le Système ayant comme objectif l’équation dd&e (déstructuration, dissolution & entropisation), son but est l’entropisation de tout ce qui figure en son sein, c’est-à-dire tout ce qui figure dans cette “contre-civilisation” complètement globalisée et à laquelle rien d’humain, ni rien de la nature des choses et du monde, ni rien de structurant finalement, ne doit pouvoir échapper dans son chef. Par conséquent, les parties de ce tout qui connaissent des troubles interférant sur la bonne marche de l’objectif dd&e vers l’entropisation, constituent un grave problème, voire un revers pour le Système. Par conséquent, ce qu’on pourrait interpréter comme des événements satisfaisant le Système puisque touchant des pays antiSystème, – notamment les troubles en Turquie et au Brésil, la position de la Russie qui semblerait susciter des forces à l’intérieur de ce pays conduisant à la mise à l’index de ce pays, dans tous les cas par rapport au bloc BAO, – tout cela constitue en réalité des préoccupations majeures pour le Système par définition, par rapport au fonctionnement des processus de globalisation. Même si la politique du Brésil, type-BRICS, est perçue avec une certaine hostilité par le Système, les troubles au Brésil le sont encore plus et conduisent le Système à souhaiter finalement que le gouvernement brésilien rétablisse le calme (éventuellement, ce serait encore mieux, en modifiant sa politique dans un sens pro-Système). Même si la politique de Poutine, notamment syrienne, est perçue avec une hostilité considérable par le Système, la Russie est tout de même nécessairement perçue comme faisant partie du Système évidemment, et tout est fait pour affirmer que la Russie évolue pour se rapprocher du bloc BAO, et tout le monde, du président-poire Hollande au Premier ministre Cameron, répète régulièrement que la Russie va être bientôt “des nôtres”. Leur sottise conjoncturelle à cet égard, – concernant la vérité des événements en cours, – répond de leur complète loyauté au Système reflétant l’emprise-Système sur leurs psychologies absolument épuisées et dévastées.
Pour prendre une référence évidente, par rapport à ce que l’on a nommé le “printemps arabe”, où l’enjeu paraissait clair face à des dirigeants-Système avérés jusqu’à la caricature grotesque, le cas présent est très différent. Les dirigeants de ces pays ne sont pas irrémédiablement des dirigeants-Système, tant s’en faut, et même pas du tout pour certains. Ils sont eux-mêmes coincés entre paradoxe et contradiction. La Brésilienne Rousseff, venue de la gauche extrême, après des années de prison et de torture de la part des militaires brésiliens commandités par la CIA, est au fond en bonne partie du côté des foules en colère. Elle ne manque pas de le dire, d’ailleurs, ce qui ne manque pas de donner un sel surréaliste à la situation. Elle lâche le plus qu’elle peut mais, arrivée à un certain point, se trouve bloquée par les sommes en jeu, les investissements, les programmes colossaux engagés pour la Coupe du Monde. Même les Russes, même un Poutine, rencontrent des limitations, bien qu’ils soient, avec l’appui de la puissance et de l’essence historique et fondée sur la Tradition de la Russie, les plus en avant dans l’audace antiSystème, presque jusqu’au défi et au mépris. Ces limitations sont celles du Système dont ils sont malgré tout partie prenante, en partie certes, dont ils ne peuvent pas ne pas tenir compte.
Ainsi en est-il de leur position dans ces pays à la fois antiSystème et dans le Système. Finalement, cette position n’est pas originale même si elles se distingue par les politiques affichées telles qu’on les a détaillées. De façon plus générale on dira que cette position, à des degrés d’intensité très différents, est finalement universellement partagée, dans tous les pays et dans tous les continents dominés nécessairement par le Système, mais où des explosions et des projets antiSystème, très visibles ou à peine identifiés, apparaissent tout aussi nécessairement, de plus en plus souvent à mesure de la dégradation du Système, de la surpuissance à l’autodestruction. Même les pays les plus totalement entités-Système, dans le bloc BAO nécessairement, sont néanmoins, également, prisonniers du Système, et laissent échapper ici et là des manifestations antiSystème ; les USA, on le sait bien assez, n’y échappent pas. Nous sommes dans un univers total où une bataille totale est en cours, mélangeant les uns et les autres, transcendant toutes les lignes conventionnelles, balayant toutes les étiquettes, à la mesure de la puissance extraordinaire du Système (surpuissance) et de sa crise d’d’effondrement (autodestruction). Simplement, on observera que l’épisode actuel, que nous analysons ici, avec les positions qu’on a dites, différant notamment du “printemps arabe”, marque une étape de plus, et éventuellement une avancée, dans la bataille autour du Système. Quoi qu’on fasse dans le sens des analyses spécifiques et réductionnistes, l’essentiel et l’unique chose qui compte est qu’il s’agit d’une bataille contre le Système, partout et de toutes les façons.
Il est donc impératif de considérer ces troubles pour ce qu’ils sont en vérité, comme reflet de l’infiniment complexe opérationnalité de la situation, et reflet de la terrible et bouleversante simplicité de la vérité de la situation. Les crises ou incertitudes dans les pays et groupes de pays auxquels on vient de s’intéresser, qui se retrouvent partout ailleurs sous des formes nécessairement différentes, sont accessoires dans leur signification pour tous ces pays et groupes de pays même si elles apportent un poids terrible de troubles, une quantité énorme de malheurs et de souffrances. Le fait est que tout cela marque d’abord, on serait presque tenté d’écrire exclusivement, les soubresauts terribles de la crise d’effondrement du Système.