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1237L’inquiétude est palpable. Ce matin, ont promis les Russes, l’évacuation de la Géorgie commence. Mais sera-ce bien le cas? Que faire si les Russes n’entament pas leur retrait? Quelle attitude prendre?… Et puis, d’autre part, ce nouveau problème qui vient de surgir: que faire du côté de l’Ukraine, où le président Iouchenko vient d’annoncer qu’il envisageait de suspendre l’accès de la flotte russe au port de Sébastopol si les navires russes sont impliqués dans le conflit géorgien?
«…A day later [16 August], Ukraine's President, Viktor Yushchenko, weighs in with threats to cancel Russia's lease of the Crimean port of Sevastopol, if Russian ships there join the Georgia conflict.
»As a contribution to lowering tension with Russia, this was deeply unhelpful. Ukraine's ambitions to join Nato agitate a Kremlin neurotically concerned with encirclement. The threat was also a risky move domestically on Yushchenko's part, given the fragile peace reigning in Ukraine between pro-Russian and pro-European forces and the strongly pro-Russian sentiment of the Crimea. If any area is likely to become the next Connollyesque piece of glass, betraying the tinder-dry woodland to the sun, it is Crimea.»
Plus encore qu’un problème de fond, c’est une question urgente de méthode qui se pose à l’Occident. C’est effectivement un appel à un changement de méthode que lance The Independent, avec son éditorial dont on a lu un extrait ci-dessus et, surtout, avec le texte de Bruce Anderson. Après avoir examiné les conditions qui ont mené à la crise qu’on affronte aujourd’hui, Anderson écrit:
«... We in the West have to persuade Mr Putin that it is possible for him to be a patriot who believes in a strong Russia without coming into conflict either with us or with his immediate neighbours. This creates a dilemma. How can we avoid the danger of a crisis over the Ukraine without giving the Russians the impression that they can do what they like in that country?
»This is an urgent task which is not assisted either by reverting to Cold War rhetoric, or by NATO expansion into the former Soviet Union. As soon as peace has been restored in Georgia, the West should launch a major diplomatic offensive with the object of creating a new system of collective security in which disagreements could be resolved. This will only work if it is presented as an overture to Russia and not as a diplomatic offensive to unite Russia's neighbours against her. It would help if we announced that the negotiations would lead to the Treaty of Moscow.
»It would also be foolish to exclude Russia either from the G8 or the World Trade Organisation. We all want to see a Russia which aspires to belong to those bodies – not a great power which pursues a nationalist course with the constant threat of conflict.
»If only our diplomacy could be conducted in secret, without any need to appeal to the West's electorates. We need diplomats who are the intellectual heirs of Castlereagh, Kissinger, Metternich, Salisbury and Talleyrand; with the temperaments of Peter Carrington or Douglas Hurd, steeped in experience, wisdom, realism and cynicism.»
Même si l’on peut être en désaccord sur l’analyse de fond de The Independent, qui fait la part un peu trop belle à la responsabilité russe dans la crise actuelle, et pas assez à celle de l’Occident, on doit admettre que le quotidien britannique aborde là un problème fondamental. Il s’agit de changer de méthode, de revenir à la diplomatie, d’abandonner l’invective satisfaite, l’anathème diabolisante, la fureur manichéenne. (Nous comprenons bien, pour notre part, à propos du fond des choses, que cette incitation signifie de prendre en compte la perspective de la durée qui est la condition sine qua non d’une diplomatie intelligente et pacificatrice. Outre ce que l’“Ouest” demande aux Russes, il s’agit que “l’Ouest” ne soit plus l’Ouest tel qu’il l’est depuis la chute de l’URSS; il s’agit que les USA ne soient plus arrogants, sûrs d’eux-mêmes et surs de détenir la vérité du monde, irresponsables et déstabilisateurs et ainsi de suite; il s’agit que l’Europe ne soient plus aveuglément suiviste, derrière les USA, et ne se sentent plus investis de l’impératif moral de commencer toute négociation avec les Russes par une admonestation d’une demi-heure sur les droits de l’homme et la démocratie en Russie. Et ainsi de suite.)
The Independent et Anderson ont parfaitement raison dans leur appel. On notera qu’ils demandent à l’Ouest une attitude que la Russie eut longtemps et que l’Ouest considéra avec mépris, dérision et indifférence. On notera que le “Traité de Moscou” dont Anderson demande aux Occidentaux de prendre l’initiative de le proposer, les Russes le proposent depuis plusieurs semaines avec la proposition Medvedev, et que cette proposition a soulevé à “l’Ouest” le désarroi ou la méfiance accusatrice, selon qu’on se trouvait à Bruxelles (UE) ou à Evere (OTAN).
Bien sûr qu’ils ont raison. Ils suffit de relire les mémoires de Talleyrand ou Talleyrand au Congrès de Vienne de Guglielmo Ferrero pour mesurer le vertigineux effondrement de notre méthode et le triomphe général d’une pensée et d’un comportement barbares, – postmodernes certes mais barbares sans aucun doute, comme si le postmodernisme avait inventé une nouvelle sorte de barbarie. La question est celle de la méthode, sans aucun doute, c’est-à-dire celle de la perception du monde et de la compréhension de l’Histoire, et, si possible, – mais est-ce possible? – d’une Histoire qui ne soit pas revue et corrigée par “l’Ouest”. C’est là où la méthode retrouve la question du fond, qui impliquerait que “l’Ouest” se mette lui-même en question.
C’est pourquoi The Independent a raison et c’est pourquoi nous ne sommes pas optimistes.
Mis en ligne le 18 août 2008 à 12H34