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1032Les mots qu’on relève dans les titres et phrases de présentation du Guardian, qui a choisi dans son texte principal de caractériser le sommet de l’OTAN de Riga par la “performance” on stage du Premier ministre et remarquable acteur de conviction Tony Blair, — ces mots (soulignés en gras par nous) sont eux-mêmes remarquables. Ils nous en disent bien plus long qu’un très long commentaire plein de sérieux et d’objectivité :
• «Blair insists Nato is winning the war in Afghanistan»
• «PM surprisingly upbeat on progress of conflict.»
• «Tony Blair made the startling claim yesterday that Britain and other Nato members were “winning” the war in Afghanistan despite increased Taliban activity and a sharply rising death toll.»
Il s’agit donc d’un cas évident d’une colère vertueuse et amplement justifiée qui ne se contient plus.
Le Premier ministre britannique n’est pas loin de ne plus supporter l’indécente insistance de la réalité dans sa volonté d’exister. Il “insiste” pour que cette réalité regagne sa place vite fait, dans l’obscurité des causes perdues, avec la marque infamante de l’insupportable indécence de l’imposture. Pour cela, il emploie toute sa fougue. Il est “upbeat”. Il proclame hautement et superbement que les choses sont comme il dit (“nous sommes en train de gagner”), et cela “malgré” (“despite”) cette insupportable réalité, qu’il s’agisse des talibans qui font ce qu’ils veulent, des pertes otaniennes sur le terrain, des Afghans qui en ont assez d’être libérés par les Occidentaux, des troupes de l’OTAN qui ne peuvent rien faire et appliquent une tactique du sauve-qui-peut et ainsi de suite.
La terne médiocrité batave qui sert de “SecGen” à l’Alliance a dû trouver le truc blairien excellent et elle a aussitôt vu la lumière (“to saw the light”) là où elle aveugle les croyants et les acteurs possédés : «Mr de Hoop Scheffer echoed Mr Blair's upbeat assessment. “There is not the slightest reason for gloom over Afghanistan,” he said. The mission “is winnable, it is being won, but not yet won”.»
C’est un extraordinaire exercice en virtualisme qui a été une des marques du sommet de Riga. L’Occident fonctionne aujourd’hui à la conviction virtualiste assénée à doses massives, notamment par le docteur Blair. Mais le docteur Blair est sur le départ. Le “docteur Miracle” va se reconvertir sur les circuits à haut rendement des conférences anglo-saxonnes sur la situation du monde et les enseignements de son incomparable expérience d’une mirobolante carrière.
Le sommet de Riga s’est achevé sur cette angoissante question de programmation : qui animera les futurs sommets de l’OTAN, lorsqu’il faudra nous expliquer que le retrait de l’OTAN de l’Afghanistan et la (re)prise du pouvoir par les talibans représentent une marque décisive du fonctionnement et de la régénération de “la plus grande alliance que l’histoire ait connue”?
Autres constats du Guardian, pour notre information sur la réalité virtualiste contre l’insupportable réalité-réalité :
«Doubts about the military operation have grown this year as a result of a resurgence in Taliban operations that has left thousands of Afghans dead, as well as Nato troops. Two Nato soldiers were killed by a roadside bomb south of Kabul yesterday.
»But Mr Blair, who along with George Bush is among the most bullish of the Nato leaders about the prospects for Afghanistan, said: “I think there is a sense that this mission in Afghanistan is not yet won, but it is winnable and, indeed, we are winning.”
»Nato members agreed a messy and inconclusive compromise on reinforcements for British, American, Canadian and Dutch troops fighting in the south.»
Mis en ligne le 30 novembre 2006 à 05H54