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354Citation d’un récent écho de l’hebdomadaire français
«Un F-22 Raptor “tiré” par un Mirage 2000-9 – Décidément, l'exercice multinational de décembre aux Emirats (cf.A&C N°2205) n'en finit pas de nous étonner... Dernière surprise en date, un Mirage 2000-9 de la Force aérienne des Emirats (UAEAF) est parvenu à se placer en position de tir derrière un F-22 Raptor de l'US Air Force au cours d'un combat simulé à vue (Basic Flight Maneuvers - BFM). Bel exploit – resté caché pour ne froisser personne des deux côtés de l'Atlantique – que prouve le “patch” édité à cette occasion pour les rares initiés.»
@PAYANT On sait que les exercices de combat simulé réalisés en novembre 2009, en marge du salon aéronautique de Doubaï, avaient vu de très belles performances de l’avion français Rafale. Selon des sources industrielles directes ou indirectes, le Rafale l’avait emporté dans la plupart des engagements avec des chasseurs tels de l’Eurofighter Typhoon, le F-16C Block 60, etc. Face au Raptor qui avait participé aux engagements, le Rafale aurait réalisé cinq engagements qui se seraient soldés par quatre “nuls” et une victoire du Raptor (selon l’Armée de l’Air) ou trois “nuls”, une victoire et une défaite (selon des sources industrielles). Ces mêmes sources (industrielles) rapportent que les pilotes US de Raptor avaient été surtout stupéfaits, lors des debriefings, des conditions de combat montrant les capacités de l’avion français , avec l’absence de supériorité décisive de leurs propres appareils sur leurs adversaires français. (Comme indiqué ci-dessus, Air & Cosmos a fait un long compte-rendu de ces combats simulés dans son numéro 2205 du 12 février 2010, beaucoup plus détaillés que nos propres échos.)
Ces divers échos restent imprécis et le deviennent encore plus lorsqu’ils veulent l’être moins, – à cause des versions diverses, des intérêts en jeu, et surtout de la complexité labyrinthique des conditions d’engagement qui n’ont guère de rapports avec les conditions naturelles de la guerre aérienne. Certes, ils confirment sans aucun doute les capacités des avions français, surtout avec, en plus, l’annonce concernant le 2000-9 contre un Raptor. Mais la chose (les réelles capacités des matériels français) est désormais connue et il ne s’agit pas, à notre sens, de l’enseignement principal, ou de l’amorce de ce qui pourrait être l’enseignement principal.
Ce que montrent ces divers combats simulés, c’est l’abîme qui existe entre la proclamation des capacités théoriques des avions de combat, notamment d’une génération à l’autre, en fonction de équipements extrêmement avancés dont ils sont équipés (dont les uns sont équipés et les autres pas), et les résultats très contrastés, sinon insaisissables et inclassables dans la réalité, souvent complètement différents de ce que pourraient laisser croire les présentations théoriques qui en sont faites. (Dans tous les cas, cela dans la réalité des combats simulés, et notre appréciation est que la réalité de vrais combats conduirait à l’accroissement de la dégradation de l’environnement soumettant les systèmes avancés à des conditions encore plus aléatoires.)
Hors des complications labyrinthiques (répétons le qualificatif) des exposés théoriques de la “guerre aérienne” (?), il semble de plus en plus que la vraie guerre aérienne soit cantonnée à deux scénarios. D’une part, une guerre aérienne sans adversaire, comme la plupart des récentes “guerres”, le plus souvent réalisés par un “très fort” (USA en tête, certes) contre un “très faible”, – le “très faible” refusant le combat conventionnel et se repliant sur des formes de combat inédites, asymétriques, alimentant le registres sans cesse élargi de la G4G (Guerre de 4ème Génération), qui se manifeste après un coup de boutoir initial du “très fort” donnant à celui-ci l’illusion de la victoire-éclair. Dans ce cas, la puissance des matériels très avancés est confirmée par défaut, comme dans un exercice de laboratoire, ainsi que la gloire du technologisme, – simplement, doit-on noter comme en passant, parce que l’adversaire n’existe pas, volontairement ou par simple situation. D’autre part, il y a la possibilité d’une guerre aérienne entre deux adversaires de capacités évoluant dans le même domaine, et il n’y a guère d’exemples récents d’un véritable conflit réel de cette sorte, avec une campagne assez longue pour être significative, depuis celui du Vietnam. (La guerre du Golfe première version ressort à notre sens du premier scénario, cette fois par absence d’un réel adversaire, les capacités irakiennes ayant été hyper-surestimées et les Irakiens ayant la plupart du temps refusé le combat, jusqu’à transférer une partie de leur aviation en Iran pour éviter sa destruction.) Notre appréciation pour ce type de conflit tout à fait hypothétique serait qu’il nous réserverait sans doute bien des surprises, par rapport à la puissance affirmée des avions de combat modernes (4ème génération modernisée, ou 4,5ème, et 5ème génération, – toutes ces classifications en “générations” relevant à notre sens, de plus en plus, d’appréciations technologiques théoriques et bureaucratiques qui perdraient très vite leur sens dans des conditions réelles).
A cet égard, l’un des mythes les plus dévastateurs est l’idée, générée parmi les forces aériennes US, de l’“air dominance” contre la définition classique, qu’elle remplace, d’“air superiority” (domination totale d'un espace aérien contre l’ancienne notion de supériorité aérienne obtenue sur l’ennemi après les engagements réels). Les USA estiment avoir maîtrisé l’idée de domination d’un espace, quels que soient les conditions et les présences hostiles susceptibles de leur contester la maîtrise de cet espace, à la place de l’ancienne idée de “supériorité aérienne” qui implique la victoire sur une force adverse et, par là, la supériorité affirmée sur cette force entraînant le contrôle de l’espace. Il y a une différence de substance: on passe de l’affirmation de la destruction d’une force ennemie (“air superiority”) à l’affirmation de la maîtrise a priori d’une partie de l’univers. L’“air dominance” implique l’interdiction de pénétration de l’ennemi dans l’espace aérien, alors que l’“air superiority” impliquait le combat et la victoire.
Ce nouveau concept est, à notre sens, un mythe basé sur la croyance dans le technologisme, la même croyance qui, au niveau industriel, conduit à des catastrophes comme le programme JSF. Il organise la bataille comme un “système de systèmes” dans lequel l’outil principal, – l’avion de combat, – devient un pion non autonome qui doit disposer a priori de capacités données qui n’ont d’intérêt et d’efficacité que dans le cadre de cette maîtrise générale d’“une partie de l’univers” par le “système de systèmes”. Il est à craindre que si cette maîtrise n’est pas verrouillée à 100%, les “pions” redevenus avions de combat devant faire la guerre auront à leurs dispositions des capacités très avancées mais peut-être inutiles pour cette mission inattendue, – faire la guerre, comme vous et moi.
Le concept même de “guerre aérienne” est aujourd’hui menacé de la même faillite fondamentale des illusions entretenues par le technologisme. La catastrophe du JSF, loin d’être un accident isolé, figure en réalité comme une étape bien entendu importante, – mais rien que cela, une étape industrielle dans la chaîne de catastrophes qui secouent les avancées modernistes de notre civilisation, cette chaîne catastrophique se poursuivant également jusqu’à la guerre réelle éventuelle pour ce domaine envisagé de la guerre aérienne.
Notre conviction est qu’une vraie guerre aérienne, si elle avait lieu, apporterait bien des surprises. Tout cela renvoie, indirectement et même directement, à la crise du technologisme.
Mis en ligne le 6 mars 2010 à 07H23
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