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6 juin 2005 — Français et Allemands se démènent pour contenir la crise. Accessoirement, les Allemands ont lancé leur idée d’un retour au “noyau dur”, sans succès. Une autre idée est que Français et Allemands doivent contrer l’offensive probable de Tony Blair, pour imposer “son” plan B. Accessoirement (bis), divers bruits de délitement européen se font entendre : débat en Allemagne autour d’un retour au mark, déclaration en Italie d’un ministre réclamant le retour à la lire (la question est de savoir s’il s’agit de l’option “euro, monnaie commune” à la place de “euro, monnaie unique” : à côté de l’euro pour les transactions extérieures, rétablissement des monnaies nationales). Enfin, cerise sur le gâteau, les bruits qui se sont répandus de l’ivresse saisissant Tony Blair, qui voit dans sa présidence de l’UE du 1er juillet-31 décembre l’occasion d’investir l’Europe et de lui imposer le soi-disant triomphant “modèle britannique”.
Quelques images de la semaine folle d’après-le 29 mai, extraites de The Independent du 4 juin :
« The fallout from the two EU referendum ''no'' votes became a full-blown crisis yesterday after efforts by Germany to reform an alliance among the core members were blocked.
» Amid continuing acrimony after the ''no'' votes in France and the Netherlands, Germany was heading diplomatic efforts to stop Tony Blair killing off the European constitution in all but name. At the same time Berlin and Paris backed new proposals to freeze, then reduce, the British budget rebate, a plan that could put Mr Blair on the defensive on two fronts.
» Shellshocked by the ''no'' votes, there was an air of panic in several European capitals yesterday. The Italian welfare minister, Roberto Maroni, sparked a flurry on financial markets by suggesting that Italy should hold a referendum on abandoning the euro and returning to the lira - an idea rejected by more senior government figures.
» Jean-Claude Juncker, the prime minister of Luxembourg, said he will quit if his country votes against the constitution next month. He also said that failure to agree on a new budget for the EU at a summit in two weeks would provoke a “big European crisis”.
» Meanwhile, the bad blood between capitals suggests a growing split, along the lines of the old/new European divide on Iraq. This time, the divide is likely to be over economic policy, the EU's future enlargement and further efforts to reform the EU's system of farm subsidies.
» It emerged that Gerhard Schröder, the German Chancellor, had sought to convene all six founder members of the EU but the Dutch premier, Jan Peter Balkenende, and the Italian prime minister, Silvio Berlusconi refused.
» Mr Balkenende argued that, to form a new grouping like that, would send a negative signal to other countries and not respect the spirit of the Dutch referendum which suggested a slow-down in integration. German sources insisted the initiative was not designed to recreate a ''core'' or inner tier of Europe, but was linked instead to the push to continue with ratification of the constitution. »
Tout cela, pour l’instant, “beaucoup de bruit pour rien”. Il s’agit surtout des traces multiples de la confusion extraordinaire qui a saisi l’Europe. C’est bien là le seul signe tangible : le référendum français, avec l’appoint du référendum hollandais du 1er juin qui n’aurait jamais été ce qu’il fut sans le 29 mai, a plongé l’Europe dans une crise qui est “la mère de toutes les crises”, un désordre qui représente un formidable coup de pied dans une fourmilière jusqu’ici tranquille, si sûre d’elle-même. L’argument de la France isolée après le référendum vaut bien ce qu’il était, — une sornette à faire pleurer de rire; la France est au centre de toutes les récriminations, de toutes les revendications et, éventuellement, de toutes les sollicitations.
Par conséquent, il est urgent d’attendre, principalement pour la France. On verra rapidement démontré le fait que la présidence de l’UE est loin d’être un avantage ou une sinécure: les Britanniques, qui en héritent le 1er juillet, vont se trouver face à une tâche extraordinairement complexe, d’autant plus complexe que des pressions considérables vont leur être appliquées pour qu’ils fassent avancer certaines mesures d’apaisement et de remise en place, avant une présidence autrichienne qui manquera de l’autorité d’une grande nation.
La tâche des Britanniques sera d’autant plus complexe qu’ils seront placés en position de juges alors que leur véritable rôle, leur rôle naturel, est celui d’être partie, et partie la plus extrémiste avec les idées hyper-libérales de Tony Blair. La très grande peur des Britanniques, c’est de voir les Français quitter leur habituelle position de ce “père spirituel” de l’Europe gonflé de pompe et de vertu, qui incline toujours à se poser en juge et à faire soi-même des concessions aux plus extrêmes en déforçant d’autant sa propre position, — et de voir ces mêmes Français prendre au contraire la position extrême de revendication que leur inspire le vote du 29 mai, — bref, tenir la promesse de devenir des « Thatcher à la française », si Chirac a l’inspiration de se transformer en ce qu’il doit être : le chef des pirates montant, couteau entre les dents, à l’assaut de la citadelle libre-échangiste.
Oui, urgent d’attendre : que les Britanniques soient en position de direction des affaires européennes, qui est en fait une position de coordinateur, d’arrangeur, de médiateur, la pire position possible pour imposer des solutions extrémistes. Et qu’on se rassure : après cette belle bataille, nous tous, Français, Anglais et les autres, redeviendrons excellents amis et excellents Européens. C’est promis.