Le général Petraeus, le nihilisme de sa stratégie et le nihilisme des opinions des candidats à la présidence

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Le général Petraeus témoigne devant le Congrès, sorte de rituel désormais (troisième série d’audition), sorte de “discours sur l’état de l’Irak”. Cette fois, le spectaculaire de la nouveauté de la procédure l’a cédé devant la médiocrité de la chose: médiocrité du général, médiocrité de sa stratégie, médiocrité des interventions des sénateurs pompeux et satisfaits d’eux-mêmes (mais pas toujours de Petraeus, il faut bien se donner l’illusion de l’esprit critique). Bref, nous avons eu confirmation que la médiocrité intellectuelle extraordinaire du système et de ses acteurs est à la base de la catastrophe inégalée dans l’Histoire pour de telles conditions qu’est l’Irak.

Involontairement sans doute, un orfèvre en la matière met en lumière cette médiocrité dans la mesure où les uns et les autres naviguent dans la complète irréalité du virtualisme américaniste. Que les trois candidats à la présidence soient impliqués à fond dans ce constat, sans aucune restriction d’une manifestation de l’intelligence, nous en dit long sur ce que nous promet la succession de Bush. La catastrophe poursuivra son tranquille développement.

L’orfèvre, c’est notre pote Gerard Baker, le pro-américaniste pur et dur dans cette citadelle du pro-américanisme qu’est devenu le Times de Londres. Dans sa chronique de ce ce jour, Baker attaque ce qu’il juge l’“irréalité” du débat au Congrès sur l’Irak, entre le Petraeus bardé de médailles et d’étoiles et les sénateurs trônant dans leurs fauteuils type “Pères Fondateurs”. (Titre de la chronique Baker : «The hallmark of the Iraq debate is its unreality.»)

Baker termine par un constat désolé en trois points:

»But the hallmark of this entire debate is its continuing unreality.

»Republicans seem to suggest that the war is going so well that the US should simply stay indefinitely. But senior strategists close to Mr McCain acknowledge what many in the Pentagon are saying with increasing alarm – that the strains the war is placing on US military capabilities are so great that some significant reduction in the American role is essential some time soon.

»At the same time, Democratic foreign policy advisers also admit that the chances that their candidate will be able to meet campaign promises and pull US forces out quickly next year – whatever the situation on the ground in Iraq – is equally absurd.

»The reality is that, once the posturing is done and the election is over, whoever wins is going to have to sit down with General Petraeus or his successor – without the television cameras - and figure out a pragmatic resolution to this messy and prolonged American engagement.»

Il n’empêche, – absurde pour absurde, – “poor old fellow” Baker n’échappe pas à la malédiction irakienne. Les deux “absurdités” qu’il décrit (la républicaine, via McCain, la démocrate, via Hillary et Obama) sont également les deux seules options envisageables dans l’incroyable piège de désordre incontrôlable où sont pris les Américains: rester en Irak ou partir d’Irak. Baker suggère qu’il faut rester encore un peu et se réunir pour envisager de commencer à partir. Comment faire si la situation comme elle est interdit effectivement de partir, sinon faire évoluer la guerre dans un sens très favorable aux USA pour qu’on puisse partir sans encombre, – mais c’est alors épouser la thèse des républicains simplement un peu retardée chronologiquement que tout va très, très bien, — et alors, dans ce cas, pourquoi ne pas rester?

La réalité, voire la vérité, est que l’intervention nihiliste des USA en Irak, – attaquer pour attaquer, taper pour taper, conquérir pour conquérir, – a créé sur le terrain même une situation également nihiliste qui interdit toute évolution raisonnable et contrôlable. Le piège est parfait. Les USA y sont parfaitement verrouillés. Le nihilisme règne. Alors, autant que les candidats s’ébattent dans leur virtualisme, cela leur permet d’espérer être élus. Ce sera donc une élection nihiliste, et la prochaine administration enchaînant sur l’actuelle sans en changer le sens, – c’est-à-dire l’absence de sens.


Mis en ligne le 9 avril 2008 à 06H46