Le général Suleimani est-il le vrai maître de l’Irak?

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Le groupe McClatchy Newspaper, connu pour la qualité de ses informations sur l’Irak, publie une longue analyse ce 29 avril sur le général Qassem Suleimani, commandant de la “Force Quds” des Gardiens de la Révolution iraniens. Suleimani est présenté, au travers de nombreux faits et témoignage, comme “l’homme le plus puissant de l’Irak”, celui qui contrôle réellement la situation dans le pays. Un officiel irakien, cité dans l’article résume ainsi la position de Suleimani: «Whether we like [Suleimani] or not, whether Americans like him or not, whether Iraqis like him or not, he is the focal point of Iranian policy in Iraq. The Quds Force have played it all, political, military, intelligence, economic. They are Iranian foreign policy in Iraq.»

C’est Suleimani qui était intervenu le 30 mars dernier pour négocier un accord mettant fin à l’affrontement entre chiites à l’intérieur de l’Irak. Son activisme et son influence en Irak semblent désormais un point politique et militaire essentiel de la situation en Irak. Par conséquent, la position de force de Suleimani et l’influence iranienne qui se diffuse par son intermédiaire constituent désormais une préoccupation stratégique majeure des USA. (L’article semble lier directement cette situation à la récente recrudescence de menaces US d’attaque contre l’Iran, y compris de l’amiral Mullen, président du comité des chefs d’état-major, pourtant considéré comme faisant partie du camp hostile à une attaque de l’Iran au Pentagone.)

«As Tehran's point man on Iraq, he funnels military and financial support to various Iraqi factions, frustrating U.S. attempts to build a pro-Western democracy on the rubble of Saddam Hussein's dictatorship.

»According to Iraqi and American officials, Suleimani has ensured the elections of pro-Iranian politicians, met frequently with senior Iraqi leaders and backed Shiite elements in the Iraqi security forces that are accused of torturing and killing minority Sunni Muslims. [...]

»McClatchy reported on March 30 that Suleimani intervened to halt the fighting between mostly Shiite Iraqi security forces and radical Shiite cleric Muqtada al Sadr's Mahdi Army militia in the southern city of Basra. Iraqi officials now confirm that in addition to that meeting, Iraqi President Jalal Talabani personally met Suleimani at a border crossing to make a direct appeal for help.

»Iraqi and U.S. officials told McClatchy that Suleimani also has:

»• Slipped into Baghdad's Green Zone, the heavily fortified seat of the U.S. occupation and the Iraqi government, in April 2006 to try to orchestrate the selection of a new Iraqi prime minister. Iraqi officials said that audacious visit was Suleimani's only foray into the Green Zone; American officials said he may have been there more than once.

»• Built powerful networks that gather intelligence on American and Iraqi military operations. Suleimani's network includes every senior staffer in Iran's embassy in Baghdad, beginning with the ambassador, according to Iraqi and U.S. officials.

»• Trained and directed Shiite Muslim militias and given them cash and arms, including mortars and rockets fired at the U.S. Embassy and explosively formed penetrators, or EFPs, the sophisticated roadside bombs that have caused hundreds of U.S. and Iraqi casualties.»

Le long article de McClatchy Newspapers détaille la puissance des positions iraniennes en Irak, qui semblent désormais constituer un facteur stratégique majeur. L’article commente, plaçant le phénomène en perspective: «Suleimani's role in Iraq illustrates how President Bush's decision to topple Saddam has enabled Shiite, Persian Iran to extend its influence in Iraq, frustrating U.S, aims there, alarming America's Sunni Arab allies in the Persian Gulf and prompting new Israeli fears about Iran's ambitions.»

Il semble que cet article donne une illustration politique acceptable d’une situation effectivement exceptionnelle, laissant apparaître comment et avec quelle puissance l’influence iranienne s’est installée en Irak. La situation est telle que même la perspective d’une attaque US de l’Iran devient de plus en plus risquée, notamment à cause des conséquences militaires graves que pourraient subir les forces US en Irak, dans un pays où les éléments iraniens contrôlent tant de forces. On en reviendrait à une hypothèse déjà plusieurs fois développée par William S. Lind, notamment pour la dernière fois le 26 mars 2008, lorsqu'il écrivait: «The purpose of this column is not to warn of an imminent assault on Iran, though personally I think it is coming, and soon. Rather, it is to warn of a possible consequence of such an attack. Let me state it here, again, as plainly as I can: an American attack on Iran could cost us the whole army we now have in Iraq.»

Il est vrai que, si la situation que décrit McClatchy Newspapers correspond à la réalité, on a la description d’un piège gigantesque dans lequel les USA se sont enferrés en Irak. Les pressions et les menaces US contre l’Iran depuis quatre ans n’ont fait que conforter les partisans iraniens d’une politique dure anti-US et accentuer leur activisme, et la pénétration consécutive en Irak. Le “surge” a accentué encore cette situation, en laissant le champ libre à diverses forces autonomes en Irak contre un affaiblissement de la violence, et en permettant aux réseaux iraniens de s’implanter encore plus fortement. Désormais, les USA sont confrontés à une évolution de la situation qui rend leurs menaces d’attaque de l’Iran, et une attaque effective, de plus en plus risquées dans la mesure où les répercussions sur leurs arrières (l’Irak) risquent de rendre leur position effectivement intenable.


Mis en ligne le 29 avril 2008 à 16H52