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2 juin 2003 — On revient ici sur un texte d’analyse du célèbre commentateur de tendance libérale E.J. Dionne, publié, de façon assez anodine, le 30 mai dans le Seattle Times. Sous le titre « Bush-GOP ferocity alters American politics » (GOP pour Great Old Party, surnom du parti républicain), E.J. Dionne observe la fin d’une époque, — ce qui pourrait s’avérer également comme la fin d’un système, ou, disons avec un semblant d’arrière-pensée, la fin de la “couverture” vertueuse d’un système.
L’équipe GW a balayé les anciennes conceptions, fondées sur la nécessité du compromis, le système “bipartisan”, la coopération entre démocrates et républicains, et, surtout, tout ce qui faisait l’autonomie du Congrès face au pouvoir exécutif. C’était le fondement de l’équilibre des pouvoirs et ce qui faisait la vertu démocratique du système, — ce qui pourrait être interprété aujourd’hui, à la lumière de l’analyse de Dionne et en acceptant ses perspectives les plus radicales comme ceci : “tout ce qui faisait l’apparence de la vertu démocratique du système”.
« Until now, Congress was a forcefully independent branch of government. Presidents as diverse as Eisenhower, Kennedy, Nixon, Carter, Clinton and even Reagan could not count on automatic support from members of their own party in the House and Senate.
» Only President Lyndon B. Johnson had the power to see his programs to passage largely unscathed. And he had that power for only two years, 1965 and 1966, when Democrats enjoyed 2-1 majorities in both houses.
» With a very slim congressional majority, Bush would have been expected to seek genuine compromise — under the old rules. But Washington has become so partisan and Bush is so determined to push through a domestic program based almost entirely on tax cuts for the wealthy that a remarkably radical program is winning despite the odds against it and lukewarm public support.
» This is a shock to congressional Democrats, most of whom came to political maturity under the old arrangements that placed a heavy emphasis on comity and the search for the political center. In all the years when progressive interest groups and foundations were attacking partisanship as a dismal force in politics, conservatives such as presidential adviser Karl Rove, antitax activist Grover Norquist, Tom DeLay and, yes, Newt Gingrich, were building a great Republican machine. The new tax bill is a monument to their success. »
Que peuvent faire les démocrates ? Dionne observe qu’ils réagissent par un resserrement de leurs rangs, une unité politique sans faille. Mais ils ne font là que répondre à la nouvelle situation imposée par l’équipe Bush. Ils résistent à l’intérieur d’un nouveau système imposé par l’administration et, ce faisant, paradoxalement ils renforcent ce nouveau système qui signifie pour l’instant leur mise à l’écart. Ils jouent le jeu d’un parti républicain qui est en train d’imposer des lois de fonctionnement nouvelles.
« Faced with an administration intent on moving the political center to the right, Democrats are torn between old impulses and a recognition of the new order. This week, Democrats were by turn patting themselves on the back for their own unity and acknowledging the new world Rove, Norquist and Co. have created.
» Democratic unity was impressive, especially by past standards. In the Senate, only two Democrats — Zell Miller of Georgia and Ben Nelson of Nebraska — supported Bush's tax bill on final passage. Sen. Evan Bayh of Indiana mystified his Democratic colleagues by voting for one version of the Bush plan and then voting against the final bill worked out by Republican leaders. One Democrat suggested that given the current mood, Bayh's two-step may have succeeded only in alienating base voters in both parties. In the House, only seven of 205 Democrats voted for final passage of the tax bill. »
» But in holding together, said one Democratic senator, his colleagues were only responding to a dynamic Bush himself created. Unlike his predecessors, Bush has boldly tied his own fate to the fate of his party. Bush's intense campaigning for Republicans in the 2002 elections convinced them to stand with him and convinced Democrats that Bush would oppose them no matter how they voted. »
Il s’agit d’une évolution inattendue et complètement remarquable, et cela pourrait constituer à terme une révolution pour la vie politique américaine : « Bush promised to change the ways of Washington. He has succeeded brilliantly, but not by creating the “new tone of respect and bipartisanship” he promised in 2000. The new tone in Washington is not bipartisan, but hyperpartisan. »
L’Amérique est un pays sans État au sens régalien du terme. Du point de vue politique, on pourrait la définir comme une particratie absolue. En France, quand un parti domine la vie politique (l’“État-UDR”), ou même en Belgique (l’“État-CVP”, pour marquer la domination pendant 40 ans du parti social-chrétien flamand), il reste des valeurs qui échappent à cette situation : l’esprit de l’État régalien en France, la royauté en Belgique ; ces valeurs sont assez fortes pour écarter l’aspect dictatorial de cette domination et permettre la transition avec d’autres situations. Il n’existe rien de semblable en Amérique. Jusqu’ici, la relative autonomie du Congrès, le bipartisanship dans d’autres circonstances, servaient à écarter la dictature d’un parti. Dans la nouvelle situation que décrit E.J. Dionne, ces références n’existent plus.
La situation se rapproche aujourd’hui d’une sorte de situation de “parti unique” avec un deuxième parti qui ne sait plus très bien à quoi il sert, et s’il sert encore à quelque chose. Le problème n°1, chronologiquement, est que ce deuxième parti qui ne représente plus rien, représente, en réalité, 50% des votants ; le problème n°2 est de savoir ce qui se passera lorsqu’une élection présidentielle débouchera sur la victoire du candidat de ce deuxième parti, du parti marginalisé. Comment le parti qui détient tous les pouvoirs acceptera-t-il une situation nouvelle où, sans perdre beaucoup de sa puissance de représentation, il serait conduit à perdre l’essentiel de ses pouvoirs ? Au mieux, la transition sera génératrice de tensions et d’un certain désordre politique.