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337117 janvier 2024 (18H45) – Lors d’une discussion entre le Juge Napolitano et le colonel Douglas Macgregor, le 15 janvier sur l’excellent réseau du premier, ‘Judjing Freedom’, on aborde la question de la critique publique développée contre l’action israélienne à Gaza. Napolitano cite la plainte de l’Afrique du Sud devant la Cour Internationale, et surtout les très grandes manifestations pro-palestiniennes qu’on voit dans de nombreux pays dans le monde, particulièrement aux USA où il y en eut encore une très importante à Washington samedi dernier.
Voici un extrait du dialogue entre les deux hommes, sur un passage qui nous intéresse particulièrement et qui doit faire l’objet d’un commentaire beaucoup plus large et beaucoup plus fondamental. Il y est certes question de la crise de Gaza, mais aussi question de l’identité, de l’appartenance ou pas à un pays d’accueil dans le chef d’un migrant, de l’antagonisme entre la liberté sociétale et individuelle et la cohésion sociale et patriotique, etc.
Juge Napolitano : « En voyant tout cela [les grandes manifestations aux USA], pensez-vous que cela renforce l’argumentation faite par les Sud-Africains devant la Cour Internationale ? [...]
Colonel Macgregor : « Ma réponse à cette première question est que personne, ou pratiquement personne aux États-Unis ne s’intéresse à ce qu’une Cour Internationale de Justice pense... C’est simplement ceci : nous nous en fichons [...] »
Juge Napolitano : « [...Une seconde question] est celle-ci : pouvez-vous prendre le pouls de l’opinion publique [aux USA] et pensez-vous qu’il évolue contre Israël ? »
Colonel Macgregor : « Alors là vous évoquez là quelque chose de complètement différent [la signification des importantes manifestations pro-palestiniennes aux USA], qui concerne notre cohésion sociale, ici aux USA. Cette sorte de manifestation n’aurait jamais eu lieu par exemple en 1990 ou en 1991, quand nous avons fait la Guerre du Golfe, et que nous sommes intervenus au Koweït et puis en Irak, et cela n’aurait pas eu lieu parce que tous ces gens que nous voyons n’étaient pas là. Tous ces gens sont venus avec l’immigration qui a eu lieu depuis. [...]
» C’est point très important car il indique que nous n’avons plus beaucoup de cohésion sociale dans notre pays aujourd’hui... Vous devez vous demander ce qu’apporte aux USA cette pression de ces gens à propos de ce qui se passe à Gaza. C’est une bonne chose d’une certaine façon [ selon une logique anti-interventionniste] puisque cela exerce une contrainte pour restreindre nos actions dans les affaires intérieures de divers autres peuples dans le monde. D’un autre côté, qu’est-ce que cela signifie si nous avons à faire face à un conflit réel et direct, que nous devons rassembler la nation pour combattre l’ennemi extérieur et que nous nous retrouvons avec autant de gens dans la rue qui disent “non” ? C’est une situation à double tranchant... »
J’avais été frappé par une exclamation de la députée démocrate Rachida Tlaib, membre du fameux ‘Squad’ de l’extrême-gauche démocrate à la Chambre, élue du Michigan, née en 1976 à Detroit d’une famille palestinienne émigrée, donc citoyenne parfaitement américaine. Sa religion musulmane et son statut de Palestinienne-Américaine affirmés, tout cela fait partie d’une diversité caractéristique du melting pot dont l’Amérique s’est montrée si fière depuis le XIXème siècle et qui n’implique en rien une distance par rapport à l’Amérique, – bien au contraire, une diversité qui vous fait citoyen américain ! Ainsi, je le répète, j’ai été frappé par cette exclamation qu’elle a eue en expliquant certains votes et positions sur l’actuelle guerre de Gaza, et parlant de la Palestine comme de « mon pays ».
L’implicite contrat du melting pot était qu’il était juste de considérer et de citer ses racines originelles, mais de proclamer que, désormais, devenu citoyen américain, on considérerait les États-Unis comme « mon pays ». Macgregor cite encore le cas de la population US d’origine allemande, qui formait un tiers de l’électorat US en 1914-1917, et qui jamais ne s’opposa à l’entrée en guerre des USA contre l’Allemagne, ni ne se déroba à ses obligations militaires. Quant aux Américains d’origine japonaise, on les enferma dans des camps sordides en 1941 par pur racisme infâme alors qu’ils ne demandaient qu’à servir en tant que citoyen américain contre le Japon (ce que certains d’entre eux firent malgré tout).
Mais je pense que les remarques de Macgregor vont beaucoup plus loin que la situation qu’il décrit, et touchent en fait les bouleversements sociétaux et psychologiques qui nous frappent aujourd’hui. Il est remarquable que dans le pays de l’individualisme, de la liberté et de la démocratie, ce « Bacon of Freedom » ‑– je parle des slogans publicitaires occidentalistes-américanistes, – les migrants en masse qui s’y précipitent pour des raisons diverses ne s’y sentent plus du tout chez eux. En quelques décennies, le “modèle américain” a fondu au soleil de Floride et de Californie comme une motte de beurre rance. Le paradoxe est qu’alors les migrants, fuyant leurs pays pour des raisons aussi diverses que celles que peut donner l’anarchie militaro-économique caractérisant notre époque, se sentent de plus en plus, au niveau essentiel des traits et sentiments psychologiques qui forment l’identité, comme des citoyens de leur pays d’origine, de ce pats qu’ils ont choisi de quitter ou (le plus souvent) qu’ils ont dû quitter.
Je crois qu’il ne faut pas assimiler cette situation à celle des différents pays de l’Europe qui connaissent également d’énormes problèmes de migration. Les USA sont un cas particulier puisqu’ils sont bâtis entièrement sur le simulacre de toutes les façons possibles qu’implique l’immigration. Le simulacre, – c’est leur raison d’être et leur façon d’être. Si l’immigration y est en crise comme on le voit, c’est l’Amérique elle-même qui est en crise existentielle.
Si j’ai choisi ce titre du Grand ‘Containment’, c’est pour utiliser le mot qui servit depuis trois-quarts de siècle de justification essentielle, de faux-nez si l’on veut puisqu’on s’invente des dangers extérieurs pour justifier l’aventurisme extérieur, à la politique hégémonique que nous désignons comme la politiqueSystème. Si la crise de l’immigration joue un rôle renversé de Grand ‘Containment’ de cette politiqueSystème en l’empêchant de se développer librement, c’est alors toute la substance même, non plus seulement de l’Amérique, mais du Système qui la domine, qui est en cause. Macgregor comprend très bien cela, lorsqu’il énonce les deux conséquences pour la sécurité nationale, – l’une bonne et l’autre mauvaise selon ses conceptions d’Américain loyal et anti-interventionniste, – de cet activisme inné, par simple réaction désormais naturelle de “citoyens américains” qui manifestent leur identité selon leur pays d’origine et non plus selon l’Amérique. On voit alors combien cette crise de la situation de l’immigration aux USA n’est plus seulement américaniste, mais bien mondiale, ou globaliste si l’on veut sous-entendre que c’est la crise d’effondrement du globalisme, et effectivement une attaque directe contre le Système qui est le moteur de tout le désordre furieux et sanglant que l’on constate aujourd’hui.
Je ne parle pas, moi, des décennies à venir, mais vraiment des quelques années à venir, voire des mois à venir tant les évènements sont d’une fulgurante rapidité, et de même pour l’évolution le plus souvent inconsciente des psychologies. Je n’en fais certainement pas un argument pour ou contre l’immigration, ici ou là que sais-je, mais un constat de la désintégration totale des projets implicites des globalistes pour noyer dans une soupe globale toutes les marques distinctives structurantes, comme l’identité, les traditions qui vont avec, les réflexes patriotiques et culturels, etc. J’observe cette évolution en l’interprétant pour traquer les signes absolument imminents de l’effondrement civilisationnel absolument nécessaire pour enfin parvenir à la fin de notre cycle. C’est d’ailleurs, selon une logique propre à une ligne de conduite fermement affirmée, rejoindre la conclusion ironique du texte de ce même jour où les stratèges de l’immigration pourront également enterrer leurs idées de déstructuration du monde pour pouvoir le restructurer à leurs manières, à côté du transhumanisme et du ‘Kali Yuga’ :
« Mais cela ne durera pas, cet espoir-là, – Louis-Ferdinand, mauvais mécanicien, en ricanait à l’avance, – et, au bout de cette attente, nous serons parvenus au terme du cycle identifié par Guénon. Alors, le transhumanisme sera jeté dans la même fosse commune, sorte de caveau familial prévu pour le ‘Kali Yuga’. »