Le Japon agressif, sa “‘stratégie du choc” et le cover-up de Fukushima

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Le Japon agressif, sa “‘stratégie du choc” et le cover-up de Fukushima

Depuis l’arrivée de Shinzo Abe comme Premier ministre, en décembre 2012, le Japon suit une ligne nationaliste “dure” conduisant à des tensions avec la Chine et la Corée du Sud. On dira aussitôt et avec une très grande fermeté que la particularité de ce “nationalisme” est d’être complètement faussaire et totalement inverti. Le nationalisme, qui est une notion douteuse dans le maniement et l’entendement du mot, devrait avoir au moins comme certitudes de sa définition une référence irréfragable aux notions d’indépendance et de souveraineté nationales. Dans le cas du Japon, il apparaît que ce nationalisme faussaire garde le pire du concept et trahit ce qu’on y trouve de vertueux. Le “nationalisme” de Shinzo Abe, fondé en vérité sur la corruption absolue d’une classe politique japonaise dévorée par la subversion d’elle-même, s’opérationnalise selon une situation du passé complètement faussaire et selon une situation présente de complète inversion du concept. Le Japon de Shinzo Abe est essentiellement agressif envers la Corée du Sud et la Chine qui ne menacent en rien son indépendance et sa souveraineté nationales (quelles que soient leurs intentions et leurs politique), en s’appuyant sur l’alliance US, la force subversive et destructrice essentielle de son indépendance et de sa souveraineté nationales. Il s’agit donc d’une parfaite intégration-Système par son caractère complet d’inversion, dont l’un des effets antiSystème pour l’instant accessoire mais potentiellement intéressant est de rapprocher un autre satellite des USA, la Corée du Sud, de la Chine.

A part certains exercices de démonstration d’affirmation dans des querelles de territoires contestés (des îles) et une rhétorique à mesure, Shinzo Abe affirme notamment une politique de communication appuyé sur un symbolisme agressif (célébration, au travers de divers gestes symboliques, du Japon expansionniste vis-à-vis de la zone considérée dans son cycle apparu au tout début des années 1930, dont eurent à souffrir horriblement la Chine et la Corée du Sud). (La Corée du Sud et la Chine développent eux aussi, à côté de “démonstrations d’affirmation dans des querelles de territoires contestés”, des gestes symboliques basés sur la célébration du passé marquant l'expansionnisme japonais à leur encontre, comme on peut le lire en début de l’article du 2 janvier 2014.)

Mais il y a un autre aspect dans la politique dite-“nationaliste” de Shinzo Abe, qui apparaît à première vue complémentaire du reste et qui est gros d’une dimension spécifique fondamentale, potentiellement bien plus dramatique et déstructurante : la constitution d’un véritable “État de Sécurité Nationale” à l’aide de lois d’urgence, dite de “secret d’État”, effectives depuis novembre-décembre 2013. Cette démarche “recopie” le modèle du National Security State (NSS) établi en 1947 par les USA ; bien entendu, les USA, au nom d’une politique-Système aveuglément poursuivie, apporte un soutien enthousiaste à Shinzo Abe après avoir pressé le Japon d’aller dans ce sens, depuis 2009 (tiens, depuis l’arrivée de saint-BHO, l’homme qui devait changer la “politique de l’idéologie et de l’instinct” de GW Bush). L’aspect le plus notable et le plus terrible est le lien qui est établi entre cette construction sécuritaire contraignante et la catastrophe de Fukushima avec ses conséquences plus que jamais en plein développement : il apparaît manifeste à nombre d’activistes japonais, avec nombre d’arguments complètement fondés, que ces lois sont également faites pour dissimuler (cover-up) les conséquences en cours et surtout à venir de la catastrophe de Fukushima.

(On notera que le niveau des radiations à Fukushima a atteint ces jours derniers un record, selon Russia Today le 18 janvier 2014 : «A record high level of beta rays released from radioactive strontium-90 has been detected at the crippled Fukushima nuclear power plant beneath the No. 2 reactor's well facing the ocean, according to the facility’s operator. Tokyo Electric Power Company (TEPCO) measured the amount of beta ray-emitting radioactivity at more than 2.7 million becquerels per liter, Fukushima’s operator said as reported in Japanese media. The measurements were taken on Thursday.»)

Une interview par Amy Goodman, de Democracy Now! (le 15 janvier 2014), du professeur Koichi Nakano, de l’université Sophia de Tokyo et directeur de l’IGC (Institute of Global Concern), illustre de façon critique cette nouvelle situation japonaise dans tous ses caractères. En voici un extrait.

Amy Goodman : «And talk about state secrets. What are these state secrets?»

Koichi Nakano: «Well, it’s very poorly defined. It, of course, concerns primarily security issues and anti-terrorist measures. But in the parliamentary exchange, it became increasingly clear that the interpretation of what actually constitutes state secret could be very arbitrary and rather freely defined by government leaders. And, for example, anti-nuclear citizen movements can come under surveillance without their knowledge, and arrests can be made if it turns out that they obtain some information that they didn’t even know constituted state secrets.»

Amy Goodman : «You talk about a Japanese shock doctrine.»

Koichi Nakano: «Right. The state secrecy law that was passed in December last year, just a month ago, basically two years after the big earthquake and tsunami and the nuclear power accident, that still continues to literally kind of shake Japan, and in the climate of anxiety and insecurity, the government basically is pushing in the classic sort of Naomi Klein kind of way of shock doctrine. And for the Japanese, it is particularly worrisome because it reminds us of what happened before the Second World War, actually, when Tokyo was destroyed by a huge earthquake in 1923. And the peace preservation law that eventually led to the birth of state secret police and the brutality of the military regime was also enacted two years right after the big earthquake that destroyed Tokyo back in the 1920s. So, the parallel is quite spooky.»

Amy Goodman : «And the parallel now with Fukushima, what it would mean in a cover-up of what’s been happening? And we’re not talking about the past now»... [...]

Koichi Nakano: «Exactly. The continuous contamination of water, of ocean, of the soil, and the continuous danger with the spent fuels in the nuclear reactors in Fukushima—I think there are lots of concerns, and citizens are trying to know the truth. But I think the state secrecy law is potentially going to make it easier for the government to cover up information...»

Bien entendu, ce qui doit nous intéresser particulièrement, c’est ce qui nous apparaît comme un processus-Système caractéristique. C’est l’ensemble du processus, entre les dimensions spécifiques concernés et les circonstances en cours, établissant un lien entre un événement de politique d'urgence sécuritaire classique (création d’un NSS japonais) et un événement eschatologique intégrant une catastrophe naturelle peut-être lié au dérèglement climatique accéléré sinon suscité par les activités de notre contre-civilisation (du Système) et un aspect de surpuissance (le nucléaire) directement lié liés à une perception catastrophiste du développement de la contre-civilisation dans le domaine du système du technologisme, tout cela dans le chef de l’événement catastrophique de Fukushima en 2011. Plus précisément dit, il s'agit donc de l'existence incontestable d'un rapport délibéré, quasiment directement de cause à effet, entre le processus NSS-japonais et la politique de cover-up, de dissimulation, des conséquences catastrophiques de Fukushima, déjà développée et qui devrait donc s’amplifier encore. (Les références du tremblement de terre de Tokyo de 1923 et de ce qui a suivi, données par le professeur Koichi Nakano, sont particulièrement impressionnantes pour ce qu’ils nous disent du précédent manipulatoire à cet égard, mais alors sans la dimension eschatologique qui distingue dramatiquement la situation actuelle.)

Cette interprétation probablement complètement justifiée constituerait, constitue même une “première” extrêmement impressionnante, à cause de l’importance de la puissance du Japon et de ses capacités d’une éventuelle nuisance catastrophique, à la fois stratégiques et de communication. Elle nous donnerait à voir le premier cas de l’ère d’urgence catastrophique symboliquement ouverte avec 9/11, et finalement le premier cas de cette sorte pour l’époque commencée avec le “déchaînement de la Matière“, où le choix d’une politique humaine contraignante, sécuritaire et éventuellement militariste jusqu’à bouleverser la structure d’un gouvernement, voire de l’État, est dans une part très importante lié directement à la lutte par dissimulation et à la tentative de suppression de la vérité d’une situation en partie causée par une catastrophe naturelle et en partie par l’effet du développement conduisant à la destruction du monde par le Système. Il s’agit alors d’un événement eschatologique de première grandeur, où l’élément humain, la sapiens soi-même, joue par sa position de relais aveugle du Système un rôle central d’outil de dissimulation et de simulacre. Cette occurrence est bien eschatologique parce qu’elle tend à dissimuler les éléments fondamentaux de la destruction du monde, pour permettre objectivement, quelles que soient les intentions et la conscience des choses des sapiens-exécutants, la poursuite en mode accéléré de cette destruction du monde. (Et l’on insister bien ici : “pour poursuivre ... [la] destruction du monde“ et non, par exemple, “la poursuite de la domination du monde”, – la nuance (!) est eschatologique et métaphysique.) Le sapiens, donc, exécutant de la surpuissance suscitant la destruction du monde, également exécutant des conditions d’autodestruction du Système puisque le caractère eschatologique de la chose ne peut qu’y conduire. Voilà au fond qui est une poursuite logique de la catastrophe qui a abouti à la situation du Japon, c’est-à-dire successivement sa politique des années 1930, sa destruction effective et symbolique par l’arme atomique, par son adversaire assurant la vassalisation et la transmutation du pays, jusqu’à ces conditions actuelles achevant le dessein surpuissance-autodestruction du Système.

On comprend que, dans des conditions qui pourraient s’aggraver notablement, un Shinzo Abe s’arrangerait bien d’un conflit avec l’un ou l’autre dans la région, pour encore mieux dissimuler les conséquences de Fukushima. Là aussi, il s’agirait bien plus d’eschatologie que de géopolitique, alors que semble régner au Japon une psychologie générale de terreur sourde suscitée par Fukushima («the climate of anxiety and insecurity» mis en évidence par le professeur Koichi Nakano). Nous mentionnons cette possibilité dans sa seule élaboration de projet et de préparation du projet, car il nous semblerait complètement improbable qu’un tel “plan” puisse aboutir à sa concrétisation du type géopolitique normal en fonction des multiples interférences, contestation et contradictions exposées par le système de la communication. Là aussi, le développement ne serait nullement géopolitique mais eschatologique et d'autodestruction du Système selon l'orientation dans ce sens permise sinon favorisée par l'ère psychopolitique.


Mis en ligne le 20 janvier 2014 à 05H43