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Il est arrivé au terme d’une longue séquence. Ces dernières décennies, la tête de l’exécutif français a été confiée à un chapelet de personnages dont l’image a été forgée par des fictions avec les ingrédients d’un blockbuster commandées par les détenteurs du réel pouvoir. Il cristallise désormais ce que le menu peuple exècre et rejette avec force.
La liste des motifs de mécontentement des gueux qui se signalent en jaune est fort longue D’abord cette arrogance démesurée qui lui fait considérer que celui qui n’aurait pas réussi comme lui ne serait qu’un Rien.
Le mépris qu’il manifeste à l’égard du peuple français dans son ensemble quand il se plaint de lui devant un public étranger et qu’il le dépeint comme un troupeau d’irréformables.
La préférence octroyée en toutes circonstances à l’Union européenne ce qui lui fait négliger l’intérêt de la nation qu’il préside.
La dévalorisation de sa fonction quand il invite une troupe de danseurs à se trémousser en bas résilles, short échancré et talons hauts sur le perron de l’Élysée.
La servilité devant les privilégiés et la haute finance qu’il a matérialisée en particulier par un impôt de solidarité sur les grandes fortunes qui exonère les patrimoines en actions. L’inégalité fiscale criante avec l’accent mis sur l’impôt indirect qui pénalise d’abord les bas revenus.
L’arbitraire du Parcours Sup qui impose aux bacheliers leur orientation universitaire et professionnelle.
Une humiliation des plus blessantes a été infligée aux travailleurs qui protestaient sous le quinquennat précédent contre une loi concoctée par l’actuel Président, dite El Khomri. Un certain jeudi 23 juin 2016 le parcours de la manifestation fut restreint à une boucle de 1,6 km, départ de Bastille et arrivée à Bastille en passant par le port de l’Arsenal. Une promenade pour animaux en cage. L’accès au site était contrôlé avec obligation de se démunir du moindre foulard qui pourrait servir à se voiler le visage en protection contre les gaz lacrymogènes et toutes les issues étaient bloquées par des camions anti-émeutes tout à fait impressionnants.
Mais aussi, sûr de son destin jupitérien, il a profondément contrarié deux institutions en mordant sur leurs prérogatives et en rognant sur leurs moyens matériels et humains.
Il a instauré des services secrets privés au sein de la Présidence dévoilée au public par l’affaire Benalla, entaille insupportable faite au renseignement français, déjà endommagée par la refonte réalisée par Sarközy. Sans doute, les ‘fuites’ organisées vers le journal de révérence vespéral cet été soulignent que le lèse-pouvoir régalien ne peut être passé sous silence ni ne peut rester impuni.
Il a réduit davantage le budget de la défense nationale ce qui a ulcéré nombre d’officiers. L’armée se trouve confinée à des activités subalternes au service de l’Otan ou à des opérations absurdes de maintien de la paix sans moyens d’assurer sa mission première.
La démission du chef d’état-major des armées (*) en juillet 2017 signale une faute politique que la Muette ne pouvait pardonner.
Tous ceci est le résultat convergent de politiques d’austérité et d’un laisser-faire ‘néo-libéral’ mis en œuvre avec un zèle qui n’a pas désemparé depuis Mitterrand.
Progressivement, l’État est devenu l’instrument exclusif d’un capitalisme non régulé, retrouvant son caractère brutal et sauvage de ses origines d’autant que se perdait la force antagoniste du bloc communiste de l’Europe orientale avec l’effondrement de l’URSS. En France, il a renoncé à toute souveraineté budgétaire, monétaire et de défense, contraint dans ces trois dimensions par l’UE, l’euro et l’OTAN.
La passe d’armes entre un Jospin candidat à la présidentielle et un ouvrier de Whirlpool menacé de licenciement pour fermeture de son usine en mars 2002 a constitué le point d’orgue qui a symbolisé l’impuissance de l’État. Privé de leviers parce qu’il y a renoncé en endossant le dogme de la concurrence non faussée, il avoue ne plus pouvoir garantir l’emploi sans les moyens d’entraver la désindustrialisation et les délocalisations.
Ne lui restent plus alors que deux domaines d’activité.
La fonction de répression policière s’exerce avec de plus en plus de brutalité, la fabrication insidieuse par les médias étayée par un discours politique indigent d’une nouvelle catégorie d’ennemi intérieur en a permis l’épanouissement. Les crimes des forces de l’ordre commis lors de chasses au faciès restent toujours impunis. Ils sont le pendant d’un système judiciaire rendu incapable par un empilement inextricable de lois et de décrets et par le manque de moyens de rendre la justice efficacement et sereinement. Les restrictions budgétaires affectent également négativement les facultés de la police. L’État d’urgence institué en 2015 après les attentats de novembre a bien montré leur limitation, l’ensemble des ressources a été mobilisé continûment sans droit à un quelconque repos durant des semaines, ce qui n’a pas manqué d’induire ne serait-ce qu’en raison de la fatigue cumulée des comportements aberrants. Les techniques de contre-insurrection et de lutte contre la guérilla urbaine inspirées et enseignées par l’armée d’occupation israélienne concourent à cette atmosphère de guerre civile larvée.
La contraction du nombre des employésde la fonction publique largement entamée par Sarközy se constate bien dans le secteur répressif. Le recours récent à la gendarmerie européenne, l’Eurogendfor, créée à l’instigation d’Alliot-Marie, est attesté par la surprise de manifestants aux gilets jaunes face à des gendarmes ne parlant pas français. Bénéficiant d’une immunité qui les protège et les place au-dessus du droit de chacune des nations européennes, ils ont des compétences militaires mais aussi celles des services secrets.
Le second champ résiduel du pouvoir de l’État est la politique fiscale. Pour des raisons de congruence avec le dogme libéral, il défiscalise les plus grosses entreprises et de préférence les multinationales et prétend qu’un ‘ruissellement’ des richesses accumulées au détriment des classes laborieuses parviendrait jusqu’à elles. Cette énorme empathie envers les détenteurs du réel pouvoir, l’économique et donc aussi l’idéologique, s’accompagne bien sûr d’une injustice fiscale envers les exploités qui ont à porter le poids de financer l’instrument de leur oppression.
La dernière taxe sur le carburant a été un événement déclencheur d’une colère latente depuis 1995, l’occasion de la dernière expression réellement radicale d’une contestation de cet ordre qui anéantit inexorablement les fondements d’une cinquième République née sur les décombres de la dernière grande guerre inter-impérialiste. Cette grève générale avait permis le recul momentané de la destruction de la Sécurité Sociale, acquis majeur d’une solidarité nationale où chacun contribue selon ses moyens et y puise selon ses besoins. Le moment le plus récent où le peuple français avait exprimé sans ambiguïté sa préférence pour la souveraineté nationale économique et politique et son refus du principe constituant de la « concurrence libre non faussée » tout azimut fut son Non au référendum du TCE en 2005.
Le ‘projeeet’ de la figure poupine propulsée à l’Élysée en 2017, c’est cela et rien que cela.
Poursuivre dans la voie de ses prédécesseurs, Revenir au roman de Zola, un Français sur cinq ne peut s’offrir ses trois repas quotidiens, avec l’industrialisation et la projection impériale en moins. « Au Bonheur des dames » serait écrit aujourd’hui dans une version où sans la clientèle chinoise, les enseignes des Galeries Lafayette et du Printemps disparaîtraient. La France est bousculée en Afrique par la Chine, les USA et la Russie. Ses interventions en Afghanistan, en Irak et en Syrie ont servi la puissance hégémonique de l’heure. Sur le plan de la finance mondialisée, elle est dominée par la City et Wall Street. Les pénalités payées comme tribut par la BNP et la Société Générale en témoignent. Au niveau industriel, elle cède les bijoux de famille, le dernier le plus flagrant en date est la section électricité de Alstom cédéeà General Electric. Elle laisse détruire des pans entiers de son parc industriel, textiles et construction de centrales nucléaires y compris, sous la pression d’une monnaie trop forte la défavorisant sur le marché international. Remorquée par la véritable puissance européenne, l’Allemagne réunifiée, industrieuse, à la classe ouvrière traditionnellement muselée par des syndicats partenaires du patronat qui accepte les petits jobs à 600 euros mensuels, elle n’est pas capablede défendre sa position d’exportatrice d’armements.
Pour seuls terrains d’excellence, la France ne dispose plus que du tourisme et du football. Pour les deux, elle est confrontée à des figures non caucasiennes, elle qui a tant de mal à digérer les effets directs de son ancienne projection impériale dans ses colonies. Multiraciale et multiculturelle, elle reste crispée dans une dénégation de l’existence d’une part de son histoire et d’elle-même, source de tensions nuisibles à la cohésion nationale, prétexte bienvenu exploité de part et d’autre pour dissimuler la donnée réelle de la guerre menée par la classe exploiteuse cosmopolite à l’endroit des Gueux.
La pauvreté et la précarité grandissantes ne suffisent pas cependant à rendre compte de la mobilisation de la France entière autour du mouvement des Gilets Jaunes.
Le vêtement jaune fluorescent a été conçu pour rendre visible de loin la présence de l’automobiliste en panne sur le bord de la route. Les citoyens transformés en automobilistes pour les besoins de Renault, Peugeot et Total et toute l’infrastructure immobilière déportée en banlieue, sont si nombreux à être pannés qu’ils obstruent désormais la circulation. Ils empêchent par leur multitude le mouvement fluide des hommes et des marchandises de façon rythmée et seulement ponctuelle, hebdomadaire. Leurs corps exposés aux gaz incapacitants et aux Flash-Ball n’altèrent en rien le mouvement incessant et vertigineux des échanges financiers. C’est à ce flux-là qu’il leur faudrait aussi et avant tout s’attaquer. Les femmes et les hommes en jaune portent une colère qui emmagasine plus que la détresse économique actuelle. Ils perçoivent intensément depuis près d’une génération que leurs enfants auront un devenir sans avenir plausible, ils connaîtront des conditions matérielles et environnementales bien plus défavorables que les leurs.
Et déjà, leurs vies ont perdu du sens.
La compétition entre les travailleurs mis en concurrence au niveau de l’embauche puis au sein de l’entreprise les place dans des situations de harcèlement qu’ils paient par des désordres psychiques compensés par des psychotropes licites ou non, des divorces et parfois des suicides.
Très souvent le travail qu’ils accomplissent est insatisfaisant car il leur apparaît comme dénué d’utilité quand il n’est pas doué de toxicité sociale.
Les carrières les plus convoitées dans l’ingénierie sociale et financière s’obtiennent au terme de formations dans des écoles privées de commerce dont on sait qu’une fois passés les concours d’entrée, on n’y apprend rien (de consistant) ou presque.
Les situations où l’individu est la proie de dissonance cognitive sont trop fréquentes pour être évitées, fragilisant son psychisme et l’entraînant vers des renoncements dépressifs ou des comportements schizophréniques.
Le regain de l’alcoolisme chez les sujets très jeunes et la pente positive de la courbe de consommations de drogues psychoactives traduisent ce malaise social.
Le consumérisme effréné comme modèle social institué dans les trente années de croissance keynésienne atteint aujourd’hui ses limites. L’avidité exubérante pour le nouvel objet induite par des techniques de persuasion commerciales de plus en plus fines amorce son reflux. Le dernier I Phone n’a pas rencontré l’engouement escompté et Apple peut dégringoler très vite dans sa capitalisation boursière.
C’est une véritable crise de civilisation qui a permis l’émergence de tribuns de la plèbe sans charisme comme Trump, Sarközy, Hollande, Theresa May et Angela Merkel et de bien d’autres. La dernière prestation de Macron, l’homélie préenregistrée de 13 minutes, est emblématique d’un discours apprêté, sur-joué, d’une fausseté trop palpable qui ne pouvait convaincre personne.
Le drame de Strasbourg, ce bain de sang perpétré par un délinquant notoire et en même tempsislamiste, comme c’est maintenant la tradition, n’arrêtera pas l’élan des Gilets Jaunes. Beaucoup se sont fait leur religion à propos de ce type d’attentats qui surviennent de façon opportune. Ils n’en disent mot mais n’en pensent pas moins.
Les Français sont lassés de la situation sans issue qui leur est faite. Ils n’espèrent plus qu’un changement survienne à la faveur d’une prochaine élection-bidonnée par des communicants. Ils veulent le départ de celui qui occupe le palais de l’Élysée.
Ils veulent une refonte institutionnelle.
Ils veulent plus de démocratie et de justice sociale et économique.
Ils ne s’en remettent à aucune des formations politiques ou syndicales existantes qui les ont toutes quasiment trahis, ces fameux corps intermédiaires que Macron a invités et rencontrés avant son allocution pour les amadouer.
Ils veulent tant et plus. Qu’on ne les méprise plus en parlant à propos de leur légitime colère de grogne comme s’il s’agissait d’un animal sauvage à domestiquer.
Le représentant a perdu toute sacralité, celle que lui confère le Collectif, quand à l’évidence il l’usurpe pour ne servir que l’intérêt privé de quelques-uns.
Le ‘Dégagisme ‘ principe révolutionnaire revivifié en Tunisie et en Égypte lors des printemps arabe doit aboutir positivement, ici, dans un pays anciennement industrialisé et dit développé. Les forces productives se sont tellement développées grâce au capitalisme néolibéral qu’il suffit d’inverser le signe d’appartenance des moyens de production pour assurer une vie digne à chaque humain de cette planète avec un minimum de travail. Cette inversion est possible en un minimum de temps et d’efforts, elle est faisable sans même verser une goutte d’hémoglobine de plus. On verra bien apparaître en plus de gilets dans les carrefours et les péages d’autoroutes quelques hackers sur les circuits électroniques d’échanges interbancaires et les marchés boursiers.
(*) Les belles familles
Louis I
Louis II
Louis III
Louis IV
Louis V
Louis VI
Louis VII
Louis VIII
Louis IX
Louis X (dit le Hutin)
Louis XI
Louis XII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XV
Louis XVI
Louis XVII
Louis XVIII
et plus personne plus rien... qu'est-ce que c'est que ces gens-là qui ne sont pas foutus de compter jusqu'à vingt ?
(**) Quelques mois plus tard, inemployé, le général de Villiers n’a pas fait preuve de persévérance patriotique, il a rejoint un groupe américain de conseil en stratégie, le Boston Consulting Group.
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