Le Jobbik hongrois : “Budapest n’est pas Kiev”

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Le Jobbik hongrois : “Budapest n’est pas Kiev”

Dans une vidéo intitulée "Jobbik: Budapest is not Kiev", Gyöngyösi Màrton, député au Parlement hongrois et dirigeant la section des Affaires Étrangères du Jobbik, s'exprime devant une journaliste de pravda.ru. Le titre, qu'on traduira évidemment par “Budapest n’est pas Kiev”, se situe dans la continuité de deux articles parus sur dedefensa.org: “La Hongrie (et l’Europe) dans le collimateur de Nuland” du 4 octobre 2014, et “Maidan-sur-Danube, l'hypothèse délicate” du 8 octobre 2014, par le même auteur que le présent billet.

Le résumé (avec chronologie minuté des propos) qui suit s'efforce de restituer le propos de Gyöngyösi Màrton, une fois passées les présentations. L'argumentaire en faveur d'une politique tournée vers la Russie se déroule avec force et constance, émaillé de considérations tout à fait rafraîchissantes sur les USA, l'EU et l'OTAN.

Le Jobbik est le deuxième parti de Hongrie. Il dispose de 11 % des sièges au Parlement hongrois, et de 3 sièges au Parlement européen. Son nom signifie à la fois “le meilleur” et “le plus à droite”. On le compare souvent au FN français et au FPO autrichien. Reste à vérifier si d'autres partis minoritaires de l'Union Européenne tiennent des discours de ce niveau en politique étrangère.

• 07:28 : “L'escalade du conflit est dans l'intérêt géopolitique et géostratégique des USA. Les membres du Parlement Européen (MEP) doivent œuvrer afin que l'UE se retire de ce conflit suicidaire, malgré la pression des USA.”

• 09:00 : “Les droits des minorités ne sont pas respectées en Ukraine, y compris au niveau des processus électoraux. Le Jobbik pourrait éventuellement déposer un projet de résolution au Parlement hongrois afin que le gouvernement hongrois agisse en faveur de l'autonomie de la minorité hongroise.”

• 12:36 : “Concernant la probabilité d'un Maidan hongrois, il faut séparer la raison principale des manifestations (un projet de taxe qui constituait une erreur politique) et certaines actions relevant de la provocation. Étrangement, parmi les manifestants, certains criaient “EU" (European Union) et nous y voyons une opération d'agitation orchestrée par des gouvernements de l'Ouest. Fait notable, le Chargé d'Affaires des USA, André Goodfriend, est apparu parmi les manifestants. Cela constitue une violation des règles diplomatiques et le gouvernement hongrois aurait dû l'expulser. Les diplomates des USA en poste à Budapest doivent comprendre qu'ils ne sont pas à Kiev, et que le peuple hongrois n'apprécie pas l'ingérence dans ses affaires intérieures.”

• 17:48 : “Les USA ont interdit une dizaine de membres du gouvernement hongrois (la liste exacte demeure inconnue) de pénétrer sur le territoire des USA, en invoquant la raison vague de corruption. Il s'agit à l'évidence d'une action hostile, puisque la corruption n'est pas un fait nouveau en Hongrie. En tant que membres de l'UE et de l'OTAN, nous devons rendre des comptes aux USA plus souvent qu'à notre tour. Si les USA sont un de nos meilleurs alliés, ils ont également tendance à se comporter comme nos pires ennemis. S'ils voulaient vraiment nous aider, ils nous communiqueraient leurs informations sur qui est corrompu et comment. Grâce à la pression du Jobbik le gouvernement hongrois continue à veiller aux intérêts nationaux et se retrouve obligé de jouer à un double jeu en tant que membre de l'UE et de l'OTAN, alors que ces derniers sont manifestement hostiles aux intérêts nationaux. La collaboration avec la Russie est dans l'intérêt de la Hongrie, notamment dans le domaine énergétique avec la construction de centrales nucléaires, et de l'oléoduc South Stream. Les sanctions contre la Russie sont contre l'intérêt de la Hongrie. La Hongrie doit donc nouer autant de contacts bilatéraux que possible avec la Russie.”

• 24:02 : “Les accusations d'antisémitisme contre le Jobbik se retrouvent auprès d'autres accusations fantaisistes, comme celles d'être financé par la Russie, et à peu près toutes les affreusetés que vous pouvez imaginer. Notons que le Jobbik a une position très claire sur le conflit israélo-palestinien, accusant Israël de se livrer à un génocide. Accuser Israël conduit généralement à se faire accuser d'antisémitisme en retour. Nous dénonçons de la même fa on les atrocités commises en Ukraine.”

• 26:31 : “La Russie est un partenaire stratégique pour la Hongrie, notamment dans des domaines telle que l'énergie (bis), l'agriculture et l'industrie. Nous avons des liens commerciaux très forts, et un très grand potentiel de développement. Les affinités culturelles sont réelles, et c'est l'intérêt évident de la Russie que de soutenir la Hongrie dans l'autonomie de ses choix. Aujourd'hui nous constatons la volonté manifeste du bloc de l'Ouest de devenir les seuls maîtres du monde, et il est dans notre intérêt de mettre un terme à cette évolution-là. En tant que pays à la frontière de deux mondes, la Hongrie a tout à gagner à ce que l'un n'écrase pas l'autre.”

• 31:37 : “L'Europe est un continent à l'agonie, culturellement et démographiquement. Elle a perdu ses valeurs et ses traditions dans le libéralisme. Ces dernières décennies, la Russie a montré son ancrage dans des valeurs authentiques, traditionnelles et religieuses. Elle peut nous montrer à nous, Européens, comment contre-attaquer afin de retrouver nos racines et notre bon sens.”

Laurent Caillette