Le JSF attaqué par la vérité officielle des prix, circa-Obama (et GAO)

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Un document du 22 janvier 2009, publié par le Government Printing Office (GAO) et répercuté par le Pentagone le même jour (le 23 janvier), passe en revue, d’une façon succincte, les divers problèmes de coût et de gestion du Pentagone. Ce document est à usage explicite de l’administration Obama et annonce des rapports détaillés du GAO sur certains sujets plus précis. Dans le résumé publié hier et répercuté par le Pentagone (ce qui est un signe intéressant), on trouve un passage consacré au programme JSF spécifiquement. Les nouvelles ne sont pas bonnes, notamment parce qu’il y a une nouvelle officielle de taille.

«The Joint Strike Fighter (JSF) — DOD's largest acquisition program procuring aircraft for the Air Force, Navy, Marines, and U.S. allies — also recently declared a Nunn-McCurdy unit cost breach. This program faces considerable risks stemming from its decision to reduce test assets and the flight-test program to pay for development and manufacturing cost increases.»

On attend un rapport détaillé sur l’état du programme JSF par le GAO le 11 mars 2009. De son côté, le Pentagone doit diffuser son rapport annuel sur l'état des grands programmes, rapport dit SAR (Selection & Acquisition Report), pour 2008 dans ce cas, quelque part entre le 25 mars et le 2 avril 2009. L’un ou l’autre de ces documents, voire les deux devraient donner des précisions sur cette annonce officielle de la violation de la loi Nunn-McCurdy (dite “the N-word” dans le jargon du Pentagone). La loi Nunn-McCurdy fait obligation au Pentagone de rendre publique toute augmentation de 30% et au-delà du coût d’un programme par rapport à son devis initial, déclare l'institution en contravention, demande d’envisager des mesures pour réduire cette augmentation. L’annonce du GAO représente la notification officielle que le programme JSF a dépassé son devis d’au moins 30%, l’imprécision affectant pour l’instant l’importance de la violation de la loi.

Cette notification officielle du GAO explique notamment pourquoi le général Davis, directeur sortant du JSF Program Office (JPO) a annoncé publiquement la semaine dernière que le coût unitaire du JSF était en augmentation. (Les chiffres plus ou moins précis donnés par Davis sont respectivement: $80 millions pour la version F-35A de l’USAF, $86 millions pour le F-35C de la Navy, «a number of millions more» [que les $86 millions du F-35C] pour le F-35B du Corps des Marines et de la Royal Navy.) Davis s’était pourtant gardé d’annoncer la violation de la loi Nunn-McCurdy.

Cette annonce de la violation de Nunn-McCurdy est une sorte d’étiquetage officielle de l’infamie. Dans un pays aussi corrompu et formaliste que les USA, cette mesure législative est une manière de tenter d’élever une barrière contre les excès trop voyant de la corruption des procédures; elle est aussi contraignante, par le souci de légalisme apparent des coutumes, que les procédures sont habituellement laxistes par le biais des représentations et machinations de communication qui les accompagnent. Une fois mis dans cette catégorie du “N-word”, un système ne peut plus être couvert, dans le domaine mis à nu, par la machinerie de relations publiques du Pentagone, si puissante et si habile à brouiller les cartes et à dissimuler la “vérité des prix”. La fiction d’un JSF à $40-$55 millions l’unité a vécu. C’est un revers remarquable pour Lockheed Martin (LM) et le JPO dans la guerre de communication qui est aujourd’hui l’essentiel de la bataille du JSF. C’est également un embarras considérable pour les gouvernements des pays coopérants, notamment les deux qui ont fait ou sont proches d’un choix d’acquisition (la Norvège et la Hollande). Ces gouvernements ont développé leur politique sur la fiction du JSF à $40-$55 millions l’unité, justifié leurs engagements, leurs choix, l’élimination abusive des concurrents, etc., par cet argument, notamment sinon essentiellement. Il s’agit d’une rude incursion de la réalité dans le monde virtualiste du JSF, mis en place avec une puissance de communication très grande depuis 2000-2001. Dans ce domaine, on parlerait d’un tournant.

Mesurons bien l’enjeu. Il y a toujours eu une guerre sourde entre le Pentagone et le GAO, essentiellement parce que le GAO dispose d’une remarquable expertise en matière de comptabilité et qu’il fait montre d’une réelle probité dans la publicité de ses travaux. “Expertise” et “probité”, voilà des mots grossiers, proches de l’obscénité pour le Pentagone, des mots qui frisent l’insulte pour ce digne établissement. On l’avait senti en 2008, lorsque la publication (en avril 2008) du rapport SAR 2007 suivant celle de deux rapports du GAO sur le JSF (mars 2008) avait été l’occasion d’attaques vicieuses du GAO par le JOP et par le Pentagone. Il faut dire que le Pentagone avait réussi, preuve à sa façon d’expertise et de probité, à trouver une réduction du coût du programme JSF, au contraire de cette vieille barbe ronchonneuse de GAO. Ces temps-là seraient-ils révolus?

On veut dire par là qu’il y a peut-être une certaine connivence entre le GAO et l’administration Obama, – et le “nouveau” Pentagone, ou, disons, la nouvelle direction du Pentagone, peut-être chargée d’une mission sur la vérité des coûts et d’éventuelles mesures qui suivraient; le relais immédiat par le Pentagone des observations critiques du GAO pourrait en être le signe. L’administration Obama veut-elle, comme elle l’a annoncé, effectivement entreprendre une délicate mission de freinage des dépenses du DoD, voire de tentatives de réforme du système? Veut-elle attaquer certains bastions du Pentagone, et le JSF avec son JPO en est un, et de taille? Pour cela, une couverture officielle telle que la violation de Nunn-McCurry et l’expertise du GAO constitue une assise solide.

Conclusion spéculative à ce point: le printemps 2009 sera intéressant, et il sera chaud pour le programme JSF. Le front intérieur, administration-Pentagone-Congrès, c’est là où les choses sérieuses se passent. Les pays coopérants du JSF, version American Dream, doivent s’attendre à de rudes empoignades chez eux, lorsqu’ils devront expliquer leur nouvelle politique conformément au rêve brisé d’au moins 30%.


Mis en ligne le 24 janvier 2009 à 06H38