Le JSF dans la curée générale

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Le JSF dans la curée générale

4 août 2005 — La spirale est entamée et nous ne la verrons plus cesser. Le JSF est entré dans la zone du “tous les coups sont permis”, et les hypothèses vont désormais bon train. Bien sûr, hypothèses de réduction, d’abandon de telle ou telle version, etc. Parfois, comme dans cet article d’Aviation Week & Space Technology du 8 août que nous citons aujourd’hui, le journaliste ajoute, par sympathie pour les amis : « Terminating [this version of the JSF] … could jeopardize relationships with partner countries. »

Ce même article consacre ces passages au JSF:

« A slew of options to find funding for Fiscal 2007 and beyond are zipping through the Pentagon, including a significant retooling of the $245-billion Joint Strike Fighter program that would radically change USAF's buy and affect the plans of foreign partners... [...]

» The Pentagon's civilian leadership has begun to float a proposal to kill the conventional-takeoff-and-landing (CTOL) portion of the F-35 Joint Strike Fighter (JSF) program, forcing USAF to buy the Navy's carrier version, according to Loren Thompson, chief operating officer for the Washington-based Lexington Institute think tank. Thompson has also done some consulting work for Lockheed Martin, the JSF prime contractor. The Pentagon is planning to buy more than 2,400 JSFs, 1,763 of them for the Air Force. The CTOL variant accounts for about 72% of the domestic buy. Terminating it would alter pricing for the entire program and could jeopardize relationships with partner countries.

» The Navy and Marines have also offered a proposal in the Quadrennial Defense Review to fly Air Force F-35s off of Navy carriers to access areas outside the reach of strike aircraft at land bases. USAF, however, rejects both ideas. “We don't want the Navy version, because it costs about 38% more and the performance isn't what we'd like,” Jumper says. Only an extreme situation, he adds, would require USAF to operate from a carrier. “The need to do that would be if somehow there wasn't enough volume in the Navy and Marine Corps to do the job. Now, I can't picture why that would be.” »

Dans un autre article du même numéro, AW&ST célèbre les bénéfices considérables du dernier trimestre des sociétés US d’armement, au premier rang desquelles on trouve Lockheed Martin, le maître d’œuvre du JSF. (« Net income was up 56% from a year earlier, to $461 million ($1.02 a share), profit margins rose, and the company increased its earnings estimate for the full year. “What a quarter,” marveled JSA Research analyst Peter J. Arment. “Way above expectations.” ») Mais l’optimisme s’arrête là, et c’est justement la caractéristique de l’article: les perspectives s’assombrissent brusquement et, dans ce cas également, on retrouve le JSF (avec l’inévitable F/A-22, également candidat certain à des réductions) comme cause principale des déboires probables de Lockheed Martin: « Lockheed Martin faces even more exposure to budget cuts. It derives nearly one-fifth of its sales from two fighter programs that could be targeted: the F/A-22 Raptor and F-35 Joint Strike Fighter. »

Le même analyste déjà cité plus haut (Loren Thompson), est à nouveau cité pour exposer la gravité de la situation menaçant tous les programmes de l’Air Force, au premier rang desquels se trouve le JSF : « The Pentagon cannot figure out how to match up its military requirements with the budgetary resources it's expecting to get. Where that leads is to some draconian cuts in existing investment programs. Every Air Force airframe in sight is a potential bill payer for other priorities. »

Il semble que tous les facteurs concourent en multipliant leurs effets pour rendre la situation budgétaire dramatique, avec des effets immédiats à prévoir sur le budget de l’année fiscale 2007. Le thème conjoncturel de l’article de AW&ST qui présente les diverses hypothèses de réduction est l’effet de l’augmentation du coût du pétrole sur le budget du Pentagone: « Defense Dept. planners are now estimating fuel costs may add as much as $4 billion to what was already expected to be a shortfall of nearly $6 billion in Fiscal 2007 and each year following. This nearly doubles the predicted annual deficit of about $10 billion. »

Il est remarquable de constater avec quelle rapidité l’hypothèse de restriction et de compression du programme JSF est entrée dans le champ général des spéculations pour les réductions budgétaires. C’est une révolution psychologique qui touche tout l’establishment de la sécurité nationale à Washington. Le cas de Loren Thompson peut être suivi à la trace à cet égard, de même que d’autres analystes ; au début de cette année encore (voir un “F&C” du 14 janvier), il était admis que le JSF restait intouchable, au contraire du F/A-22 dont le chiffre de production projeté était réduit. Nous-mêmes jugions qu’au contraire le JSF n’était plus intouchable, tandis que l’USAF, sans doute avec le soutien de Lockheed Martin, devrait tenter d’écarter les réductions proposées pour le F/A-22.

Ces hypothèses sélectives sont balayées. La situation, depuis janvier, s’est détériorée avec une rapidité extrême. Ce sont désormais les deux programmes qui sont menacés de réductions importantes, dans le cadre d’une situation générale où tous les programmes en cours de développement sont menacés : il n’est même plus question de tactique, de mesures et d’hypothèses comparatives, de savoir qui va être sacrifié et qui ne le sera pas, parce que l’effondrement en cours est général. Les avis des experts, rendent compte de cette très grave détérioration (dans ce cas, les experts sont de très bons indicateurs du climat général parce qu’ils diffusent des informations et des évaluations qui leur sont volontairement fournies, pour préparer les cercles plus larges de l’establishment washingtonien aux mesures à venir). Il y a aujourd’hui autour du Pentagone, et, par conséquent, autour du JSF, une atmosphère de panique.